La saison dernière a été un véritable conte de fée pour Golden State. Alors que la franchise a dû affronter de nombreux obstacles à la suite de la défaite contre les Raptors en 2019, ce titre est venu inscrire un peu plus encore cette équipe légendaire parmi les grandes dynasties de ce sport. Bien que les Warriors étaient sur le toit du monde l’été dernier, le retour sur terre a été des plus brutaux.
Un réveil difficile
En s’imposant seulement trois fois au cours de leurs dix premières rencontres, les Warriors paraissent encore émoussés. Et malgré un Stephen Curry toujours aussi étincelant (29,2 points à 41,9 % de loin), Golden State ne fait plus autant peur. Ce début de saison en dent de scie s’explique par un manque d’agressivité qui est plus que jamais criant.
La team coaché par Steve Kerr n’a jamais été reconnu pour sa capacité à obtenir de nombreux points sur la ligne. Alors qu’il n’était que la 24e équipe a tenté le plus de lancers francs la saison dernière, les Warriors ont sombré dans cet exercice en devant la pire équipe cette année.
Bien évidemment, Golden State pratique toujours l’un des plus beaux baskets de la ligue avec ce mouvement sans ballon et cette adresse extérieure. Que ce soit tant au niveau des tentatives à trois points (1er avec 43,6 tirs) que du pourcentage de réussite (6e à 37,7 %), la franchise californienne excelle encore dans ce secteur. Sauf que cela n’est pas sans risque puisque le système laisse place à beaucoup d’improvisation pour les joueurs. Ce n’est donc pas étonnant de voir que Golden State est l’équipe qui perd le plus de ballons par rencontre.
Et leur défense imprenable qui était leur marque de fabrique au cours de leurs derniers titres est plus que jamais perméable (18e au rating défensif). On le remarque notamment sur les aides bien trop fréquentes, qui offrent de multiples paniers ouverts, comme en fin de match contre Boston.
Les nombreuses blessures des joueurs majeurs impactent forcément l’avis général que l’on peut avoir sur cette équipe, car le cinq majeurs qui a été champion a été aligné moins de 50 % du temps. Or même lorsque tout le monde est présent, les Californiens présentent un bilan tout juste positif (12 victoires pour 10 défaites). C’est d’ailleurs en l’absence de Stephen Curry que Golden State a réalisé sa plus longue streak de la saison en remportant 5 rencontres consécutives en fin d’années 2022.
Le cinq majeur n’est pourtant pas à pointer du doigt. Lorsqu’ils sont réunis sur le parquet, Golden State affiche le meilleur rating de la ligue en inscrivant 19,7 points de plus par 100 possessions (minimum 500 minutes joués ensemble). L’un des principaux problèmes des Warriors se trouve en réalité sur le banc. Les départs conjugués de Otto Porter, Nemanja Bjelica et Gary Payton II n’ont été que partiellement compensés.
Cela oblige donc Steve Kerr à davantage faire appel à ses jeunes pépites, qui n’ont pour la plupart pas — encore ? — terminé leur progression.
Une jeunesse encore en croissance
Depuis l’arrivée de Steve Kerr au coaching en 2014, Golden State a toujours été une équipe expérimentée. Or cette saison, elle compte dans ses rangs pas moins de six joueurs encore sous contrat rookie.
Il faut dire que depuis la défaite contre les Raptors, la franchise a été forcée d’observer une période de reconstruction. Entre le départ de Kevin Durant et les blessures de Klay Thompson, Steve Kerr a été en quelque sorte contraint à davantage se focaliser sur la formation de ses jeunes pépites. Les Dubs ont donc obtenu des picks plus ou moins élevés à la loterie ou via des trades.
Sauf que les résultats ont été très divers.
Le cas de Jordan Poole est une franche réussite pour Bob Meyers puisqu’il est aujourd’hui l’un des meilleurs jeunes de la Grande Ligue. Avec un profil similaire à celui de Zach Lavine, en raison principalement de ses qualités au scoring et de son élégance sur le parquet, « Swaggy Poole » est le joueur idéal pour Golden State. Il est un élément essentiel du système de Steve Kerr, qui n’hésite pas à le garder sur le terrain en fin de rencontre afin de mettre le feu aux défenses adverses.
Et lorsque l’un des titulaires est absent, il est le premier a être choisi pour être intégré au cinq majeur. Cela semble ne lui poser aucun problème puisqu’il accepte volontiers les responsabilités qui vont avec (26,9 points et 4,1 passes en tant que starter). Sa moyenne au scoring grimpe même jusqu’à 28,1 points en l’absence de Stephen Curry, ce qui tend à prouver qu’il a les épaules pour peut-être prendre la relève de ce dernier à moyen terme.
