Les spectateurs peuvent continuer d’attendre la bataille d’anthologie entre Nikola Jokic, Giannis Antetokounmpo et Luka Doncic. Les trois superstars, dont les deux derniers MVP de la NBA, ne sont déjà plus en course pour une médaille à l’EuroBasket.
Ces éliminations sont une véritable désillusion. D’abord pour la Serbie, qui plaçait beaucoup d’espoirs en cette compétition pour lancer une dynamique vers les Jeux olympiques de 2024. La Grèce, plus inexpérimentée, nourrissait elle aussi de grandes ambitions. Mais sa progression au fil du tournoi n’était apparemment pas suffisante pour franchir l’obstacle allemand. Pour sa part, la Slovénie n’a pas réussi à défendre son titre de champion, avec une chute déroutante contre une Pologne séduisante.
Trois équipes avec des similarités : deux MVP et un futur candidat à ce titre, trois forts effectifs, mais surtout trois déceptions… Alors, que retenir de cet Euro pour la Grèce, la Serbie et la Slovénie ?
Serbie : un obstacle mental pour un effectif pléthorique
La Serbie ne peut pas se cacher derrière l’excuse d’avoir perdu contre une nation plus forte qu’elle. Au sein du groupe de Svetislav Pesic — revenu sur le banc 20 ans après son titre mondial et européen avec la Yougoslavie —, on compte évidemment le double MVP NBA Nikola Jokic. L’homme au plus gros contrat de la ligue américaine (264 millions de dollars sur 5 ans) est le leader naturel de la sélection. Playmaker, scoreur, rebondeur, défenseur, le Joker a endossé toutes les casquettes au cours de la compétition.
À ses côtés, l’excellent Vasilije Micic. La star de l’Anadolu Efes d’Istanbul est le bras droit idéal. MVP de l’Euroleague en 2020-21 et du Final Four en 2020-21 et 2021-22, ce fort extérieur est le meneur du jeu offensif serbe. Un joueur de son calibre pourrait certainement s’imposer comme le leader de bien des nations, s’il ne devait pas partager le terrain avec un talent générationnel comme Jokic.
Autour de ces deux joueurs, des compléments très solides : Nikola Kalinic de Barcelone (11 points de moyenne sur l’EuroBasket), Vladimir Lucic du Bayern, Marko Guduric du Fenerbaçe et plusieurs joueurs du calibre Euroleague. Malgré l’absence de Bogdan Bogdanovic, opéré du genou droit, la Serbie avait de quoi voir venir avec cet effectif.
Au moment d’affronter l’Italie, peu pouvaient affirmer sans trembler que la Serbie allait s’écrouler. Pour cause, elle sortait d’une phase de groupe survolée avec un jeu léché, le reflet typique du basket des Balkans.
Prague a été une promenade de santé pour les Serbes. En ouverture du tournoi, une victoire sans forcer face aux Pays-Bas (100-76). La suite s’est présentée comme un long fleuve tranquille, avec la République tchèque (+13), la Finlande (+30), Israël (+11) et la Pologne (+27).
La domination de la sélection a même permis à Nikola Jokic de se ménager dans la phase préliminaire. Le pivot n’a pas joué plus de 25 minutes par rencontre, pour des moyennes autour de 20 points, 10 rebonds et 5 passes décisives — le tout en marchant. Les Serbes ont récité leurs gammes, se montrant à la hauteur de leurs ambitions et de leur statut.
Dans l’avion en direction de Berlin, on se demande ce qui a pu arriver à la Serbie. L’équipe des phases de poule a totalement disparu. À l’exception de l’entame de rencontre face à l’Italie, la sélection slave a perdu la maîtrise qui la caractérise pourtant habituellement.
Des actions forcées, des mains crispées… mis à part le double MVP — auteur de 32 points, 13 rebonds et 4 passes en 28 minutes —, l’équipe a cédé. Malgré ses 16 points et 8 passes décisives, Vasilje Micic n’a réussi que 35 % de ses tirs. En dehors de Nikola Kalinic (12 points, 4/9 aux tirs), aucun autre joueur n’a atteint la barre des 10 points. La pression de performer, peut-être ?
Face à une défense bien moins résistante qu’attendu, les Italiens ont pris feu. Marco Spissu, à 3,8 points de moyenne sur les phases de groupe, s’est enflammé avec 22 points à 6-9 à trois points. Sur le score de 86 à 94, la Serbie est sortie par la petite porte, dès les huitièmes de finale.
Sur le papier, les Serbes semblaient au-dessus, physiquement comme dans le jeu. Sur le terrain, la confiance des Italiens leur aurait permis de gravir des montagnes. Face à cette adresse, pas de réaction d’orgueil.
