Drafté en 15e position par les Pistons, Sekou Doumbouya voit son rêve de NBA s’exaucer. Une consécration mais aussi le début d’un nouveau défi pour l’ancien du CSP. Retour sur les pas d’un jeune prodige français.
« With the 15th pick in the 2019 NBA Draft, the Detroit Pistons select : Sekou Doumbouya from Orléans, France. ». Avec émotion, l’ailier de Limoges tombe dans les bras de son agent et de sa maman, Marie. Casquette rouge et bleue made in Motor City, poignée de main avec Adam Silver, c’est fait. Un moment inoubliable pour lui au Barclays Center de Brooklyn qui marque le début de son aventure en NBA. À seulement 18 ans, le plus jeune prospect de cette Draft 2019 est à la croisée des chemins.
Il était loin, il y a 10 ans, des flashs des photographes et des paillettes de la Grande Ligue. Né à Conakry en Guinée, Sekou arrive en France à 9 ans comme demandeur d’asile. Les Doumbouya sont même menacés d’expulsion après s’être retrouvés sans logement. C’est finalement à Fleury-les-Aubrais, dans le Loiret, qu’il grandit. Benoist Burguet lui tend la main en 2012 pour qu’il rejoigne la section basket du collège de Condorcet et devient son premier coach.
« J’ai vu ce grand, très filiforme, en courant et en sautant et j’ai demandé qui c’était. C’était Sekou. »
Benoist Burguet
Du haut de son 1m84 à 11 ans, ses mensurations exceptionnelles dépassent de très loin celles des camarades de son âge. Réticente au départ, sa maman lui permet d’essayer le basket. Tout d’abord séduit par le football, son coup de cœur pour la balle orange est immédiat.
Le prodige de Sekou se dévoile rapidement aux yeux de son coach.
« Il avait un super caractère, il comprenait très bien le basket, il était respectueux, des coéquipiers, de tout le monde ! Et même des adversaires : il se faisait taper sur les bras à longueur de match et ne disait rien »
Doté d’un QI basket avancé et d’un mental solide, le crack français ne passe pas inaperçu. Comme Tony Parker, Boris Diaw ou Evan Fournier, il intègre l’INSEP, à 14 ans. Symbole de sa précocité hors normes, il est le premier basketteur né en 2000 à jouer dans l’une des trois divisions françaises professionnelles. Il quitte le Centre Fédérale en 2016 pour des raisons disciplinaires qui lui coûtent sa place dans le groupe malgré une très belle saison statistique en 10,5 points et 3,3 rebonds de moyenne. Une ascension trop rapide ? La question se pose. Mais le numéro 45 n’a pas froid aux yeux et ne s’arrête pas sur cet échec. Direction la Pro B sous les couleurs de Poitiers.
Après seulement 3 ans de basket, le jeune Doumbouya est annoncé comme le meilleur de sa génération et un futur prospect à la Draft. Fou. Ce même été, il est sacré champion d’Europe des moins de 18 ans en tournant à 17,8 points par match. Autant vous dire que sa présence dans le cinq majeur du tournoi n’a pas fait débat. (Tout comme Frank Ntilikina, NDLR.)
Sa contribution en sortie de banc dans le roster poitevin est décisive et il ira chercher une place en playoffs avec son nouveau club. Rapidement repéré par le CSP Limoges, il les rejoint en juin 2018. Une première grande étape de passée pour Sekou qui intègre la première division française. Il brille notamment au cours d’un match contre Levallois, au cours duquel il inscrit son record en carrière : 34 points, accompagnés de 9 rebonds et de 72% au tir, what else ? Le décor est planté. Il quitte Limoges pour passer une série de workouts aux US afin d’attirer les recruteurs et grimper à la Draft. 8 jours intenses où il passe par San Antonio, Chicago, Atlanta ou encore Boston. Il fera forte impression devant les scouts des Mavs, devant lesquels il rentrera 15 shoots du parking, à la suite.
7 ans de basket seulement et c’est l’Amérique qui lui tend les bras. Mais doit-on être surpris ? 2m05 et 95kg de talent, sa palette défensive est déjà très complète, aidée d’une envergure physique qui lui permet de défendre sur presque n’importe qui. Un bel athlète qui se régale du jeu en transition. Son QI basket reste à développer et il devra continuer à travailler ses fondamentaux pendant ses premières années aux États-Unis. À noter que ses capacités offensives se sont décuplées avec le temps et son adresse à longue distance s’est faite remarquer à Limoges avec un honorable 34% derrière l’arc pendant sa dernière saison. Un brin de ressemblance avec Pascal Siakam, récemment champion NBA.
De nombreuses Mock Drafts le pressentait chez les Wizards, en 9e position, mais le management de D.C. en pleine transition restait flou sur la direction qu’il souhaitait prendre à l’aile. On pensait alors aux Hawks avec leur 10e choix. Mais la cérémonie a cloué son sort sur une tout autre note puisqu’il a étonnamment glissé jusqu’en… 15e position. Une longue et stressante attente qui en a surpris beaucoup. Soulagement pour le clan Doumbouya, son rêve de NBA, il le touche enfin.
Ailier naturel, son arrivée chez les ex « Bad Boys » est de bonne augure. Sans véritable titulaire installé à l’aile, Sekou a une véritable carte à jouer sous les ordres de Casey. Même si son jeune âge risque de le pousser beaucoup sur le banc dans un premier temps, son nouveau coach est connu pour laisser de la place aux jeunes, comme il l’avait fait à Toronto. Il aura les minutes, à lui de tout donner pour convaincre. Tony Snell pourrait être le premier poste 3 de Detroit la saison prochaine, autant vous dire qu’il aura des occasions pour se vendre. Objectif 2019-2020 : s’intégrer rapidement dans le roster, participer au retour en playoffs des Pistons et rêver d’une intégration dans le cinq majeur au côté d’Andre Drummond et de Blake Griffin. On peut même se demander si sa 15e place à la Draft n’est pas une aubaine pour s’intégrer dans la Grande Ligue. Un sentiment partagé par Ed Stefanski, en charge des opérations de draft pour la franchise :
« Nous sommes très chanceux. On n’avait pas du tout imaginé que ça allait arriver. Mieux vaut être chanceux parfois et c’est ce qui est arrivé l’autre soir. »
Ed Stefanski
Ses trois années de jeu au niveau professionnel en France seront un atout de taille face à tous ceux qui sortent de l’université. Il connaît déjà l’environnement d’un club de haut niveau et la pression qui peut résider autour. Le fit avec sa nouvelle franchise reste à confirmer, mais
Il confit après la cérémonie : « Detroit, c’est parfait ». C’est avec un sourire décontracté que le jeune français s’en va rejoindre les installations des Pistons pour prendre ses marques. Déjà adoubé par Tonton Dede.
Rudy Gobert n’a pas caché son enthousiasme quant à la venue de son compatriote en NBA :
« Il adore le jeu. Je pense que c’est un compétiteur et qu’il a fait tellement de progrès en si peu de temps cette année que je ne vois aucune limite pour lui. Ce sera à lui d’être ce qu’il veut être. Il a tous les outils pour être un two-way player incroyable. Je suis impatient de voir ce qu’il va faire. »
Rudy Gobert
Validé par le double défenseur de l’année en titre, check.
Drapeau de la Guinée sur les épaules, on devine sa fierté pour son pays d’origine. De Conakry jusqu’à Detroit, il lui reste tout à écrire. Début des hostilités le 1er juillet à Las Vegas pour la Summer League. Sekou must go on.
(Sources : Stade 2, l’Équipe, Deseret News)