Sacramento Kings : Une saison royale vers les Playoffs

par Lukas Folkowski

En 2006, l’iPhone était encore un projet inconnu du grand public, Steve Nash venait de remporter son deuxième MVP consécutif et les Kings étaient playoffs. Depuis, l’iPhone est le téléphone le plus vendu dans le monde, Steve Nash ne joue et ne coache même plus et les Kings n’ont plus participé aux à la postseason. Mais alors comment la franchise californienne a réussi à inverser la tendance cette saison jusqu’à se hisser sur le podium de l’Ouest ?

Un long retour en Playoffs inespéré

Sacramento est devenu sur cette période la risée de la ligue en raison de leurs résultats sportifs catastrophiques, mais également de par une gestion interne des plus calamiteuses. 

Entre 2006 et 2022, la franchise a affiché un triste record de 37 % de victoires. Certes Minnesota a remporté moins de matchs sur la même période, mais les Wolves ont au moins eu l’honneur d’aller deux fois en playoffs. Ce qui n’est clairement pas le cas des Kings puisque ces derniers ont établi le triste record de saison consécutive sans participer à la postseason, détenue auparavant par les Clippers entre 1976 et 1991. 

Malgré ses échecs sportifs répétés, la franchise n’a jamais réussi à drafter les joueurs capables de leur faire passer un cap. On y a pourtant cru à de nombreuses reprises, que ce soit avec Tyreke Evans, rookie de l’année en 2010 ou DeMarcus Cousins 4 fois All-Stars avec les Kings. Mais ils n’ont jamais été en mesure de ramener Sacramento vers le trône de l’Ouest. 

Pire encore, le front office a enchaîné les choix douteux avec Ben McLemore en 2013, Nick Stauskas en 2014 ou Willie Cauley-Stein en 2015. Ce sont tous des tops 8 de Draft qui n’ont jamais réussi à s’imposer durablement en NBA. La franchise passe surtout à côté de Luka Doncic en draftant Marvin Beagley avec le 2e choix de la draft 2018. Ce dernier n’évolue plus aujourd’hui avec les Kings, et essaie tant bien que mal de faire sa place à Detroit. 

Les Kings se sont davantage fait connaître pour leurs frasques extrasportives avec Ron Artest suspendus pour violences domestiques envers une femme ou Eric Musulman à la suite d’une arrestation pour conduite en état d’ivresse. La franchise touche le fond en 2019 quand Luke Walton, coach de l’époque, est accusé de tentative de viol

C’est donc tout naturellement que la franchise perd peu à peu de son attractivité, en attirant de moins en moins de fans. Sacramento évite de peu un déménagement à Seattle en 2013, mais paraît tout de même condamner à errer dans les bas-fonds de l’Ouest californien.

Sauf que depuis la nomination de Monte McNair en tant que président des opérations baskets en lieu et place d’un Vlade Divac peu convaincant, Sacramento semble repartir du bon pied. Mieux encore, l’équipe est la véritable darling de cette saison 2022-2023 en déjouant tous les pronostics grâce à un jeu qui séduit l’ensemble des observateurs. 

Un magnifique jeu collectif 

Dans son livre L’Art de la Guerre, Sun Tzu explique que « la rapidité est l’essence même de la guerre ». Cette phrase prend tout son sens lorsque l’on regarde les Kings cette saison. La franchise californienne joue la transition à tout va en affichant l’une des paces les plus élevées de toute la ligue, pour une efficacité presque toute aussi élite (7e avec 1,29 point par possessions). 

Mais limiter le jeu de Sacramento à une équipe qui ne fait que courir serait bien trop réducteur. La team compte en effet dans ses rangs des joueurs de devoir qui ont tous bien compris leurs rôles. On ne peut que souligner l’excellent travail que Mike Brown réalise au quotidien pour mettre dans les meilleures conditions ses joueurs.

Arrivé cet été après 6 saisons en tant qu’assistant de Steve Kerr, il était étiqueté comme étant un entraîneur old-school axé sur la défense. Mais l’ancien coach de Cleveland a su se réinventer et s’inspirer de la réussite connue à Golden State pour l’exporter quelques kilomètres plus loin à Sacramento.

Il se montre très pédagogue avec ses joueurs en les accompagnant au maximum tout en étant intransigeant sur l’éthique de travail. Il a créé un véritable lien de confiance avec ses joueurs qui lui rendent au centuple en se démenant chaque soir pour lui.

Il s’appuie ainsi sur l’ensemble de son effectif et n’hésite pas à changer ses rotations quand il faut. Ce n’est pas étonnant si les Kings possèdent le 8e meilleur banc en termes de points inscrits, avec notamment un Malik Monk complètement épanoui dans ce rôle de sixième homme (13,7 points en 22,6 minutes). 

