2-4. Non, ce n’est pas la ligne de stats au lancer franc de Ben Simmons, mais bien le bilan des Philadelphia Sixers après six rencontres de saison régulière. Un faux départ pour la franchise, qui vise pourtant les premières places de la Conférence Est.
Après un bel été, marqué par la prolongation de James Harden et la belle ristourne qu’il a offerte à sa franchise, puis les arrivées de PJ Tucker, Danuel House et Montrezl Harrell, Philadelphie partait du bon pied. Mais la sauce ne prend pas, malgré un magnifique début de saison du MVP 2017-18 et une ligne de stats solide de Joel Embiid. Entre ajustements possibles, défense perdue et collectif qui doit se (re)trouver, les Sixers traversent une mauvaise passe. Remonter la pente est impératif pour atteindre leur objectif : les Finales NBA et le titre.
James Harden et Joel Embiid, des leaders attendus et performants
Pour commencer sur une note positive, James Harden réalise une entame de saison de très haut niveau. En forme physiquement, et sans doute mentalement, l’ancien MVP se positionne comme le leader offensif extérieur de Philadelphie. On le retrouve ainsi dans un rôle dans lequel on l’attendait sur la deuxième partie d’exercice 2021-22, après son arrivée de Brooklyn. Visuellement, les steps-backs à trois points, avec la faute dans une bonne partie des cas, sont revenus dans l’arsenal offensif de l’arrière.
Au niveau statistique, l’arrière se rapproche de ses meilleures saisons en carrière : 22,7 points, 8,7 passes décisives et 7,5 rebonds par match. Une ligne qui crève l’écran et qui doit permettre à Philly de viser plus haut. Harden provoque beaucoup de fautes (5,5 tentatives aux lancers francs par rencontre) et a retrouvé une certaine beauté dans le jeu, ainsi que de l’explosivité. Un retour en force qui contraste avec son exercice précédent.
De l’autre côté du spectre, Joel Embiid, patron des Sixers depuis son arrivée dans la ligue en 2016, réalise lui aussi un exercice statistique de haut vol : 27,6 points et 10 rebonds de moyenne, accompagnés de 3,2 passes décisives et 1,4 contre. Mais si le « Process » se maintient sur ses standards, son attitude ne semble pas suivre. On le sent moins impliqué, c’est sûrement le fruit de ce début de saison moyen de certains de ses coéquipiers, ainsi que du coaching approximatif du Doc. Les statistiques vont rester, voire légèrement s’améliorer, mais l’attitude peut changer.
Tobias Harris et PJ Tucker, des ailiers qui peinent à s’intégrer
Dans le cinq majeur des Sixers, Tobias Harris et PJ Tucker peinent à trouver leurs marques. Deux joueurs qui peinent à compléter le trident offensif Harden/Embiid/Maxey et ne sont pas suffisamment impactant en défense.
Plus gros salaire actuel de l’effectif, Tobias Harris ne répond pas aux attentes fixées par son contrat. Certes, avec trois joueurs offensifs spectaculaires à ses côtés, il ne peut pas faire des miracles. Mais son apport est faible : 12,7 points, 6,2 rebonds, 2,5 passes et des questions qui se posent : peut-il réellement jouer au poste 3 en NBA aujourd’hui ?
L’ailier ne prend qu’un peu plus de 10 tirs par match, un volume insuffisant pour être impactant. Avec les problèmes défensifs de l’équipe (21e sur 30 au rating défensif), son apport devrait plutôt se concentrer sur cet aspect du jeu. Plus de confiance, plus d’impact et plus d’envie, trois choses qu’Harris doit changer cette saison pour rectifier le tir d’une entame ratée.
Du côté de PJ Tucker, l’adaptation semble difficile. Évidemment, on ne regarde pas les statistiques offensives lorsqu’on étudie le jeu de Tucker (5 points, 4,2 rebonds, 46,2% à trois points), mais plutôt sa contribution défensive. C’est bien là tout le problème. Par exemple face à Toronto, le poste 4 a subi le différentiel physique entre les deux équipes.
Lorsque l’intérieur sort du terrain, les Sixers n’encaissent que 1,8 point de moins pour 100 possessions. Un différentiel très faible pour un tel joueur, d’autant plus surprenant qu’il est généralement remplacé par Georges Niang, souvent ciblé par les défenses adverses à cause de ses lacunes défensives.
À 38 ans, celui qui était toujours annoncé comme un top player défensif en NBA voit son efficacité défensive décroître. Certes, l’échantillon est faible (6 rencontres), mais le constat est là. Si PJ Tucker ne revient pas au niveau défensif attendu, son équipe risque de souffrir cette saison.
