Rares sont ceux qui auraient prédit aux Suns une sortie avant les Finales de Conférence. Pourtant, le soleil s’est bel et bien couché sur Phoenix. Les Playoffs sont terminés pour les derniers finalistes de l’Ouest, annoncés parmi les favoris au titre.
Après une saison régulière à 64 victoires, le groupe de Chris Paul et Devin Booker semblait prêt à passer à l’étape suivante. Chamboulés par les Pelicans au premier tour (4-2), puis pris par surprise par les Mavericks au deuxième (3-4), le parcours des Suns n’a clairement pas été à la hauteur des prémices.
Cette campagne a exposé plusieurs dysfonctionnements sur une machine que l’on pensait parfaitement huilée. Maintenant, place à l’intersaison. Le Front Office ne pourra pas régler tous les problèmes de la franchise en un été bien entendu, mais il s’agit d’une étape déterminante pour le projet de la franchise. Alors, Phoenix peut-il renaître de ses cendres ?
Les maux des Suns
La chute aurait été plus simple à digérer si les Suns avaient été victimes d’un coup du destin. Après tout, c’est bien le lot des Playoffs : le tir de Kawhi Leonard en 2019, le contre de LeBron James en 2016, l’inéluctable Robert Horry… mais cette fois, rien de ce genre. L’éclipse totale.
Cette défaite au Game 7, dans un blow out mémorable (90-123), constitue certainement l’un des plus gros crève-cœurs de l’histoire de la franchise. Une déception si amère laissera des marques indélébiles, c’est indéniable.
Dans cette rencontre pourtant si importante, jamais la combativité de Phoenix ne s’est fait ressentir. Après avoir perdu le premier quart-temps de 10 points, le deuxième de 20 et le troisième de 12, la seule période que les Suns se sont montrés capables de remporter était la dernière de leur saison. 40—31 en faveur des Suns, alors qu’il était déjà trop tard. Les Mavericks avaient déjà la tête aux Finales de Conférence, à juste titre.
« This just sucks », commentait Mikal Bridges après le match, par une expression qui se passe de traduction et résume parfaitement l’issue de ce match.
Très attendu dans ce match à enjeu, Devin Booker n’a pas su peser sur la rencontre. Seulement 11 points pour un scoreur remarquable — à 25,5 points sur la série avant cet échec. Pas un seul tir réussi dans les 31 premières minutes du match, pour finir à 3-14 au tir.
Dans les deux derniers matchs de la série, quand les Suns avaient l’opportunité de clore la série, l’arrière a complètement déjoué. Il affiche des totaux de 0-8 à trois points, un pourcentage global au tir de 29 % et 12 ballons perdus sur ces deux rencontres décisives.
Systématiquement défendu par deux joueurs, il n’était apparemment pas armé pour se défaire du piège de Jason Kidd et de ses soldats. C’est pourtant ce que l’on aurait pu attendre de la première option offensive d’une équipe prétendant au titre.
Chris Paul, le vétéran qui avait transformé le groupe la saison dernière pour l’emmener en Finales, n’était pas non plus lui-même dans cette série. Apparemment gêné au niveau des ischiojambiers, il a affiché des moyennes de 9,4 points, 5,8 passes et 3,6 ballons perdus sur les cinq derniers matchs.
Celui que l’on a l’habitude de surnommer le « point god » a fait la contre-performance de sa carrière. Jamais le meneur n’avait été aussi loin de ses standards. À 37 ans, cette chute brutale est particulièrement effrayante.
Deandre Ayton, pilier du run de l’an passé, a également beaucoup déçu. Fantomatique dans le Game 7, avec 5 points et 4 rebonds en 17 minutes de jeu, le pivot a perdu toute combativité au pire moment.
Interrogé sur le très faible temps de jeu de son pivot en seconde mi-temps, Monty Williams a répondu que son choix resterait « interne ». Une petite phrase qui pourrait évoquer un problème plus profond, mais dont nous ne connaissons pas la nature.
Plus inquiétant encore, son impact sur la série a été néfaste. Alors qu’il avait brillé par sa défense l’année dernière — notamment face au MVP Nikola Jokic —, il s’est montré complètement apathique dans cette série. Les Mavericks encaissaient 120,8 points pour 100 possessions avec Ayton sur le terrain. Lorsqu’il était sur le banc, ce Defensive Rating passait à 103,6, une nette amélioration.
Son impact offensif, certes important, ne pouvait évidemment pas compenser une telle inefficacité défensive. Les Suns se sont montrés bien plus performants en son absence (+7 de Net Rating), et ce même au rebond (+3,9 % de rebonds captés).
Neutralisé, Mikal Bridges n’a quant à lui pas réussi à se maintenir à plus de 28 % au tir dans les deux matchs décisifs. Cameron Payne, décevant, est allé jusqu’à sortir de la rotation.
