Nando de Colo : « L’objectif, c’était de jouer l’EuroLeague »

par Hugo Le Vay

L’été a été mouvementé pour Nando de Colo. Le meneur, depuis des années indispensable en équipe de France, avait décidé de ne pas rejoindre le groupe pour l’EuroBasket afin de se reposer. L’occasion aussi pour le joueur de 35 ans de se préparer au mieux pour la saison, qu’il disputera sous le maillot de l’ASVEL de son ami Tony Parker.

Présent au média day de la Ligue Nationale de Basket mardi 20 septembre, de Colo a pu revenir sur sa signature à Villeurbanne, sur l’équipe de France et sur son après-carrière.

Vous avez signé avec l’ASVEL cet été, était-ce important de revenir en France après 13 années passées à l’étranger ? 

Nando de Colo : Ma priorité, c’était d’abord de rester dans un club qui évolue en EuroLeague. Il se trouve que le club en question évolue dans le championnat français, donc c’est un plus. Le fait de pouvoir retrouver des salles que j’ai connues il y a plus de treize ans maintenant, et même pour la vie familiale. Voilà, on y est, on est content de pouvoir venir en France.

Vous parliez de vouloir jouer l’EuroLeague. Est-ce que l’ASVEL s’imposait comme une évidence ? Comment s’est passée votre arrivée ? 

Nando de Colo : Pour être honnête, non, ce n’était pas une évidence. J’ai eu des contacts avec Valencia, par exemple. Projet très intéressant, plutôt similaire à celui que l’ASVEL peut avoir aujourd’hui. Mais le seul hic, c’est qu’ils étaient sur une seule année d’EuroLeague, ils ne savaient pas exactement ce que l’année 2023-2024 allait donner. Et avec tout le respect que j’ai pour le club, je ne me voyais pas aller là-bas une année. C’était un objectif personnel de pouvoir rester en Euroligue. 

Après, j’ai aussi eu des contacts, comme je l’ai dit, avec Monaco. J’ai eu évidemment la proposition du Fenerbahçe. Et puis il y a l’ASVEL qui s’est positionnée. Tony m’a exposé le projet. Après plusieurs réflexions avec ma femme, j’ai décidé de signer à l’ASVEL. Projet très intéressant qui ne va pas être facile. Un top huit en EuroLeague, qui a un objectif élevé. C’est une équipe qui veut évoluer. Je suis là pour apporter mon expérience, pour apporter ce que je peux faire sur le terrain, pour aider l’équipe. Et encore une fois, comme on aime bien le dire en France, je ne suis pas à la retraite. J’ai deux années à continuer à me donner à fond, que ce soit à l’entraînement et encore plus en match, pour encore évoluer.

Est-ce que le fait que Tony Parker soit président de l’ASVEL a joué sur votre décision ? Est-ce que ça a facilité les choses ?

Nando de Colo : Non, pour être honnête, pas du tout. Je veux dire, évidemment, je connais Tony. Il se trouve que c’est le président de l’ASVEL, mais n’importe quel président aurait pu m’appeler à ce moment-là. C’est le projet qui est important. Ce qui est important aussi au début, c’est d’expliquer à Tony que le projet est intéressant, qu’on sait où on en est, mais que j’ai besoin de m’entretenir avec TJ Parker. C’est ça le plus important pour moi. C’est de savoir quelle est la philosophie du coach. Je connais TJ, mais je ne sais pas exactement comment il est au quotidien. On apprend à se connaître au fur et à mesure. Et quand je l’ai eu au téléphone, on s’est dit clairement les choses. Il savait ce que je pouvais apporter à l’équipe, ce qu’il pouvait attendre de moi en retour. Donc voilà, c’est ça qui a aussi pu aussi jouer dans la balance. 

Vous avez fait l’impasse sur l’Euro. Pensez-vous que vous auriez pu apporter à cette équipe de France ? Si la France avait remporté la compétition, auriez-vous regretté de ne pas être champion d’Europe ? 

Nando de Colo : Je ne suis pas une personne qui vit avec des regrets. Ou alors j’essaye au maximum de ne pas en avoir. Cet été, j’ai fait l’impasse sur l’équipe de France parce que j’y suis depuis 2008 et que je n’ai pas raté un été. Pour être honnête, j’avais besoin de souffler, de passer du temps avec ma femme et mes trois filles. Puis je pense aussi à l’ensemble de ma carrière. Je n’ai pas dit non à l’équipe de France, j’ai juste dit que je faisais une pause pour pouvoir repartir encore plus fort dès 2023 à la coupe du monde, et finir sur les J.O de Paris. Et encore une fois, ce n’est pas juste pour faire des adieux à l’équipe de France. C’est clairement pour aller chercher des résultats, apporter ce que je peux à l’équipe. Aujourd’hui, je pense que Vincent sait ce que je peux apporter à cette équipe de France. On verra comment ça se passe d’ici l’été prochain. C’est mon sentiment.