Le cinq majeur est l’un des plus rassurants de toute la ligue (seulement 17 rencontres manquées au total) avec des joueurs qui s’épanouissent dans leurs rôles. Le trio Huerter-Barnes-Murray excelle en soutien des deux stars que sont De’Arron Fox et Domentas Sabonis grâce à leur adresse extérieure (39,2 % en cumulés). 

Mike Brown (à gauche) en discussion avec son rookie Keegan Murray (à droite). Ce dernier, sélectionné avec le 4e choix de la draft 2022, est l’une des belles surprises de la saison des Kings (11,8 points à 40,7% de loin). Photo : Rocky Widner/Getty Images

Cette équipe excitante à voir évoluer attire de plus en plus de fans dans leur salle (98,4 % de remplissage). Ces derniers en prennent pour leur argent au vu du spectacle (1er à l’offensive rating) et des nombreuses contre-attaques à couper le souffle (1er à l’efficacité sur transition).  

C’est simple, rien n’arrête cette attaque des Kings, qui a inscrit moins de 100 points seulement deux fois cette saison, contre 18 fois l’année dernière. Cette équipe nous a d’ailleurs offert une rencontre historique en inscrivant 176 points contre les Los Angeles Clippers dans un thriller victorieux en double-prolongation.

Domantas Sabonis, le roi du demi-terrain

Arrivé contre Tyrese Haliburton juste avant la Trade Deadline 2022, on ne peut pas dire que ce transfert était à l’époque accepté par la plupart des fans. Sauf qu’ un peu plus d’un an après ce trade, ces mêmes fans ont mis de côté l’amour qu’ils éprouvaient pour leur ancien meneur au vu des performances phénoménales de leur intérieur (19,0 points, 12,6 rebonds, 7,1 passes).

Sabonis est aujourd’hui l’un des meilleurs pivots de la ligue en attaque. Fermez-lui l’accès à la raquette et il vous punira à mi-distance (50 % cette saison). Laissez-le jouer son un contre un et il vous sanctionnera en post-up. C’est simple, il est presque impossible de l’empêcher de scorer en raison de ses qualités techniques bien au-dessus de la moyenne. Ce n’est pas un hasard si sa sélection au All-Star Game — la 3e de sa carrière — n’a pas fait débat. 

Contrairement aux intérieurs traditionnels, le lituanien est un formidable passeur qui apporte beaucoup de créativité et de fluidité au jeu des Kings. Il est la plaque tournante offensive de sa team grâce à sa vision de jeu. 

Ce n’est pas étonnant si Kevin Huerter est le meilleur joueur de hand off en NBA cette saison (1,16 point par possessions) tant il excelle avec Sabonis sur ce genre d’action. Il permet donc d’écarter la défense adverse même s’il n’est pas un grand shooteur extérieur. Il est d’ailleurs l’intérieur qui crée le plus de points sur screen assist, et rappelle à bien des égards Vlade Divac en raison de son profil atypique pour son poste. 

Pour autant, sa gloutonnerie aux rebonds est une véritable plus-value pour Sacramento puisqu’il n’offre que très peu de secondes chances en captant 27,0 % des tirs manqués par ses adversaires. Ce sont ces mêmes rebonds qui permettent d’initier l’attaque des siens, que ce soit en remontant la balle ou en trouvant un coéquipier démarqué en transition. 

De’Aaron Fox (à gauche) et Domantas Sabonis (à droite) sont le premier duo des Kings a être All-Star la même saison depuis Brad Miller et Peja Stojakovic en 2004. Photo : Rocky Widner/Getty Images

Cette machine à triple double (11 cette saison) et All-Star sans contestations incarne l’identité des Kings. Il n’abdique pas malgré le fait qu’il se soit cassé le pouce en fin d’année dernière, démontrant qu’il est plus que déterminé à gagner avec Sacramento. Kevin Huerter déclarait d’ailleurs que « avec son style de jeu et son leadership, il stimule tout le monde autour de lui ».  Mais c’est surtout son association avec De’Aaron Fox qui permet aux Kings de rêver de nouveau cette saison. 

De’Aaron Fox, le renard clutch

Contrairement à son compère lituanien, De’Aaron Fox (25,3 points, 6,2 passes) est fabuleux en transition. Grâce à sa rapidité éclair, il arrive à se débarrasser aisément de ses poursuivants pour scorer sur ce type d’actions. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant si Sacramento est aujourd’hui la meilleure équipe de la ligue en termes d’efficacité sur le jeu rapide.

Celui que l’on surnomme « Quick » est un merveilleux scoreur qui sublime l’attaque de sa team. Son association avec Sabonis est des plus redoutables, notamment sur hand off et pick-and-roll où les deux sont comme chien et chat. Fox profite à merveille des espaces offerts par le spacing de Sabonis et ses compères pour sanctionner les teams adverses. Que ce soit via des finitions acrobatiques, des eurosteps ou des floaters en tout genre, Fox est l’un des meilleurs meneurs proches du cercle (77,1 % de réussite dans la restricted area).