Les Serbes s’inclinent ainsi une nouvelle fois lors d’une grande compétition, après les quarts de finale de la Coupe du Monde 2019 face à l’Argentine. Depuis sa deuxième place à l’EuroBasket 2017, la Serbie n’a plus réussi à atteindre le dernier carré. De quoi remettre en question le groupe établi autour de Jokic, quand on sait que le génial Milos Teodosic a été laissé sur le carreau.
Grèce : du mieux, mais toujours des progrès à faire
Parmi les favoris de cet EuroBasket, la très prometteuse Grèce. Avec un effectif composé de trois joueurs NBA — Giannis Antetokounmpo, son frère Thanasis, ainsi que Tyler Dorsey — et de sept joueurs d’EuroLeague, l’expérience et le talent étaient au rendez-vous.
Le très expérimenté Nick Calathes mène le jeu hellénique d’une main de maître. À 33 ans, il s’en sort toujours aussi bien. L’Américain naturalisé Tyler Dorsey l’épaule parfaitement sur les lignes arrière grâce à sa vitesse, son playmaking et son tir. Pendant ce temps, Kostas Sloukas assure le shoot en sortie de banc. Kostas Papanikolaou, Yorgos Papagiannis, Dimitris Agravanis et Thanasis Antetokounmpo apportent de l’énergie sur les ailes et à l’intérieur. Un effectif qui ne manque de rien.
Évidemment, le jeu entier de cette équipe se base sur Giannis Antetokounmpo. Inarrêtable physiquement, techniquement et mentalement pendant une bonne partie de l’EuroBasket, il porte la Grèce entière sur ses épaules. Meilleur marqueur du tournoi avec 29,3 points par match, il s’agit d’un problème majeur pour les défenses adverses. Dans un jeu FIBA, plus lent et axé sur le demi-terrain, il sait utiliser sa tête et trouver ses coéquipiers démarqués. Une arme létale.
Favoris du groupe C, les Grecs ont fait honneur à leur statut en sortant vainqueurs des cinq rencontres disputées. Après une entame difficile face à une valeureuse équipe de Croatie, impossible d’oublier le money time épique du Greek Freak, avec un alley-oop, un contre et un and-one qui permettent de sécuriser ce succès crucial (89-85).
S’ensuit une victoire dans la douleur face à l’Italie (85-81), puis un match de repos pour Antetokounmpo face à la Grande-Bretagne (93-77). Enfin, des succès de 20 et 21 points, respectivement face à l’Ukraine et l’Estonie. Après une première étape qui confirme son statut parmi les favoris, direction Berlin pour la Grèce.
En Allemagne, les Tchèques se montrent très intelligents dans leur défense de Giannis Antetokounmpo. Ils lui laissent beaucoup d’espace pour tirer, et le Grec ne compte que deux unités à son compteur au moment de regagner les vestiaires. Mais dans le second acte, les choses cliquent pour le leader grec.
Le Freak termine la rencontre avec 27 points et deux trois points clutchs pour montrer qu’il faut bel et bien défendre sur lui. Derrière cette performance et celle de Nick Calathes (14 points et 6 passes), les Grecs passent la République tchèque, non sans peine (94-88).
La sélection hellénique est encore inexpérimentée. Cela explique ces moments d’hésitation et leurs erreurs face à des nations moins bien armées. Mais face à l’Allemagne, qui joue à domicile, ces choses ne pardonnent pas.
Extrêmement agressive dès l’entame de rencontre (25 points marqués en 5 minutes), la Mannschaft se montre létale à trois points (17-31 au tir). Malgré un énorme Giannis Antetokounmpo, qui noircit la feuille de stats avec 31 points, 7 rebonds et 10 passes, la Grèce craque.
En défense, elle laisse trop d’ouvertures à leurs adversaires du soir, survoltés devant leur public. Dennis Schröder, Daniel Theis et Franz Wagner, les NBAers allemands, se régalent et punissent ce manque de discipline. Antetokounmpo finit même par se faire exclure du match, ultime symbole de la frustration des siens.
Une relative panne d’adresse (9/29 derrière l’arc), une défense trop laxiste, mais la Grèce est aussi tombée sur une performance historique de l’Allemagne. Une défaite 107-96 qui met en lumière les limites grecques, qui faisaient souvent jouer Giannis en tant que seul pivot sur le terrain. C’est peut-être à ce niveau que le coach Dimitris Itoudis aurait pu innover.
L’équipe est assez confirmée au niveau continental (28 ans de moyenne d’âge, des joueurs évoluant en EuroLeague et en NBA), mais elle manque sûrement d’expérience collective. Sa dernière compétition datait de 2019, ce qui représente près de trois années sans jouer ensemble. Sortie en quarts de finale, la Grèce reste pleine d’ambitions et comptera très certainement se rattraper lors de la prochaine échéance, en 2023.
