Donovan Mitchell à New York, un dossier dont on a tellement entendu parler pendant l’été que sa finalité semblait actée. Alors que l’arrière du Jazz semblait se diriger vers les couleurs bleues et oranges pour le début de saison, Spida évoluera bien dans l’Ohio.
Un mouvement beaucoup décrié ces dernières semaines par la majorité des fans qui jugent l’offre de Cleveland bien insuffisante par rapport à ce qu’offrait New York.
Pourquoi l’offre de Cleveland est-elle finalement bien plus logique dans l’Utah ? Analyse de la pensée de Danny Ainge.
Récapitulatif du transfert
Vous pouvez retrouver l’analyse du tranfert à chaud dans cet article mais récapitulons rapidement :
- Cleveland envoie : Lauri Markkanen, Ochaie Agbaji, Collin Sexton, trois premiers tours de draft non protégés (2025-27-29), deux swaps de premiers tours (2026-28).
- Utah envoie : Donovan Mitchell
Avec le transfert de Rudy Gobert et le départ de Quin Snyder, l’arrivée de Danny Ainge au poste de directeur des opérations basket rime bien avec le début d’une nouvelle ère chez les mormons. Exit les années Deron Williams, celles de Gordon Hayward puis du duo Gobert / Mitchell, l’heure est au tanking complet à Salt Lake City.
Un tournant rarement pris dans l’histoire du Jazz qui avait toujours essayé de rester dans les hauteurs de sa conférence. Elle refusait, tout du moins, de tomber tout en bas, notamment en allant chercher le potentiel de Mitchell en 2017 suite au départ de Hayward vers Boston.
Le départ d’un des plus grands défenseurs de l’histoire
À la suite d’un nouvel échec au premier tour face à Dallas, pourtant privé de Luka Doncic sur les premiers matchs, le front office du Jazz a fait le choix – ambitieux mais compréhensible – de repartir à zéro.
Avant Mitchell c’est donc Gobert, figure de proue du projet d’Utah depuis 2013, qui partait vers Minnesota en échange de Beverley, Beasley, Bolmaro, Kessler et Vanderbilt mais surtout 4 premiers tours de Draft non protégés.
Sur ces échanges, on remarque rapidement le point essentiel de ces deux montages, la flopée de choix de Draft récupérée par la franchise de Salt Lake City soit 9 premiers tours pour « simplement » deux joueurs. Plus qu’une tendance actuelle de la NBA, on remarque une vraie volonté du front office de voir sur du potentiel et du très long terme. C’est ce qui va expliquer leur refus des offres venant des Knicks.
L’offre refusée venant de New York
Ces derniers jours, de nombreux fans et spécialistes considèrent Utah comme le grand perdant de ce trade, n’ayant pas réussi à ramener de véritables talents dans l’effectif, comme New York le proposait pourtant.
Aux derniers nouvelles venant du journaliste d’ESPN Adrian Wojnarowski, New York est allé jusqu’à proposer un joli package : R. J. Barrett, Obi Toppin, Mitchell Robinson et trois choix au premier tour de la Draft.
R. J. Barrett, c’est longtemps resté le nerf de la guerre et c’est celui qui cristallise deux visions de comment reconstruire une franchise :
L’ancien ailier de Duke est un joueur au potentiel encore loin d’être atteint. Un joueur de seulement 22 ans qui a tourné à 25 points, 6 rebonds et 4 passes de moyennes sur les trois derniers mois de compétition. Il est allé jusqu’à s’accaparer le leadership des mains d’un Julius Randle désabusé. Un potentiel de franchise player à étudier. Pourtant, Salt Lake City préférait ne pas l’inclure dans l’échange de Donovan Mitchell. Une aberration pour de nombreux fans et spécialistes mais une décision pourtant tout à fait logique.
Rebuilding vs Retooling
Lorsqu’une franchise décide de transférer ses stars, deux chois s’offrent à elle, le retooling et le rebuilding :
Alors que le rebuilding signifie, par définition, repartir à zéro en rasant toute trace du passé, le retooling équivaut à réorienter son effectif avec de nouvelles pièces pour continuer à garder un projet plutôt tourné vers la victoire.
Côté finance, reconstruire demande des finances saines, avec peu de contrats lourds et surtout de courtes durées pour pouvoir garder une flexibilité assurée. Réorienter (retooling) demande au contraire de récupérer des joueurs performants et donc de s’assurer un salary cap blindé pour continuer à jouer quelque chose.
Pour faire la distinction, on peut parfaitement citer le cas des Raptors et des Spurs en 2018, qui vont, tous deux transférer leur franchise player tout en décidant de ne pas reconstruire mais d’orienter d’une nouvelle façon leur effectif.
En transférant ses deux stars et en ne récupérant aucune « star » potentielle dans le lot, le Jazz a clairement décidé de repartir de zéro et d’opter pour un rebuilding pur et dur.
Des choix de Draft plutôt que R. J. Barrett ?