Il est également l’un des meilleurs joueurs à mi-distance (48,0 % de réussite) grâce à une panoplie qui s’est affinée au fil des années. C’est avec des step-backs ou des step-sides plus dévastateurs les uns que les autres qu’il arrive à se créer de l’espace pour sanctionner. C’est d’ailleurs ces changements de rythmes constants qui sont un enfer à vivre pour les défenses adverses. 

Il a beaucoup progressé sur sa gestion des prises à deux, où il est désormais l’un des meilleurs joueurs de NBA dans ce type d’action. Parmi les 20 joueurs qui en subissent le plus, De’Aaron est le 2e plus efficace de toute la ligue puisque sa team inscrit 1,25 point de moyenne. Il réalise d’ailleurs la meilleure saison de sa carrière en termes de turnover percentage en étant l’un des meilleurs meneurs dans la gestion du ballon. 

Mais bien évidemment, lorsque l’on pense à Fox cette saison, on ne peut qu’avoir en mémoire les nombreux shoots clutch qu’il a inscrit pour offrir la victoire à Sacramento. Que ce soit contre Orlando ou Chicago, il démontre soir après soir qu’il assume ses responsabilités dans les moments chauds. Il est ainsi le meilleur joueur de toute la ligue dans le clutch, tant en termes de volume que d’efficacité, et est le favori pour remporter le trophée Jerry West.

C’est autour de son fabuleux duo Fox-Sabonis — tous deux All-Star — que Sacramento est aujourd’hui à la 2e place de la conférence Ouest avec 43 victoires pour 27 défaites. L’équipe californienne devrait donc retrouver les playoffs pour la première fois depuis 2006, avec peut-être même l’avantage du terrain. Ce qui serait historique compte tenu du passé de la franchise et des attentes en début de saison. 

La combativité des Kings pourra-t-elle continuer à s’exprimer en playoffs ? 

C’est l’une des questions que l’on entend revenir le plus ces dernières semaines : est-ce que les Kings pourront continuer à exceller à partir de la mi-avril ? Pour la majorité des observateurs, Sacramento est l’équipe idéale à affronter au 1er tour en raison de leur style qui ne paraît pas fait pour la postseason. 

On sait qu’en playoffs le jeu se durcit et les possessions se rallongent. Or les Kings ont aujourd’hui la 10e pace la plus élevée de toute la ligue. Sauf que Sacramento possède également la meilleure efficacité sur demi-terrain, grâce au génie de Sabonis et leurs shoots longue distance. 

Le jeu des Kings repose beaucoup sur leur adresse extérieure, lorsque les stars sont prises à deux. Et c’est justement sur ce point-là que les Kings devront continuer à exceller : si leurs joueurs de rôle sont en mesure de sanctionner à longue distance, l’attaque de Sacramento sera encore menaçante. Mais dans le cas contraire, il sera très compliqué, voire impossible de survivre. 

Les roles players des Kings devront absolument entourer de la meilleure des manières les stars de l’équipe afin de pouvoir résister aux grandes cylindrées de l’Ouest. Photo : Rocky Widner/Getty Images

Car cette équipe est loin d’être rassurante défensivement puisque la franchise californienne possède le 6e pire rating défensif de la ligue. Il faut dire que mise à part Davion Mitchell, l’effectif ne compte pas dans ses rangs des joueurs reconnus pour leurs exploits de ce côté-là du terrain. 

Domantas Sabonis est celui qui incarne cette fragilité. En raison de son manque de mobilité latérale et d’envergure pour protéger le cercle, les équipes adversaires n’hésitent pas à le cibler, surtout sur pick-and-roll. Il essaie de faire les efforts pour pallier son déficit athlétique, ce qui lui coûte cependant de nombreuses fautes qui l’empêchent de conclure les rencontres (8 exclusions pour six fautes cette saison). 

Mais pour compenser cela, Mike Brown s’appuie de plus en plus sur une défense en zone qui masque les lacunes individuelles de ses joueurs. Il expliquait à Sports Illustrated qu’il fait cela afin de « perturber le rythme des adversaires ». Précisant que « (notre)  défense sur l’homme n’est tout simplement pas aussi bonne qu’elle devrait l’être », ce qui l’oblige ainsi à faire preuve de créativité de ce côté-là du terrain également.

C’est en attaquant et en défendant ensemble que les Kings entendent bien faire trembler l’Ouest. Malgré les critiques émises, les Kings peuvent être sereins à l’approche de la postseason puisqu’ils sont parvenus à vaincre leur malédiction longue de seize ans. En tous les cas, il est certain que le Golden 1 Center grondera de plus belle afin de porter vers le haut ce groupe magnifique, et ainsi continuer à faire rayonner le Purple beam of light sur toute la NBA. 

Photo : Rocky Widner/Getty Images

Lisez aussi

Ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Accepter En savoir plus