Le sacre de 2019 paraît déjà lointain pour les Raptors. Il ne faut jamais sous-estimer le cœur d’un champion, c’est entendu, mais la franchise semble prendre une nouvelle direction qui l’éloignera temporairement de la victoire.
En pleine transition entre deux ères, Toronto avance en toute sérénité, prêt à faire face à l’avenir et à saisir les opportunités. Leur titre appartient au passé, l’équipe n’a plus rien à voir avec celle qui a conquis la NBA deux ans plus tôt. Mais Masai Ujiri a de nouveaux plans pour sa franchise, qu’il ne compte pas laisser dériver bien longtemps.
2020-21 : Triste saison sous le soleil de Floride
L’exercice commence bien mal pour les Raptors, qui se remettent à peine de la perte de Marc Gasol et Serge Ibaka, leurs deux intérieurs et deux piliers de l’effectif de 2019. Face à l’interdiction gouvernementale de jouer à Toronto, la franchise déménage à Tampa Bay, en Floride, le temps d’une saison.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les Raptors ne se font pas à ces ajustements. En 2019-20, ils avaient pourtant impressionné malgré le départ de Kawhi Leonard. Un bilan encore meilleur que le précédent en saison régulière, puis une campagne de Playoffs plutôt aboutie.
En 2020-21, la marche est trop haute. Les Raptors dégringolent. Privés de leur salle, puis privés de public pour des raisons sanitaires, les dinos sont perdus. Résultat : un bilan de 27 victoires pour 45 défaites et la 12e place de l’Est dans une saison très décevante.
Kyle Lowry ne joue que 46 matchs à cause de ses problèmes de dos. Surtout, à la trade deadline, le leader de l’équipe est dans toutes les rumeurs de transfert. La saison n’est pas encore terminée que Toronto semble déjà passer à la suivante.
Pendant ce temps, le remplaçant d’Ibaka et Gasol, Aron Baynes, n’est pas à la hauteur de ses prédécesseurs. Rapidement, ses minutes sont limitées et confiées à Chris Boucher. Boucher affiche un bon niveau de jeu sur ses 60 matchs, mais le secteur intérieur des Raptors reste l’un de leurs points faibles tout au long de l’exercice.
Fred VanVleet et Pascal Siakam sont l’ancre des Raptors en l’absence de Lowry, mais ils n’arrivent pas à empêcher le naufrage de leur navire. Le premier termine la saison sur des moyennes plus qu’honorables de 19,6 points, 6,3 passes et 4,2 rebonds par match. Cependant, ses pourcentages et son efficacité de manière générale sont en claire baisse.
Siakam, All-Star la saison précédente, ne se montre pas à la hauteur du statut de Franchise Player. Solide des deux côtés du terrain, ses 21,4 points, 7,2 rebonds et 4,5 passes par rencontre témoignent d’une certaine efficacité dans le jeu. Mais l’ailier fort perd ses repères derrière la ligne à trois points, ce qui se traduit par une perte d’adresse significative (29,7 % de réussite, soit 6,2 % de moins que la saison précédente. Surtout, ni l’un ni l’autre n’arrive à canaliser le groupe. Ils regardent les Raptors s’enfoncer un peu plus chaque jour au fond de la Conférence.
Il n’y a bien sûr pas que du négatif dans cette saison. Toronto profite de cette saison pour s’offrir une nouvelle jeunesse. Norman Powell (27 ans) est transféré à Portland en échange de Gary Trent Jr. (22 ans). Le jeune arrière impressionne sous le maillot des Raptors. Un soir d’avril, il compile notamment 44 points face aux Cavaliers à 17/19. Très vite, il se fait une place parmi les pierres angulaires de ce projet. Le rookie Malachi Flynn montre des flashs de son potentiel, lui aussi, et rassure la franchise dans cet exercice difficile.
De son côté, OG Anunoby ne cesse de progresser. Il termine la saison sur des moyennes de 15,9 points et 5,5 rebonds par match, à 48% au tir dont 39,8% à trois points sur un volume considérable. Très efficace des deux côtés du terrain, il montre aux Raptors qu’ils pourront compter sur lui à l’avenir.
