Drafté en 50e position par les Philadelphie Sixers en 2020, l’ancien pensionnaire de Gonzaga a toujours affiché son ambition de rejoindre la NBA. Actuellement joueur de l’Étoile Rouge de Belgrade, le serbe semble enfin prendre la pleine mesure de son talent. Suffisant pour intégrer la grande ligue ?
Né le 15 avril de l’an 2000 à Belgrade en Serbie, Filip Petrusev a toujours compté comme les plus grandes promesses de sa génération. Durant ses jeunes années, l’intérieur de 2,11 mètres s’est forgé dans les meilleurs centres de formations européens.
Un jeune globe trotters
Les prestigieuses, et rivales, académies serbes, l’Étoile Rouge de Belgrade et le Partizan Belgrade, l’ont accueilli tour à tour avant qu’il ne s’envole pour Vitoria en Espagne. Désireux de poursuivre son rêve tout en y mêlant un cursus scolaire, Filip Petrusev, alors âgé de 16 ans, traverse l’Atlantique pour rejoindre le pays de l’Oncle Sam. Il intègre le lycée de Avon High où il est contraint de regarder ses coéquipiers depuis le banc de touche. La faute à une blessure qui le tient éloigné des parquets pour l’ensemble de la saison.
Pour sa seconde année, le jeune Serbe décide d’intégrer la prestigieuse académie de Montverde où il s’y montre à son avantage. Cette saison lui permet de rejoindre l’un des meilleurs programmes universitaires du pays : L’université de Gonzaga. Fac du légendaire John Stockton, elle a récemment formé des joueurs confirmés en NBA (Rui Hachimura, Domantas Sabonis ou encore Kelly Olynyk). C’est avec cette ambition que Filip Petrusev pose ses bagages en 2018 à Spokane dans l’État de Washington.
Barré par la lourde concurrence lors de son année rookie (Brandon Clark, Killian Tillie, Rui HAchimura), il prend son mal en patience pour exprimer tout le potentiel que l’on lui attribue. Filip Petrusev s’affirme lors de sa saison sophomore. Il s’impose comme le leader de l’attaque des Bulldogs (17,5 points de moyenne) et remporte le titre de meilleur joueur de l’année en WCC (Conférence de la côte ouest). À l’issue de cette saison, l’enfant des Balkans inscrit son nom à la Draft 2020. Il le retire rapidement et retourne en Serbie pour y disputer ses premières minutes professionnelles.
De MVP de la ligue adriatique à regretter de l’Anadolu Efes
Il rejoint l’équipe de Mega Leks, couveuse de talent de l’agence de joueurs BeoBasket. Nombre de joueurs qui entretiennent des rêves de NBA posent leur valise dans cette équipe constituée de jeunes joueurs. Nikola Jokic est, entre autres, le meilleur représentant de cette équipe. Ce choix s’avère payant, Filip Petrusev est honoré du titre de MVP de la ligue Adriatique tout en glanant le titre honorifique de meilleur marqueur du championnat.
Il se représente à la Draft en 2021, sans retirer son nom cette fois. Sélectionné en 50e position par les Philadelphia Sixers, son profil ne convainc pas totalement et la franchise décide de le laisser s’aguerrir en Euroleague du côté des champions en titre : l’Anadolu Efes.

En effet, malgré un physique déjà taillé pour la NBA et une connaissance du jeu qui impressionne, Filip Petrusev n’a pas pris la pleine mesure de son talent. Dans la NBA moderne, les observateurs lui reprochent un manque de diversité dans son jeu au poste, un shoot peu fiable, et des doutes dans sa capacité à tenir les actuels postes 5 très athlétiques et verticaux.
Ces faiblesses se confirment à l’Anadolu Efes Istanbul, où malgré de bonnes statistiques en championnat turc (15,2 points et 6,2 rebonds), il peine à convaincre en Euroleague (5,2 points et 1,6 rebonds). Ergin Ataman regrettait même sa venue dans une interview accordée au quotidien turc Milliyet : “Le fait qu’il soit venu pour la première fois dans une équipe de si haut niveau et qu’il ne puisse pas atteindre ce niveau a été une erreur de notre part. »
Le facteur Dusko Ivanovic
Une timide Summer League plus tard avec les Philadelphie Sixers (4,3 points, 2,8 rebonds et 2 contres en 17 minutes de moyenne), l’enfant de Belgrade retourne dans son berceau et signe à l’Étoile Rouge de Belgrade. Les débuts inquiétants de son équipe (1 victoire sur les 7 premières journées) ne l’aident pas à se relever de sa mauvaise passe. Filip Petrusev, à l’image de son équipe, pâtit de cette situation et entretient les doutes à son égard. Ceux d’un talent qui se serait perdu en route comme l’aurait laissé entrevoir, la saison dernière sous les couleurs d’Istanbul. Pour ses 13 premiers matchs cette saison, l’intérieur affiche une moyenne de 6,5 points pour une faible évaluation de 8,5.