Moses Moody et Jonathan Kuminga, deux loteries picks de la draft 2021, sont quant à eux pleinement installés dans la rotation de Steve Kerr. Pourtant les deux joueurs commettent encore beaucoup d’erreurs et prennent l’eau quand ils sont ensemble (-5,8 de net rating). Cela s’explique avant tout en raison de leur jeune âge puisqu’aucun des deux n’est en droit d’acheter légalement de l’alcool sur le sol américain. De plus, le système des Warriors requiert du temps pour être assimilé, et les deux joueurs doivent continuer à développer leur QI Basket.
Jonathan Kuminga est encore un diamant brut qui ne demande qu’à être poli. Sa baisse au scoring par rapport à l’année dernière est liée à une diminution de sa réussite proche du cercle (-5 %). Cela s’explique en partie par le fait que les défenses ont davantage de données sur lui pour l’empêcher d’accéder à ses spots préférentiels.
L’effet de surprise passé, Kuminga doit prouver qu’il n’est pas qu’un monstre athlétique en difficulté avec son shoot. Le joueur paraît cependant avoir la confiance de sa franchise puisque Steve Kerr déclarait qu’il « prend du plaisir à le coacher ». Le joueur est « là où il doit être et il doit juste continuer à s’améliorer chaque jour » selon son coach.
Cela montre que son destin à court terme semble bien lié à la franchise californienne. Or cela n’est pas le cas pour un autre jeune prometteur de l’effectif.
James Wiseman a-t-il encore un avenir à Golden State ?
Au moment de sa Draft, les espoirs étaient immenses concernant James Wiseman puisqu’il devait incarner le futur des Californiens au poste de pivot. Il devait combler le manque à un poste qui a tant fait défaut à Golden State par le passé de par sa mobilité, son shoot ou encore ses qualités aux rebonds.
Malgré une saison rookie imparfaite, notamment en défense (3,1 fautes en 21,4 minutes de moyenne) le joueur avait montré quelques flashs offensifs (11,5 points à 51,9 %) qui laissaient présager de belles choses pour son année sophomore. Mais sa blessure au ménisque droit survenue en avril 2021 a demandé plus de rééducation que ce qui était prévu, et il a dû faire une croix sur l’exercice 2021-22.
Sauf que les Warriors ont réalisé une campagne de playoffs exemplaire, avec un Kevon Looney excellent dans son rôle de pivot protégeant l’arceau. Ce dernier s’est d’ailleurs mis en évidence avec des performances décisives (21 points et 12 rebonds au game 2 contre Dallas). C’est donc tout naturellement que les attentes étaient élevées à l’égard du second choix de la draft 2021.
Or son début de saison a été catastrophique. En effet, le joueur n’a pas montré de réel progrès par rapport à sa saison rookie, notamment sa compréhension du jeu. Les attaques n’hésitaient pas à le cibler en défense en l’impliquant sur de nombreux pick-and-roll. Il affichait ainsi sur ses 4 premières rencontres un +/- de -13,5 par rencontre en seulement 17,6 minutes de moyenne !
Son talent offensif est certain, et personne ne doute de sa capacité à pouvoir s’exprimer de ce côté-là du terrain. Il a d’ailleurs réalisé une performance remarquable contre Brooklyn au mois de décembre (30 points à 12/14 au tir), mais dans une défaite écrasante (113-143 au Barclay Center). Depuis le mois de novembre, le joueur enchaîne les aller-retours en G-League, où il se montre à son avantage (18,8 points et 10,6 rebonds).
Les Warriors ont surtout besoin d’un protecteur d’arceau que n’est pas — aujourd’hui — Wiseman. En effet, le pourcentage de réussite de ses adversaires à moins de deux mètres du panier augmente de 0,2 % face à lui. Ce chiffre monte même jusqu’à 12,4 % pour les tirs tentés à plus de 4,50 m contre lui.
Les adversaires de Golden State prennent par ailleurs plus de rebonds offensifs quand Wiseman est sur le parquet (+5,4 %) ce qui tend à montrer ces difficultés de ce côté-là du parquet. Cela est un problème non négligeable puisque les Californiens sont une mauvaise équipe en termes de rebonds offensifs concédés (18e avec 10,7 prises laissées à l’adversaire).
Le jeune joueur possède encore une marge de progression, mais celle-ci paraît plus que jamais incertaine. En parallèle des doutes liés à sa condition physique, le pivot ne semble pas avoir la détermination pour devenir une référence à son poste. Le média français Envergure expliquait d’ailleurs au moment de sa Draft que « s’il s’en donne les moyens, il sera un des meilleurs joueurs de cette cuvée. Il peut également disparaître rapidement dans les limbes d’une rotation NBA si le mental ne suit pas ».