En clair, la saison de Toronto est sacrifiée au profit d’un projet plus large, dans lequel les jeunes tiennent une place importante. Après sept qualifications en Playoffs consécutives, et alors que le titre de 2019 semble si proche, la chute est brutale.
Intersaison : Place à la jeunesse
Arrivées | Départs |
---|---|
Scottie Barnes | Kyle Lowry |
Precious Achiuwa | Rodney Hood |
Svi Mykhailiuk | DeAndre’ Bembry |
Isaac Bonga | Stanley Johnson |
Sam Dekker | Aron Baynes |
Goran Dragic | |
Dalano Banton |
La principale cible des Raptors pendant l’intersaison n’est pas un joueur, mais un exécutif. En fin de contrat, Masai Ujiri — peut-être le dirigeant le plus convoité de la NBA — est agent libre. Lorsque Toronto annonce la re-signature de son président, c’est un véritable soulagement pour les fans de la franchise.
Parmi les joueurs, le départ de Kyle Lowry est une fatalité. Tandis que les champions 2019 abordent une transition vers une nouvelle ère, impossible de conserver celui qui incarnait l’âme du collectif. À 35 ans, le temps presse pour Lowry. Le meneur rejoint logiquement un nouveau projet compétitif, malgré la difficulté de ces adieux.
De l’autre côté du tableau, place à la jeunesse ! Dans le sign-and-trade de Kyle Lowry, les Raptors mettent la main sur le 20e choix de la Draft 2020 : Precious Achiuwa. L’arrivée de l’ailier fort de 22 ans confirme les intentions de la franchise, qui décide de se tourner vers l’avenir. Dans cette logique, Toronto laisse partir les joueurs qui n’ont pas d’intérêt dans ce projet à long terme.
Fidèle à son plan, le Front Office mise sur quelques jeunes joueurs au potentiel indéterminé. Isaac Bonga (39e choix de la Draft 2018) et Sviatoslav Mykhailiuk (47e) rejoignent l’effectif dans l’espoir de se faire une place dans la grande ligue. Sam Dekker fait son retour aux Etats-Unis, après avoir impressionné en Turquie, au cas où il aurait encore quelque chose à offrir au plus haut niveau.
Surtout, avec le 4e choix de la Draft, les Raptors jettent leur dévolu sur Scottie Barnes — une surprise, puisque Jalen Suggs était presque unanimement annoncé à Toronto. Avec ce diamant brut, la franchise enclenche le mode reconstruction.
Point clé de l’été, les Canadiens re-signent également Gary Trent Jr. sur un contrat de 3 ans pour 54 millions de dollars, avec une Player Option sur la dernière année. Un move nécessaire dans le plan de Masai Ujiri.
Facteur X : Se focaliser sur l’avenir
« Nous ne sommes pas une équipe construite pour “maintenant” », explique simplement Masai Ujiri à propos du projet des Raptors. « Nous allons souffrir en grandissant, croyez-moi. Vous savez, parfois ça va être dur à regarder, mais nous savons ce qui va arriver. Nous sommes excités à propos de nos jeunes talents. » Une chose est sûre, en 2021-22, ce que les Raptors recherchent n’est pas la victoire.
Avec une moyenne d’âge de 25,6, sous la moyenne de la ligue, les Raptors sont une équipe relativement jeune. Ils comptent dans leur rangs plusieurs joueurs à potentiel, qu’ils auront à cœur de développer.
En première ligne, Gary Trent Jr, qui représente à la fois le présent et l’avenir de la franchise. La saison dernière, avec ses 15,3 points de moyenne à 38,5 % à trois points, il a montré à son équipe qu’elle pouvait compter sur lui. À 22 ans seulement, il a déjà les épaules d’un titulaire, mais il a également le potentiel d’une star. Les flashs qu’il a montrés lors de certains matchs le laissent en tout cas entendre. Il sera certainement au centre du projet des Raptors, tant dans leur plan de jeu que dans leur programme d’entraînement.