Hier, je n’étais pas pour l’Espagne, donc le regret d’être passé à côté d’un titre de champion d’Europe ? Non. De toute façon, je savais dès le début de l’été que l’équipe était capable d’aller chercher ce titre. Je l’ai dit dans différentes interviews, on avait la capacité. Je pense que même sur la finale où on a eu une première mi-temps compliquée, on avait encore cette capacité d’aller chercher le titre. Derrière, ça a été autrement. Mais dans aucun cas je n’ai de regret.


« J’avais besoin de souffler, de passer du temps avec ma femme et mes trois filles. »


Beaucoup d’internationaux français reviennent cette année dans le championnat français. Est-ce que ça signifie que le niveau de la Betclic Élite augmente ? Qu’est-ce que cela vous inspire ? 

Nando de Colo : Concernant le championnat français, je pourrais vraiment y répondre dans quelques mois. Aujourd’hui, je ne peux pas. Je ne peux pas me positionner par rapport à quelque chose que je n’ai pas encore vécu. Je suis revenu dans un club qui joue l’Euroligue. Ça reste mon objectif prioritaire. Mais je ne mets jamais de côté les championnats domestiques. Je ne l’ai jamais fait en Espagne. Je ne l’ai jamais fait en Russie, où on savait que les matches auraient peut-être un peu moins d’importance pour encore certains. Je suis quelqu’un de professionnel, donc tous les matches sont importants pour moi. Dès que je suis sur le terrain, je donne le maximum et il n’y a pas d’autres façons de voir les choses me concernant. Pour le championnat français, je sais ce qu’il en est et je sais que c’est un championnat qui joue vite, qui est athlétique. Aujourd’hui, ce qui a, je pense, évolué, c’est qu’il y a plus en plus de jeunes qui sont mis sur le devant de la scène. Donc c’est bien. Dans notre équipe, on en a, et j’espère qu’ils auront des responsabilités. J’essaye au fur et à mesure que les entraînements passent de garder cette communication avec eux, pour leur expliquer qu’ils ont une place à prendre dans l’équipe et qu’on aura besoin d’eux. 

Pour le retour de français, c’est des choix de carrière. Je pense que Tony l’avait bien résumé sur certaines de ses déclarations. On sait qu’à un moment donné, il y a des opportunités qui se mettent en place. Si elles sont saisies, on arrive à retrouver d’anciens internationaux dans notre championnat.

Depuis votre départ de Cholet en 2009, le public vous a vu grandir en Europe ou aux États-Unis. Comment jugez-vous votre évolution ? Le joueur, l’homme que vous êtes devenu ? 

Nando de Colo : Je pense que j’ai suivi mon chemin. J’ai toujours essayé déjà de faire la part des choses entre ce qui se passe sur le terrain et ce qui se passe en dehors. Sur le terrain, j’ai suivi ce que le basket me proposait. On a souvent toutes ces voix à côté qui pensent mieux que nous, qui nous disent ce qu’il faut faire. Moi, j’ai la chance d’être dans un milieu qui connaît bien le basket, d’être dans un cercle assez limité d’amis qui me permettent de bien voir les choses. Et puis, au fur et à mesure, j’ai aussi créé ma vie de famille, j’ai rencontré ma femme en Espagne. On a trois filles aujourd’hui. Je suis bien, épanoui, et j’espère continuer de m’épanouir sur le terrain.


Nando de Colo sous ses nouvelles couleurs, lors des Paris European Games organisées par le Paris Basketball. Photo : Franco Arland/Icon Sport via Getty Images

Vous avez encore de belles années à donner, mais vous vous rapprochez de la retraite. Vous imaginez-vous dans un nouveau rôle de mentor dans les prochaines années ? Et pourquoi pas de coach ou d’assistant coach ? 

Nando de Colo : Il y a des choses qui se passent dans ma tête, évidemment. Il ne faut pas se le cacher, je suis plus vers la fin de ma carrière que vers le début. Donc il faut penser à cette après-carrière. Mais aujourd’hui, je ne suis pas encore vraiment dans cette dynamique. Comme je l’ai dit, j’ai encore deux ans. Je sais qu’il y a de gros objectifs qui doivent être atteints, qu’on compte sur moi. Je pense que, et j’espère, qu’il y aura encore quelques années après. Ça va dépendre évidemment de ce que mon corps, et le mental veulent bien endurer. Je pense que je suis encore capable de faire quelques années. J’essaye de faire le maximum pour prendre soin de moi.