Une équipe à la recherche d’une dernière bague
L’arrivée de Steve Kerr en 2014 et l’éclosion de Stephen Curry ont permis à Golden State de devenir l’une des plus grandes dynasties de l’histoire. Plus globalement, les Warriors ont révolutionné ce sport comme rarement auparavant en démocratisant le tir à trois points. Mais comme en témoignent les cheveux blancs de Draymond Green, les cadres commencent à prendre de l’âge. Le trio Curry-Thompson-Green ont tous aujourd’hui plus de 32 ans, et leurs plus belles années sont derrière eux.
D’un point de vue contractuel, les Warriors ont un objectif de titre à très court terme. La masse salariale des Californiens s’élève à 193 millions cette saison, soit la plus importante de la ligue. Et en ajoutant la luxury tax, les dirigeants sont donc obligés de payer la somme de 480 millions de dollars rien que pour cette saison.
Klay Thompson a aujourd’hui un très gros contrat mérité au vu de son rôle essentiel dans la réussite de la franchise. Il touchera encore 43 millions de dollars jusqu’en 2024. L’arrière californien a connu deux blessures graves (rupture des ligaments croisés et du tendon d’Achille) qui auraient pu mettre un terme à sa carrière. Or le shooteur est revenu à un niveau plus que correct (20,5 points à 38,7 % à trois points).
Il n’est cependant plus autant efficace que par le passé (21,6 points à 42,3 % de loin entre 2014 et 2019). Cela se remarque surtout en défense où il n’est plus aussi impactant que par le passé pour s’occuper des meilleurs extérieurs adverses. Il reste un très bon joueur NBA, mais qui ne sera sûrement plus jamais All-Star, car son déclin semble inévitable.
Quant à Draymond Green, la situation est aujourd’hui très floue. Free agent cet été, il possède cependant une player option à 27 millions de dollars. Sauf qu’à l’heure actuelle, rien n’est certain le concernant puisque le front office a décidé de gérer les dossiers de ses jeunes en prolongeant Andrew Wiggins et Jordan Poole jusqu’en 2027.
L’altercation avec ce dernier en début de saison pourrait d’ailleurs être le point de non-retour entre les dirigeants de la franchise et Draymond Green. L’intérieur connaît bien le business omniprésent au sein de la ligue puisqu’il déclarait que « J’adorerais [être avec les Warriors pour toujours]. Mais je comprends la luxury tax, je comprends que ces jeunes ont des contrats et qu’ils doivent être payés ».
Il reste pourtant un élément majeur du système de Steve Kerr, où sa relation avec Stephen Curry est juste phénoménale. Il représente l’âme défensive de sa team (DPOY en 2017), où il est à la fois le cœur et les poumons des Californiens. Sa perte pourrait alors être plus que préjudiciable tant son profil est rare. Cette saison, il affiche un net rating de +12,5, soit le 6e meilleur de la ligue parmi les joueurs ayant joué au moins 1000 minutes.
La franchise est dans une situation financière qui l’oblige à avoir d’excellents résultats à court terme afin de rentabiliser les investissements réalisés. Leur nouvelle salle inaugurée en 2019 a entièrement été financée via des capitaux privés (1,4 billion de dollars). Et en étant parfaitement situé au sein d’un quartier en pleine expansion à San Francisco, le Chase Center doit attirer le plus de monde possible.
Les Warriors peuvent-ils tout perdre ?
Malgré un début de saison loin de leur standard, les Warriors sont toujours dans la course pour les playoffs. La franchise n’est qu’à une victoire de la 6e place, qualificative directement pour le 1er tour. L’équipe se montre par ailleurs de plus en plus rassurante en affichant la 9e meilleure défense du championnat sur les deux dernières semaines.
Bien évidemment, les hommes de Steve Kerr profitent d’une conférence Ouest plus que jamais ouverte, avec aucune team se démarquant réellement du reste de la compétition. Mais les Warriors savent bien qu’une saison NBA est un long marathon, et que le plus important est de se préparer idéalement pour le sprint final. Leur expérience pourrait d’ailleurs faire toute la différence, comme ce fut le cas en fin de saison dernière.
La Trade Deadline pourrait être le lieu opportun pour se renforcer. Que ce soit sur le poste de pivot ou l’acquisition d’un role player d’expérience, l’équipe n’est qu’à un petit mouvement de bonifier son armada compétitive.
La franchise californienne pourrait également attendre que les autres équipes s’activent de leur côté en s’adjugeant les services d’un joueur d’expérience sur le marché des buyouts. Que ce soit tant par sa position géographique que par ses résultats sportifs, Golden State est la franchise parfaite pour des rings-chasers à la recherche d’un dernier défi.
Malgré des débuts compliqués, les Warriors sont encore des contenders sérieux pour le titre. Pourtant, le front office devra prendre des décisions fortes dans les semaines à venir s’il veut assurer sans turbulence la transition future. À commencer par le choix de conserver ou non son manager général Bob Myers, en fin de contrat cet été.
Photo de couverture : San Francisco Chronicle / Hearst Newspapers via Getty Images