À ses côtés, OG Anunoby semble parfait pour occuper le poste 3. Lui aussi s’est montré particulièrement efficace lors du précédent exercice, sans qu’il ne semble se heurter à aucun plafond. L’ailier est bon dans de nombreux compartiments du jeu : en pénétration, derrière la ligne à trois points, au rebond, à la création, en défense… et il semble pouvoir progresser dans tous les domaines. Du haut de ses 24 ans, Anunoby sera particulièrement attendu l’année prochaine — surtout en l’absence de Siakam, toujours blessé à l’épaule.
Trent et OG Anunoby sont les deux potentiels certains des Raptors. Il s’agit de deux joueurs déjà accomplis, qui pourraient encore progresser dans le cadre idéal. Mais la franchise dispose d’autres talents dont le potentiel reste indéterminé, à commencer par Scottie Barnes.
Un choix numéro 4 de la Draft peut bouleverser les plans d’une franchise. La dernière fois que Toronto a pu sélectionner à cette position, c’était pour faire venir Chris Bosh, et nous connaissons la suite de l’histoire. Dans les 15 dernières années, Russell Westbrook, Chris Paul et Mike Conley ont également été des 4e choix à la Draft. Impossible de mettre Barnes dans la même catégorie que ces joueurs, mais les fans des Raptors ont le droit de rêver, eux aussi.
À l’heure actuelle, il est impossible de déterminer le plafond de Scottie Barnes. Ailier polyvalent, bon créateur et défenseur d’élite, il va sans dire que l’ancien de Florida State a un avenir brillant devant lui. Ce que les Raptors peuvent espérer, c’est qu’en développant ses capacités offensives — principalement son shoot —, Barnes pourrait s’imposer parmi les stars de cette cuvée.
Toronto a montré par le passé une grande capacité à faire exploser le potentiel de talents bruts tels que Siakam et VanVleet, notamment en travaillant sur leur tir. À condition de trouver un certain équilibre à l’aile avec Anunoby et Siakam, la franchise peut espérer répéter l’expérience dans une envergure inédite. La progression de Barnes pourrait être la clé du succès des Raptors à l’avenir.
Les autres jeunes de l’effectif, comme Malachi Flynn, Svi Mykhailiuk, Precious Achiuwa ou même Reggie Perry passent au second plan. Les Raptors ne peuvent pas ignorer leur marge de progression, ils auront besoin de plus de 3 joueurs pour construire une équipe, mais ils s’imposeront difficilement comme des pièces maîtresses de l’équipe.
Avec Gary Trent, OG Aunoby et Scottie Barnes, la franchise canadienne a trouvé un trio complémentaire et prometteur. Cette triplette se présente comme le cœur de la reconstruction des Raptors, qu’ils chercheront à renforcer par la Draft dans les années à venir.
Toutefois, la place accordée à ces joueurs, dont l’âge se situe entre 20 et 24 ans, soulève des questions par rapport à l’avenir des joueurs plus expérimentés. L’effectif a fait peau neuve, et aucun joueur de l’effectif n’a atteint la symbolique barre des 30 ans — en dehors de Goran Dragic, qui n’est pas voué à rester. Mais la question se pose tout de même : ces joueurs sont-ils réellement sur la même timeline que ce qui se présente comme l’avenir de l’équipe ?
À terme, la présence de Pascal Siakam pourrait gêner le développement d’OG Anunoby ou de Scottie Barnes. L’ailier fort n’a que 27 ans, il pourrait tout à fait s’inscrire dans la continuité de ce projet. Mais la progression des jeunes qui évoluent sur le même poste que lui pourrait bien le pousser hors de l’effectif. Certaines rumeurs laissent entendre que Siakam aurait été proposé à plusieurs équipes pendant l’été, ou qu’il pourrait servir de monnaie d’échange pour Ben Simmons.
Pascal Siakam a déjà été All-Star, All-NBA et, dans un contexte différent, champion NBA. Mais la saison 2020-21 a exposé ses limites et les Raptors sont désormais conscients du fait qu’ils ne pourront pas construire autour de lui. Il est fort possible qu’il finisse par jouer un rôle important dans la nouvelle formation de Toronto, mais il est aujourd’hui menacé par le changement de plan de la franchise.