 De toute façon, je suis quelqu’un qui aime enseigner, partager. J’ai pu apprendre au fur et à mesure de ma carrière, que ce soit à mes débuts, en NBA ou sur les différentes équipes dans lesquelles j’ai pu évoluer. Donc rester dans le basket ? Oui, je pense que de toute façon, ça sera la suite logique. Maintenant, repartir dans une carrière de coach, à voyager, je ne suis pas sûr que ça va m’intéresser tout de suite. Je pense qu’il sera temps de me consacrer vraiment à mes filles, à leur évolution dans tout ce qu’elles feront. Mais ça n’empêchera pas de voir les opportunités qui pourront se présenter. J’en ai quelques-unes en tête. Je pense que le prochain contrat me permettra d’y voir plus clair.

On voit de plus en plus une course à la NBA et à la draft chez les jeunes. Vous avez prouvé qu’on pouvait avoir une immense carrière en restant en Europe. Est-ce quelque chose dont vous parlez aux jeunes ? 

Nando de Colo : Ça dépend des uns et des autres. Ce que j’essaye de leur expliquer, c’est ce qu’ils peuvent faire évoluer au jour le jour. Les objectifs qu’ils ont par la suite, ça ne dépend que d’eux. Alors parfois, on est bien entouré, parfois on écoute un peu trop ce qui se dit à côté. Tous les parcours sont différents. On a beau dire ce qu’on a envie, je pense qu’il faut avant tout être en accord avec ses choix. Mais c’est pareil pour tout le monde, pas seulement dans le basket. C’est pareil pour vous. À un moment donné, vous avez fait ce choix d’être journaliste. Désolé pour vous ! Est-ce que ça va réussir ? Est-ce que ça ne va pas réussir ? On ne sait jamais. La façon dont je vois les choses au quotidien avec les jeunes qu’on a, c’est leur expliquer ce qu’ils peuvent améliorer aujourd’hui, pour qu’ils soient meilleurs demain. Pour qu’ils puissent apporter à notre équipe. C’est ça le plus important. Ce qu’ils feront l’année prochaine, je n’en ai aucune idée. On aime bien poser la question par rapport à Victor Wembanyama et le fait qu’il soit parti à Levallois. Mais ça, ce n’est pas mon choix. C’est le sien. Donc s’il avait voulu évoluer avec moi, est-ce qu’il aurait mieux progressé ? Je n’en sais rien. Je lui aurais sûrement appris certaines choses. Mais j’aurais sûrement appris aussi de lui, parce que je pense que ça va dans les deux sens. Les choix se font en fonction des uns et des autres.

Il y en a beaucoup de jeunes qui se présentent à la draft. Après, il n’y en a pas beaucoup qui vont en NBA non plus. On sait que l’Europe est et de plus en plus intéressante. Je préfère faire la carrière que j’ai faite en Europe, plutôt que de faire un quinze ans en NBA sans jamais aller chercher une finale. C’est dans mes gènes. Je ne peux pas juste jouer au basket. Il faut qu’il y ait des objectifs. Il faut qu’il y ait cette pression, qu’elle soit bonne, que chaque jour, j’aille à l’entraînement pour quelque chose.

Vous avez eu une carrière bien remplie. Vous avez presque tout gagné en club. Où allez-vous chercher la motivation de continuer à vous lever le matin pour s’entraîner ? Est-ce difficile de garder la même motivation après tant d’années ? 

Nando de Colo : C’est compliqué, oui, parce que le corps évolue. Dans une carrière il y a un début, mais il faut prendre soin le plus vite possible. Mais ce n’est pas compliqué en termes de motivation. Je pense que le jour où j’en aurai marre d’aller à la salle, ce sera le jour où il faudra raccrocher les baskets, clairement. C’est soit le corps qui ne suit plus, soit le mental qui en aura marre. Dans ce cas, il faut vraiment passer à autre chose. Mais ça serait dommage d’arrêter si on a encore la capacité de pouvoir continuer. Aujourd’hui, je suis quelqu’un de motivé. Si je n’arrive pas une heure ou une heure et demie avant à la salle pour me préparer pour l’entraînement, c’est que c’est qu’il y a un problème. Tous ceux qui me connaissent au quotidien le savent. Je sais que c’est par ces sacrifices que vient la réussite. Et la plupart du temps, quand on cette renommée, et bien des joueurs suivent. 

Photo : Franco Arland/Icon Sport via Getty Images

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