Les déceptions ont été très nombreuses. Et il serait impossible de n’imputer aucune part de responsabilité à Monty Williams, Coach of the Year, dans cet échec. Les Suns ont complètement échoué dans cette série, aussi bien sur le plan individuel que collectif.
L’année dernière, Phoenix est miraculeusement passée de 10 saisons sans Playoffs aux Finales NBA. L’effectif semblait alors toucher à son but, que l’on pensait tout à fait atteignable cette saison. Finalement, cette campagne marque une régression dans le projet.
Il ne faut toutefois pas perdre de vue que cette équipe a remporté 64 victoires en saison régulière après sa participation aux Finales. Malgré ce violent échec, le groupe de Phoenix n’est clairement pas voué à exploser.
La priorité de l’intersaison : Deandre Ayton
Les Suns et Deandre Ayton, éligible à une extension de 177 millions de dollars sur cinq ans en 2021, n’avaient pas réussi à trouver un compromis avant le début de l’exercice.
« Ça n’a pas fonctionné et j’ai tout de suite sorti ça de ma tête », racontait-il alors à Marc J Spears, à propos de sa situation contractuelle pour la saison 2021-22. « Au final, tout est question de victoire. Si vous voulez obtenir quelque chose et toucher quelque chose dans cette ligue, il faut être un vainqueur. Faire quelque chose qui mène à la victoire. »
Cet été, le pivot est agent libre restreint et la gestion de son dossier constitue la priorité du Front Office. Il est désormais question de 136,6 millions de dollars sur quatre ans, une offre sur laquelle devraient s’accorder les deux camps.
Seule une poignée d’équipes en reconstruction aurait de quoi proposer à Ayton une offre similaire. Des destinations improbables compte tenu de la situation du premier choix de la Draft 2018. Au premier abord, seuls les Blazers — qui pourraient dégager suffisamment d’espace avec quelques ajustements — pourraient être une piste crédible si le Front Office se révèle intéressé.
Avec des moyennes de 17,2 points et 10,2 rebonds, mais surtout un rôle clé dans le jeu, Ayton est certainement indispensable aux Suns. Par conséquent, il est fort probable que Phoenix décide de prendre les devants ou au moins de matcher les futures offres des équipes concurrentes.
En apparence, le cas est simple et le dossier pourrait être bouclé dès le début de l’intersaison. Cependant, le « c’est interne » de Monty Williams laisse entendre que les négociations peuvent être plus complexes qu’attendu.
Premier point de discorde : la structure du contrat. Les possibilités sont plus larges qu’il n’y paraît. En réalité, les Suns pourraient proposer à Ayton un montage plus lucratif, basé sur des bonus incitatifs. Au-delà de son salaire garanti, le pivot pourrait en effet toucher des primes en cas de sélection au All-Star Game, dans les All-NBA et All-Defensive Teams ou, par exemple, pour avoir joué un certain nombre de matchs.
La mise en place d’une telle structure sera certainement demandée par les agents du joueur. Toutefois, il faudra que les Suns trouvent cette fois-ci un compromis avec Ayton. Et plus il y a matière à négocier, plus il y a matière à ce que les discussions tournent mal.
Deuxième point : le Front Office a déjà pris un risque la saison dernière en refusant à Ayton son extension de 177 millions sur cinq ans. Refuser les demandes d’un athlète peut évidemment affecter son mental et la relation qu’il entretient avec sa franchise.
Cet été, si les négociations se révèlent difficiles, Phoenix pourrait être tentée de laisser son joueur discuter avec d’autres équipes. Ils auront, quoi qu’il arrive, la possibilité d’égaler l’offre des concurrents. Toutefois, cela pourrait avoir un effet très négatif sur la confiance d’Ayton et sa relation avec la franchise.
Troisième point : éliminés par un groupe de cinq joueurs capables de tirer, les Suns pourraient reconsidérer la place de Deandre Ayton dans le projet. Avec 0,3 tentative à trois points par match, l’ancien d’Arizona n’est pas un shooter. Défensivement, il est avant tout taillé pour défendre la raquette.
Ces problèmes ne sont pas insurmontables dans l’absolu. Ils ne sont même pas si handicapants. Mais il n’est pas exclu que le Front Office puisse y voir un obstacle pour l’avenir de l’équipe.
Ces quelques sources d’inquiétude et le mystère qui plane sur la déclaration de Monty Williams laissent place à l’imagination. Quoiqu’il arrive, laisser partir Ayton sans contrepartie n’est pas une option. Si les Suns envisagent sérieusement de se séparer de leur pivot, le sign-and-trade est la seule piste plausible.
Le scénario le plus probable reste la prolongation d’Ayton. Le contraire resterait surprenant, mais le champ des possibles s’est élargi.
