Jordan Poole va-t-il faire splash à Washington ?

par Lukas Folkowski

Après avoir réalisé une saison statistique intéressante, mais loin d’être excellente pour autant (20,4 points, 4,5 assists à 43,0 %) Jordan Poole se retrouve aujourd’hui à Washington dans un nouveau rôle. Est-ce qu’il aura les capacités de passer un cap dans la capitale, ou bien restera-t-il ce génial scoreur en sortie de banc ? Présentation du profil du joueur. 

Une menace terrifiante au shoot 

Jordan Poole est un shooteur pur. Un joueur avec un attrait certain pour le tir sous toutes ses formes. 

On a ici affaire à un combo guard avec une qualité incontestable pour mettre le ballon dans le panier (87,8 % de réussite aux lancers francs en carrière). Son jeu est bien évidemment basé sur sa capacité à scorer d’un peu partout sur le parquet, ce qui implique donc qu’il est dépendant de son adresse.

Même s’il part assez bas au niveau de sa mécanique de tir, il parvient à surprendre les défenses grâce à sa rapidité d’exécution. C’est simple, ses opposants ne peuvent pas lui laisser le moindre espace sans quoi il n’hésitera pas à sanctionner. 

Il est un joueur qui tente beaucoup sa chance derrière la ligne à trois-points pour une réussite qui laisse à désirer. Il n’est en effet qu’à 34,9 % sur 7,7 tentatives par rencontre depuis 2021. On se souvient d’ailleurs qu’il était extrêmement décrié en début de carrière en raison de sa maladresse (80 de TS+ en saison rookie). 

Cette réussite assez moyenne s’explique par sa sélection de shoots très compliqués. Il prend un malin plaisir à scorer sur ses défenseurs, en cherchant notamment l’action d’éclat pour les humilier. C’est donc pour cela qu’il tente beaucoup de tirs très contestés, ce qui peut expliquer cette maladresse étonnante en raison de son profil. 

Face à Toronto le 18 décembre 2022, Jordan Poole bat son record en carrière en inscrivant 43 points avec notamment 5 tirs à trois-points. – Photo : Cole Burston / Getty Images

Il est par ailleurs un grand fan de pull-up puisque ce type de shoot représente une part importante de ses tentatives (5,9 par rencontre) pour une faible réussite (34,0 %). Ce sont des positions de tirs qui sont plus compliquées à sanctionner — avec donc plus de déchets — mais qui peuvent également faire déjouer la défense adverse. On se souvient par exemple de sa série contre Denver en 2022 où Poole s’était montré à son avantage (21,0 points à 54,8 % dont 48,4 % de loin) en attaquant constamment le drop des Nuggets.

Mais en raison de son attrait pour le shoot, il arrive souvent que « JP3 » ne soit pas assez agressif pour conclure proche du cercle (24 % de ses tentatives la saison dernière). Cela est d’autant plus frustrant quand on sait qu’il affiche une très bonne réussite (68 %) grâce à son jeu de jambes excellent qui lui permet de finir de manières spectaculaires. 

Un ball-handler élite 

Si l’élégance devait avoir un porte-drapeau en NBA, nul doute que Kyrie Irving serait le fière représentant de toute une génération de jeunes qui se sont émerveillés devant ses dribbles plus extravagant les uns que les autres. Et Jordan Poole s’est bien évidemment inspiré de Uncle Drew puisque celui que l’on surnomme « Swaggy Poole » est un joueur fabuleux à voir avec la balle. 

Il possède un cross saisissant en raison de la taille de ses bras et de la rotation de ses hanches, ce qui lui permet de surprendre ses vis-à-vis de différentes manières. Ses hésitations en tout genre en font une menace constante que les défenses peuvent difficilement anticiper quand il a la balle entre ses mains, car il peut tout faire. 

Il présente ainsi une rapidité d’exécution et une réactivité élite dans la grande ligue, qui lui permettent de se défaire de ses défenseurs. Cela reste néanmoins encore à polir, car il lui arrive de confondre vitesse et précipitation (3.1 turnovers en 2023), ce qui fait qu’il a un assist-to-usage qui est loin d’être élite (34th percentile).

De par son profil de ball-handler, il est un joueur qui a besoin d’avoir le cuir entre ses mains pour se montrer le plus menaçant possible. Il était le 5e combo guard avec l’usage percentage le plus élevé de la ligue (29,6 %) devant des joueurs tels que Tyrese Haliburton ou Kyrie Irving. 

Même s’il a su s’améliorer sans ballon, en s’inspirant notamment de son coéquipier Stephen Curry, il reste un joueur qui cut assez peu vers le cercle. Il préfère en effet recevoir la gonfle en périphérie avant de prendre une décision. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant si 45 % de ses paniers provenaient d’une action individuelle l’année dernière. 

Alors que les Warriors ont développé au fil des années un magnifique jeu collectif fait de nombreux déplacements sans la balle, Jordan Poole est allé à contre-courant. Il privilégiait les actions avec plusieurs dribbles pour faire la différence par lui-même. Il prenait 20,9% de ses tirs après 7 dribbles ou plus, pour une réussite qui laisse à désirer (47,2% à l’effective field goal percentage). 