À 22 ans, R. J. Barrett reste malgré tout un asset jeune, performant avec un plafond plutôt haut. Pourquoi Danny Ainge n’en voulait-il pas à ce point et pourquoi a-t-il préféré les choix de Draft ?
Trois raisons peuvent expliquer ce choix.
1. Les finances
Contrat maximum ou pas, R. J. Barrett a tout de même été prolongé pour 120M sur 4 ans fin août. Un coût que certains peuvent estimer faible par rapport au potentiel du joueur mais qui reste plutôt élevé dans une masse salariale.
L’ailier canadien prendra la modique somme de 30M sur la saison 2026-2027, Danny Ainge n’a tout simplement pas voulu prendre le risque de ce montant pour une franchise qui est à l’étape -1 de sa reconstruction.
On juge un projet de reconstruction à trois critères principaux : la qualité de ses jeunes joueurs, le nombre de ses choix de Draft et enfin sa flexibilité financière. Ce dernier critère aurait été amoindri avec ce joueur et ce contrat dans l’effectif. Cela aurait enfin réduit la marge de manœuvre future d’Utah dans de potentiels deals.
2. La timeline du Jazz
R. J. Barrett n’a que 22 ans, certes, mais cela reste bien supérieur aux joueurs que le Jazz s’apprête à drafter (très) haut sur les prochaines années. Avec le transfert de leur duo phare, Utah a maintenant un capital de choix de 13 premiers tours jusqu’en 2029, en attendant que cette somme ne grossisse avec les transferts prévisibles de Bojan Bogdanovic, Jordan Clarckson et Mike Conley.
En incluant ses propres picks, Utah devrait beaucoup drafter et surtout drafter très haut. Le prochain franchise player du Jazz semble donc se situer dès les Drafts 2023, 2024 et 2025. On parle ici de joueurs nés en 2005 ou 2006, soit un âge bien éloigné de R. J. Barrett qui est un 2000.
Lorsque l’ancien de Duke atteindra son plein potentiel, il pourrait développer de la frustration face à la stratégie de défaite du Jazz qui serait encore à chercher sa pierre angulaire. Quel est l’intérêt d’avoir un franchise player efficace au milieu d’adolescents qui découvrent l’univers NBA ?
Le parallèle avec la franchise de San Antonio est ici évident. À seulement 24 ans et à l’aube d’une prolongation de contrat, Dejounte Murray a été jugé comme trop vieux pour les projets de Fort Alamo.
Par son âge, son potentiel et son niveau de jeu, R. J. Barrett se situe malheureusement déjà en dehors de la timeline du Jazz qui voit ici sur du très long terme et qui a donc préféré récupérer des picks de Draft, des joueurs moins forts et donc beaucoup plus transférables si jamais.
3. Le niveau de jeu de Barrett
Malgré tout cela, R. J. Barrett reste un joueur qui peut atteindre un niveau de All Star mais cela a également bloqué Danny Ainge. Alors que le Jazz va chercher à perdre à tout prix durant les deux-trois prochaines années, l’ajout du n°3 de la Draft 2019 augmente sensiblement le plancher de ton équipe. Cela amène inexorablement à gagner plus de matches et donc à devoir récupérer, non pas un choix dans le top 3, mais un choix dans le top 8. Une différence parfois cruciale pour récupérer un franchise player.
Quel futur pour les Jazzmen ?
Loin des fans, l’ensemble des front offices NBA a salué le geste et la stratégie de Salt Lake City dans ces échanges. Rien n’est pire pour une franchise que de jouer sur plusieurs tableaux et plusieurs timeline sur le même moment. Des franchises comme Orlando, Indiana ou même San Antonio en ont souffert ces dernières années.
Avec la récupération d’autant choix de Draft mais aussi en récupérant en nombre des assets intéressants et surtout flexibles comme Collin Sexton, Lauri Markkanen, Jarred Vanderbilt, Talen Horton-Tucker ou encore Malik Beasley, Danny Ainge se permet de perdre tout en continuant à accumuler du futur.
Alors que le Jazz se dirigeait vers une prochaine ère plutôt moyenne dans le ventre mou, ils ont récupérer le plus gros capital de choix de draft de la ligue tout en mettant la main sur Ochai Agbaji et Walker Kessler, deux premiers tours de la draft 2022, un véritable tour de force.
Avec un choix qui devrait être dans le top 4 de la prochaine Draft annoncée légendaire, plus les choix de Cleveland et de Minnesota et les assets récupérés contre Beverley, Clarckson, Bogdanovic et Conley, le projet du Jazz va vite s’éclaircir dans les années futures.
Mettre la main sur Scoot Henderson, Victor Wembanyama ou Nick Smith tout en gardant une flopée de choix de Draft, des joueurs intéressants comme Sexton, Agbaji ou THT et surtout une flexibilité financière certaine, les fans du Jazz mettront du temps mais le sourire devrait vite revenir. Encore une fois, Danny Ainge sait parfaitement où aller.