La bascule dans cette histoire à rebondissements se nomme Dusko Ivanovic. Intronisé comme coach en marge du limogeage du jeune Vladimir Jovanovic (38 ans), Dusko Ivanovic est un personnage réputé très dur et virulent avec ses effectifs. « Nous avons besoin d’une discipline militaire », avait déclaré le président de l’Etoile Rouge, Nebojsa Covic.
Mais s’il ressemble parfois plus à un commandant militaire qu’à un entraîneur, cette philosophie de jeu s’imbrique parfaitement à la mentalité serbe. De la discipline, de la répétition et du travail. Cet éthique s’associe à merveille avec Filip Petrusev qui retrouve peu à peu confiance en ses capacités. Plus que de la confiance, il montre une intensité que seuls des longs et durs efforts permettent d’acquérir. Sur le terrain, cette intensité se traduit par l’importante place prise dans les phases offensives.
Le Serbe est plus impliqué dans le jeu au poste, reçoit plus de ballons dans les positions qu’il affectionne. La ligne à trois points est désormais son allié. Notamment dans le corner, où il aime s’effacer pour sanctionner les intérieurs qui rentrent trop en aide. Ses progrès au tir, sa grande mobilité et sa vision du jeu en font une arme redoutable pouvant se mouvoir dans un poste d’ailier fort.
Un avantage dans une ligue où les joueurs à ce poste sont très souvent plus petits. « J’utilise juste mes avantages en tant que quatre, où je suis probablement plus grand et plus fort que la plupart des quatre, puis en tant que cinq, j’essaie d’occuper les espaces. En gros, j’utilise mes avantages dans les deux positions. » déclarait-il en marge de la victoire contre l’AS Monaco. Une corde supplémentaire à son arc qui lui a indéniablement permis cette évolution dans le jeu. Sur le plan statistique c’est une véritable explosion.
Sur les sept dernières rencontres, Filip Petrusev tourne en moyenne à 19.57 points de moyenne, 6.3 rebonds, 1.4 contres pour 22,6 d’évaluation. Il se retrouve parmi les leaders de l’équipe aux côtés de l’Argentin Luca Vildoza ou de son compatriote serbe et ancien Warriors Nemanja Nedovic.
Direction la grande ligue ?
Les performances de Filip Petrusev cette saison ont sans aucun doute balayées la saison ratée en terres turques, « J’ai déjà oublié l’année dernière, je me concentre sur cette saison ». Si l’intérieur serbe maintient de telles prestations, les sollicitations ne manqueront pas en fin de saison. Habitué à la culture américaine, Petrusev fait de la NBA son ultime ambition. Pour preuve, le serbe ne signe que des contrats sur une durée d’un an pour se laisser une fenêtre chaque été vers la NBA. Le président en charge des opérations basket des Sixers, Daryl Morey, est un fan avoué de basket international. Nul doute que depuis l’autre bout de l’Atlantique, il surveille attentivement les progrès de ce joueur plein de talent.

Ces dernières années, les Sixers se sont constamment confrontés au même problème : trouver une rotation fiable au relai de sa superstar Joël Embiid. Un rôle que pourrait assumer Filip Petrusev ? Si l’intérieur poursuit sa progression, il sera un candidat légitime à ce poste.
Mais pour le moment, il assure ne pas y penser, “Je me concentre uniquement sur cette année. Si j’ai une très bonne année, je suis sûr que j’aurai beaucoup d’options pour moi” affirmait-il en conférence de presse. Cette année se poursuit dès ce soir lors du derby éternel de Belgrade, Partizan – Étoile Rouge. Une chance de plus de se montrer dans les grandes soirées européennes.
Photo de couverture : Euroleague