Tyrese Maxey, un grand bol d’air frais
Ce n’est plus une surprise, mais Tyrese Maxey se montre sous son meilleur jour. Le meneur virevoltant entame sa troisième saison sur les chapeaux de roue, avec des moyennes de 24 points, 3,5 rebonds et 3,5 passes décisives. Un nouveau step up dans la carrière de l’ancien joueur des Kentucky Wildcats, qui prend de plus en plus de place dans le système de Doc Rivers. Avec 15,8 tirs tentés par match, 52,5% de réussite au shoot et 48,8% derrière l’arc, avec des actions d’éclat (trois points plusieurs mètres derrière la ligne, dunks en transition), l’extérieur s’impose comme le troisième larron de l’attaque de Philly.
Face aux Raptors, en l’absence de Joel Embiid, l’extérieur de 21 ans a montré qu’il était capable de ponctuellement porter l’équipe. Avec 44 points, 8 rebonds et 4 passes, à 15-20 au tir dont 9-12 à trois points, Maxey a permis à son équipe de s’imposer de plus de 20 points contre Toronto. Un nouveau record en carrière, qui illustre parfaitement son talent.
C’est sûrement par lui que les Sixers doivent passer pour surprendre leurs adversaires. Apte à tout faire, ou presque, en attaque, il sera certainement moins ciblé que le tandem Harden/Embiid — clairement identifié comme une menace de première ordre. Maxey peut prendre les commandes quand le navire vacille, dynamiter des séquences entières de jeu par sa vitesse et sa facilité à se faufiler partout, et peut encore s’améliorer dans sa compréhension du jeu et sa capacité à faire jouer les autres autour de lui. De son côté, tous les voyants sont au vert.
Le casse-tête des remplaçants, Doc Rivers questionne les observateurs
Au centre des critiques, les rotations de Doc Rivers. Le coach champion en 2008 avec les Celtics a décidé de se passer des services de trois joueurs qui faisaient partie des plans de jeu en 2021-22 : Furkan Korkmaz, Matisse Thybulle et Shake Milton. Aussi, à l’intérieur, le temps de jeu partagé entre Montrezl Harrell et Paul Reed questionne.
Ce qui saute tout de suite aux yeux, c’est la baisse plus que significative de temps de jeu pour Thybulle. Le pitbull australien est passé de 25 minutes de temps de jeu en 2021-22, à seulement 5,6 minutes en 5 rencontres sur les 6 des Sixers cette saison. La faute sûrement à son incapacité à scorer avec régularité, notamment à trois points (32% en carrière derrière l’arc). Si le Front Office avait exploré la piste d’un transfert pendant l’été, la rupture est désormais claire. L’ailier pourrait toutefois reprendre une place dans la rotation compte tenu du début de saison de son équipe.
L’autre interrogation tourne autour du poste de pivot remplaçant. Après cinq matchs, aucun pivot de métier n’a trouvé sa place dans la rotation, derrière les 35 minutes de Joel Embiid. Montrezl Harrell grappille 9,2 minutes par match, dérisoire. Mais surtout, Paul Reed n’a toujours pas sa place sur le terrain. Le MVP et rookie de l’année 2020-21 en G-League ne convainc pas le coach, malgré quelques flashs intéressants pour Philadelphie.
Alors que les Sixers pointent à la 10e place de l’Est, à égalité avec les Pacers et le Heat, Doc Rivers est souf le feu des critiques. « On ne gagnera pas tant que l’on ne fait pas les bonnes choses et que l’on n’a pas les bonnes habitudes », s’est-il justifié en conférence de presse, après une défaite face à Toronto (109-119). « Nous devons jouer à la bonne vitesse, on doit écarter le terrain, faire bouger la balle et la partager. Je pense que Joel (Embiid) avait un avantage clair ce soir. On ne lui a pas donné le ballon quatre ou cinq fois au début du match. À chaque fois qu’il a touché la balle, quelque chose de bien s’est passé. »
Jouer collectif, partager le ballon et impliquer encore plus le pivot Américano-Franco-Camerounais, telles sont les consignes qui permettront, selon le Doc, de remonter la pente. Un changement impératif, qui devra s’effectuer au plus vite, au risque d’être distancé par les concurrents.
Les Sixers peuvent-ils se reprendre ?
Il est évidemment impossible de juger tout un exercice après seulement six rencontres. Ce qui est sûr, c’est que les mauvaises habitudes doivent être effacées d’urgence. Toujours autant de Harden et de Embiid, encore plus de Maxey et adopter des mesures défensives avec PJ Tucker et Tobias Harris.
Le banc doit être plus impliqué et impactant, avec un véritable sixième homme capable de scorer efficacement. Pourquoi ne pas donner une chance à Thybulle et Reed ? Proposer des perspectives à Shake Milton et Furkan Korkmaz ? Se questionner sur les minutes de Danuel House et de Georges Niang ?
Doc Rivers et son staff ont du pain sur la planche. Prochaines échéances pour les Sixers : Chicago, deux fois les Wizards, puis les Knicks. Il faudra se resaisir et aller chercher trois nouvelles victoires, afin de revenir à l’équilibre. La cité de l’amour fraternel n’attend que cela, le Wells Fargo Center est prêt à bouillir, il ne manque plus que l’équipe se mette en marche.
Photo : Jesse D. Garrabrant/NBAE via Getty Images