Une défense qui pose de nombreuses questions

Est-ce que Jordan Poole affichera un jour un niveau défensif suffisant pour ne pas être un poids pour sa team de ce côté du terrain ? 

En raison de son physique frêle, il n’a jamais été reconnu pour son habilité à lockdown ses opposants. Il lui arrive régulièrement de se faire cibler par des joueurs plus musclés que lui et qui n’hésitent pas à l’attaquer pour finir proche du cercle. Mais également par des joueurs plus rapides que lui à cause de son centre de gravité élevé qui peut lui faire défaut. 

Étant donné qu’il a de nombreuses responsabilités offensives, il privilégie souvent ce secteur, ce qui signifie qu’il fait moins d’effort en défense. Il lui arrive notamment d’être en retard loin du ballon à cause de son manque de concentration, qui peut donc l’amener à rater quelques rotations. 

Il est en réalité un défenseur « sournois », car il n’a pas peur d’intercepter le ballon quand le joueur adverse s’y attend le moins. Il a ainsi une proportion à tenter de voler la gonfle à son adversaire avec ses mains actives, ce qui peut tout de même présenter de gros risques quand il se rate. 

En raison de ses errements défensifs, Steve Kerr (à gauche) a dû se passer de Jordan Poole, qui n’a été que l’ombre de lui-même (12,0 points à 33,8%). – Photo : Rocky Widner / Getty Images

Cela a donc obligé Steve Kerr à se passer de ses services une fois en playoffs, car il était constamment ciblé par les équipes adverses. Il était un poids trop important pour que ses performances offensives lui permettent de rester sur le terrain (-1,8 de defensive box plus/minus en régulière et -0.6 en playoffs). D’autant plus qu’il ne s’est pas montré à son avantage en attaque (10,3 points à 34,1 %).

Un comportement qui laisse encore à désirer

Jordan Poole est aujourd’hui un joueur ultra-gifté offensivement, mais dont le QI basket peut interroger sur certaines séquences. Il privilégie à certain moment le show à l’efficacité, ce qui explique son manque de régularité au cours de la saison, et même lors d’un seul match. 

Il a réalisé l’année dernière presque autant de matchs à 10 points ou moins (12 rencontres) que de matchs à 30 points ou plus (13 rencontres). Même s’il peut prendre feu à tout moment, il n’est pas le type de joueur qui est capable — pour l’instant — de faire régulièrement basculer le cours d’une rencontre ou d’une série de playoffs quand son équipe va mal. 

Même s’il a progressé dans sa compréhension du jeu, en particulier dans son playmaking pour autrui, il reste un joueur davantage axé sur la création personnelle. Il n’est pas un combo guard all-around, ce qui à terme pourrait le freiner dans son développement précisément parce qu’il n’excelle que dans le scoring. 

C’est par ailleurs son comportement qui a poussé le nouveau GM Mike Dunleavy Jr à se séparer des services de sa jeune star, prolongée pourtant l’été dernier pour 140 millions sur 4 ans. On apprenait ainsi récemment que le joueur s’était mis à dos une bonne partie du vestiaire, lui reprochant son attitude nonchalante. Cela aurait été à l’origine de la discorde avec Draymond Green en présaison.

« Tous les cadres avaient un problème avec Jordan Poole, que ce soit Klay Thompson qui disait ironiquement qu’il ne faisait pas assez de passes et prenait trop de tirs, ou Draymond qui voyait Jordan Poole comme le gars qu’il a frappé, et cela lui a fait perdre sa voix dans le vestiaire à cause de ce qu’il s’est passé. »

Logan Murdock, via The Bill Simmons Podcast

Que peut-on attendre de Jordan Poole à Washington ? 

Arrivé dans la capitale à la suite du trade contre Chris Paul, Jordan Poole se retrouve dans une position inédite puisqu’il il va être le go-to-guy de cette équipe. Il va être le joueur sur lequel la franchise va s’appuyer pour sa reconstruction. 

Et avec un nouveau rôle viennent de nouvelles responsabilités. Il aura à Washington la balle en main un nombre incalculable de fois. Il devra prouver qu’il est en mesure de devenir ce joueur capable d’allier actions spectaculaires et efficaces pour permettre à sa team de gagner, ou du moins d’accrocher certaines rencontres. 

Il tournait l’année dernière à 24,6 points à 43,3 % au tir quand il était titulaire. Il devra donc montrer qu’il est en mesure d’avoir la même production sur toute la longueur d’une saison. Il y aura bien évidemment plus de déchets que ce qu’il pouvait avoir avec Golden States puisque les défenses se focaliseront sur lui chaque soir. 

Au côté de Kyle Kuzma — prolongé récemment pour 102 millions sur 4 ans —, il doit incarnait une énergie nouvelle pour cette équipe qui a trop longtemps erré dans le ventre mou de la conférence Est. Arrivera-t-il à être le joueur qui représente le renouveau de la franchise ? Là est toute la question. 

Toujours est-il que Poole a une opportunité incroyable pour montrer au monde de la balle orange qu’il n’est plus ce jeune joueur plein d’insouciance, mais qu’il est désormais un adulte en mesure de gagner des rencontres par son propre talent individuel. Pourra-t-il répondre aux attentes ? Nul doute qu’il a le talent pour le faire. 

Photo : Ezra Shaw/Getty Images

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