Le choix de la stabilité
Tout changement important dans l’effectif de Phoenix serait une grande surprise. Le groupe est logiquement parti pour se maintenir.
Monty Williams a la pleine adhésion de son groupe et vient d’être récompensé par le trophée de Coach de l’année. Devin Booker et Mikal Bridges ont encore de nombreuses années de contrat et semblent intouchables. Chris Paul serait difficilement transférable et reste, malgré ses contre-performances, au centre du projet. La plupart des role players restent sous contrat.
Le Front Office passera sans doute la majorité de son intersaison à travailler sur des extensions de contrat — essentiellement celle de Deandre Ayton.
Devin Booker est éligible à une extension supermax de 211 millions de dollars sur quatre ans. Probablement une simple formalité, qui sera réglée en temps et en heure.
Cameron Johnson est également éligible à une extension rookie, qui devrait être signée rapidement. Après une saison à 12,5 points et 42,5 % à trois points de moyenne, le 11e choix de la Draft 2019 est désormais un rouage essentiel de la rotation.
Enfin, Jae Crowder entre dans la dernière année de son contrat et pourrait signer une extension dans les mois prochains. L’avenir du joueur de bientôt 32 ans dépendra principalement du reste de l’été des Suns. Son extension ne constitue pas une priorité pour le Front Office.
Au-delà de Deandre Ayton, les Suns n’ont que trois agents libres. Tous des joueurs de banc. Aaron Holiday (3,3 minutes par match en Playoffs) est agent libre restreint. Seuls JaVale McGee (11,1 min) et Bismack Biyombo (9,6 min) sont libres de partir où ils le souhaitent.
Le Front Office pourra utiliser sa midlevel exception de 6,4 millions de dollars pour conserver McGee, ou signer un autre intérieur à la Free Agency. En ce qui concerne Bismack Biyombo, un contrat minimum pourrait bien suffire à le convaincre de rester. Holiday, hors de la rotation en postseason, serait une perte négligeable.
Le propriétaire des Suns, Robert Sarver, semble prêt à payer la luxury tax cette saison. « Nous sommes prêts à payer la taxe, et c’est l’une des choses que nous devons faire si nous voulons gagner un titre », avait-il déclaré au micro de Burns & Gambo. Un indicateur qui va clairement dans le sens de la stabilité pour le groupe.
Sans pick de Draft ni agent libre non restreint notable, tout indique que les Suns reviendront avec un roster presque similaire la saison prochaine. Si le Front Office a l’intention d’opérer des changements, il devra nécessairement passer par des transferts.
Les Suns peuvent-ils améliorer leur effectif ?
Phoenix se retrouve dans une situation ambiguë. Un récent finaliste, sortant d’une saison à 64 victoires, devrait évidemment jouer la carte de la continuité. D’un autre côté, l’échec retentissant face aux Mavericks laisse planer un léger doute.
Pour un contender comme les Suns, l’intersaison est une constante quête d’amélioration. Le recrutement de la Free Agency, compte tenu de leurs finances, ne suffira pas à régler leurs problèmes.
Évoqué précédemment, un sign-and-trade de Deandre Ayton reviendrait à véritablement bouleverser l’effectif. Si les Suns veulent changer de direction, il s’agit du moyen le plus évident. Toutefois, cette perspective reste peu probable et difficile à mettre en place.
Il semble que seul moyen crédible de changer leur effectif cette année serait de se séparer de tours de Draft ou de jeunes prometteurs.
Ainsi, le transfert d’un joueur au contrat expirant, comme Jae Crowder ou Dario Saric, n’est pas exclu. Avec un premier tour de Draft, ces contreparties pourraient permettre à Phoenix de se renforcer.
Si Cameron Johnson est aujourd’hui l’un des membres les plus importants de la rotation, il est également un joueur d’avenir. À 26 ans, il ne semble pas encore avoir atteint son plafond. Le Front Office pourrait faire le choix difficile de s’en séparer pour récupérer un vétéran plus impactant.
Peut-être même qu’un transfert de Mikal Bridges, l’une des pièces les plus importantes et les plus prometteuses de l’effectif, pourrait être envisagé… Ces deux possibilités restent peu probables, mais rien n’est exclu pour une équipe qui espère décrocher le titre rapidement.
Une chose est sûre : si les Suns veulent évoluer, ils devront se faire violence. Leur marge de manœuvre est trop limitée pour espérer faire progresser leur effectif sans sacrifice.
Le vent du changement pourrait se lever à tout moment, mais le calme règne pour l’instant sur le désert de l’Arizona. Peut-être est-ce difficile à accepter après une élimination si brutale en Playoffs, mais les Suns passeront probablement les cinq prochains mois à attendre. Tout indique qu’ils repartiront la saison prochaine avec le même groupe, pour les mêmes objectifs.
Photo de Chris Paul : Ron Jenkins/Getty Images