Slovénie : les rois sans couronne
C’est certainement sur les Slovènes que reposaient les plus grosses attentes de la compétition. Forte d’un titre européen sur l’édition 2017, ainsi que d’une très belle quatrième place aux Jeux olympiques de Tokyo, la sélection avait tout d’un favori.
La Slovénie reposait sur un effectif très solide, qui a déjà prouvé à haut niveau et qui bénéficie d’une certaine continuité. Sous le feu des projecteurs, le maestro de la sélection, Luka Magic. Un surnom si bien trouvé, tant Doncic fait tourner les têtes. À l’aise dans toutes les situations, il mène d’une main de maître une sélection dont il est désormais le patron. Le gamin du titre de 2017 n’est plus, il fait aujourd’hui indéniablement partie des meilleurs joueurs de la planète.
Pour l’accompagner dans sa quête, Goran Dragic a accepté de prolonger l’aventure au dernier moment. À 36 ans, il reste un contributeur de premier plan, avec ses 14,9 points de moyenne, son vice, son tir, sa vision du jeu et j’en passe. Les intérieurs Mike Tobey et Vlatko Cancar s’occupent de la raquette, tandis que les shooteurs Jaka Blazic et Klemen Prepelic sanctionnent. Ils se connaissent, ils ont tout vécu ensemble, et ont entamé la phase de groupe avec des certitudes.
Sans forcer, toujours aussi nonchalant, Luka Doncic a outrageusement dominé les matchs auxquels il a participé : 26 points, 7,7 rebonds et 6,6 passes décisives de moyenne. Il a permis à la Slovénie de se hisser à la première place de son groupe, non sans difficultés.
Dans un groupe relevé, les Slovènes ont disposé de la Lituanie puis de la Hongrie avant de chuter face à Jusuf Nurkic et à la Bosnie-Herzégovine. Un revers dont ils se sont relevés aussitôt grâce à leur maître à jouer. Les 36 points de Doncic permettent de venir à bout de l’Allemagne (88-80) avant un véritable récital face à la France. 47 points, 7 rebonds, 5 passes, un floater venu d’ailleurs et une première place du groupe assurée. Les Slovènes aiment le spectacle.
La Belgique, c’est facile, non ? C’est certainement ce brin d’arrogance qui a poussé la Slovénie à se faire une frayeur. Opposés à nos voisins, les champions en titre ont trainé la patte pendant trois quart-temps, laissant même les Belges passer devant à l’orée de la dernière période. Mais un beau and-one de Luka Doncic a su réveiller les troupes. La victoire de 16 points (88-72) ne reflète pas la physionomie du match. Malgré les 35 points de son meneur de jeu, la Slovénie s’est fait peur dans une rencontre annoncée comme anecdotique.
Face à la Pologne, il n’a pas fallu longtemps pour constater que la sélection n’a pas appris de son erreur. 58 points encaissés à la mi-temps, jusqu’à 22 points de retard, un Doncic presque absent avec 14 points… La Slovénie s’est pris une claque par la très séduisante Pologne.
Luka Doncic était-il blessé ou tout simplement pas dans le match car bien muselé ? On ne le saura jamais. Une rare fausse note pour le maestro, qui n’a pas récité sa partition ce soir-là. Mike Tobey non plus n’a été à la hauteur (8 points), tandis que Goran Dragic (17 points) et Vlatko Cancar (21 points, 4 rebonds et 4 passes) ont surnagé.
Il faut saluer le sursaut d’orgueil, certes, pour passer de -22 à +6, mais tout s’est effondré au moment de la cinquième faute de Doncic. La Slovénie n’aura pas l’occasion de défendre sa couronne cette année.
Les raisons de cet échec ? Vraisemblablement une rotation trop limitée. Privée de Zoran Dragic pour ce quart de finale décisif, la rotation s’est réduite. Cancar a dû jouer 38 minutes, 37 pour Goran Dragic, 35 pour Doncic et 28 pour Blazic. Pas assez de souffle peut-être ou une envie de jouer en équipe parfois diminuée avec le jeu polarisant de la star des Mavericks. Dans tous les cas, il faut attendre une Slovénie revancharde à la Coupe du Monde 2023.
Giannis Antetokounmpo, Luka Doncic et Nikola Jokic se concentrent donc maintenant sur leur prochaine saison NBA. La couronne slovène de 2017 est remise en jeu. Elle sera disputée par un dernier carré inédit, composé de l’Allemagne et l’Espagne d’un côté, puis de la France et de la Pologne de l’autre.
Sans les superstars de la grande ligue, le spectacle ne sera certes plus le même. Mais il reste toujours très intéressant à suivre. D’autant plus quand l’équipe de France, qui frôle à chaque match l’élimination, a plus de chance que jamais de remporter une médaille dans cet EuroBasket.
Photo mise en avant : Srdjan Stevanovic/Getty Images