Difficile de discerner les intentions de Masai Ujiri à l’heure actuelle. Il est certainement encore trop tôt pour deviner la place qu’occupera Siakam dans cette équipe sur le moyen à long terme. Fred VanVleet — qui a 27 ans lui aussi — reste pour le moment ancré dans le projet de cette équipe qui n’a encore personne pour assurer la mène. Cependant, compte tenu de leur valeur marchande pour des équipes plus pressées de gagner, il ne serait pas impossible de les voir partir en échange de joueurs plus jeunes ou de choix de Draft.
Le futur de Siakam et VanVleet aux Raptors sera l’interrogation majeure du Front Office dans les prochaines années. La progression des jeunes et la compétitivité de l’équipe seront les deux principaux facteurs dans la décision de Toronto.
Tournés vers l’avenir, les Raptors sont confrontés à des dilemmes pour lesquels ils devront trancher tôt ou tard. Leurs dirigeants doivent garder cela en tête, tout en se focalisant sur le développement de leurs jeunes pépites, pour que leur projet soit un succès.
Les dinosaures aiment le froid
La saison dernière, leur déménagement en Floride a souvent servi d’excuses aux Raptors. Coupés de leur ville, de leur quotidien et de leurs fans, les joueurs ont vraisemblablement eu du mal à s’adapter à la baie de Tampa. Cette année, peut-être que leur retour vers le froid canadien permettra de résoudre certains de leurs problèmes.
Au-delà de leur bilan négatif, plusieurs indicateurs témoignent de l’échec des Raptors à Tampa. Une baisse de 8,4% au rebond — ce qui s’explique en grande partie par la perte de Gasol et Ibaka —, 4,5% à la passe, 2,8% sur les interceptions et des difficultés évidentes au scoring.
Bien sûr, la ville ou la salle dans laquelle l’équipe évolue ne peut pas être la cause de tous leurs maux, ni même la solution. Toutefois, on peut tout de même penser que cela revêt une certaine importance.
Toronto est une franchise particulièrement connectée à ses fans. En 2019, la force de ce lien s’est montrée précieuse dans la conquête du titre. Les joueurs en témoignent tous : l’atmosphère de la ville est particulière. Là-bas, ils se sentent portés par leur public.
Leur retour au Canada devrait logiquement s’accompagner d’une hausse de moral. Peut-être cela suffira-t-il à rétablir l’adresse de Pascal Siakam derrière la ligne à trois points, ou à pousser Fred VanVleet à se montrer plus agressif. Sans doute, cela canalisera l’énergie de l’équipe en défense, et les poussera à faire mieux devant leurs fans. Ce retour à la maison aura sans doute des effets très positifs.
Toutefois, il ne faut pas se faire trop d’idées sur la question. Sans Gasol et Ibaka, avec Chris Boucher et Khem Birch au poste de pivot, difficile d’imaginer les Raptors progresser drastiquement au rebond. Il en va de même à la passe, où le départ de Kyle Lowry risque tout de même d’handicaper l’équipe. Idem en ce qui concerne leur nombre d’interceptions.
N’oublions pas, cette équipe n’est pas construite pour maintenant. Il faudra se montrer réaliste par rapport à ce retour à Toronto et à ce que nous sommes en droit d’attendre des Raptors.
Le 5 de départ potentiel
- MJ : Fred VanVleet
- A : Gary Trent Jr.
- AI : OG Anunoby
- AF : Pascal Siakam
- P : Chris Boucher
Notre pronostic : 31-51 (12e)
Il est encore trop tôt pour espérer des résultats de cette équipe qui se projette sur le long terme. Pour se construire, les Raptors ont tout intérêt à viser un lottery pick plutôt que les Playoffs.
La blessure de Siakam, qui pourrait l’éloigner des parquets un moment, risque de pénaliser fortement son équipe en début de saison. Pour peu que Nick Nurse confie un certain nombre de minutes aux jeunes, cela devrait suffire à plomber le bilan de Toronto, mais pour la bonne cause.
Bien avancés dans la construction de leur effectif, difficile de dire quand les Raptors seront prêts à revoir leurs objectifs à la hausse. Ce qui est certain, c’est que la saison 2021-22 sera rythmée par plus d’interrogations que de victoires, l’enjeu n’étant pas un succès immédiat.
Photo : Kevin Sabitus