Après un été ensoleillé, le Heat a faim de trophée

par Teddy Perez

Miami a réalisé, sans aucune contestation, l’une des meilleures intersaisons de l’année. Des joueurs d’expériences et de haut niveau se joignent à des Finalistes 2020, qui comptent bien reconduire le « coup de la bulle » malgré une année éclatée.

Dès la rentrée, entre media day et pré-saison, les encourageantes performances et grosses déclarations vont de bon train. Le Heat se veut très compétitif et se voit déjà champion si l’on en croit leurs leaders. Mais attention, de sacrés changements ont été opérés cet été. Un groupe déterminé et apparemment soudé n’est pas forcément un collectif bien huilé. Le Heat aura besoin de temps pour devenir l’équipe aussi dominante qu’excitante que l’on attend !

2020-21 : Une saison pleine de Vices

À la différence de sa fabuleuse aventure dans la bulle d’Orlando, le Heat n’a pas connu un sort favorable la saison passée. L’équipe drivée par Spoelstra a souffert dès l’entame de la régulière, en accumulant les absences de joueurs-cadres durant les deux premiers mois de compétition. Butler, Dragic ou Herro, tous ont été éloignés du terrain pendant une dizaine de rencontres.

Le Heat était – tout comme celui des Lakers – l’effectif qui avait eu le moins de récupération entre les Finales NBA 2020 et la saison suivante. 70 et quelques jours histoire d’être déjà cramé le lendemain de la rentrée. C’est bien simple, sur les 28 premiers matchs de compétition, leur bilan pointé à 11 victoires pour 17 revers. Trois mois après une folle épopée, ce fut la douche froide pour le Heat.

La franchise a, vous l’avez compris, de nombreuses excuses pour justifier ce démarrage complexe. Pour autant, n’avons jamais pu retrouver le Miami sur de ses forces, autant individuelles que collectives, qui avait impressionné toute la NBA. Chose anecdotique, mais qui témoigne de nouveau d’un début de saison loupé, aucun joueur du Heat n’a été sélectionné pour le All-Star Game.

Une saison en dents de scie pour le Heat, bien loin des standards de la bulle d’Orlando. Photo : David Dow / NBAE via Getty Images

Miami avait de quoi enchaîner sur sa lancée la saison dernière. Malgré la perte de Jae Crowder, la franchise comptait sur les arrivées de Trevor Ariza puis Victor Oladipo pour entourer les leaders de l’équipe. Du sang neuf ? Pas vraiment. Tout comme Andre Iguodala, Ariza a fait rimer sagesse avec vieillesse et n’a rien apporté de bon à son nouvel effectif. Oladipo a, dans un scénario bien différent, tout autant déçu. Après les Pacers et les Rockets, il connaît le 26 mars dernier sa troisième franchise de la saison. Dix jours plus tard, au bout de quatre matchs en demi-teinte, il se blesse aux quadriceps. Tchao Oladipo, et énième coup dur dans la saison du Heat.

Motivés à l’idée de réciter la même symphonie qu’à Disney, Miami a sonné la révolte pour terminer à la place honorable de 6e de l’Est. Malheureusement pour eux, Bam et sa bande sont tombés face à des daims revanchards prêts à réaliser de grandes choses dans cette postseason. Après un Game 1 très serré et qui promettait une série à suspens, les Bucks n’ont fait qu’une bouchée Heat. 4-0 et une sortie de route dès le premier tour. Direction la plage, les Floridiens sont en vacances plus tôt que prévu !

Intersaison : Un recrutement brillant pour décrocher la Lune

ArrivéesDéparts
Kyle LowryGoran Dragic
PJ TuckerKendrick Nunn
Markieff MorrisPrecious Achiuwa
Caleb MartinAndre Iguodala
Javonte SmartTrevor Ariza
Maurice Harkless

Dans un sign-and-trade attendu, mais qui a mis du temps à se dessiner, Kyle Lowry a dit au revoir au froid canadien pour la côte floridienne. Un État qu’il connaît déjà bien, puisque les Raptors évoluaient à Tampa Bay cette saison.

Le vétéran arrive pour remettre de l’ordre dans la création offensive, l’une des faiblesses du Heat — sans manquer de respect à Goran Dragic. Depuis son titre de 2019, Kyle Lowry a gagné le respect de ses pairs et des fans. Reconnu à sa juste valeur, il apparaît dans une nouvelle équipe comme la pièce qui manquait au Heat de 2020. Un effectif qui était à deux victoires du trophée et qui n’a pas beaucoup changé depuis.

Jimmy, Tyler, Duncan et surtout Bam sont toujours là ! L’accent est bien mis sur le dernier Kyle Lowry et le Golden Boy de Tokyo peuvent former un combo dévasteur pour toutes les défenses NBA. Kyle Lowry ne manque pas de servir un homme démarqué, surtout quand celui-ci est très mobile et doué balle en main.

Lowry arrive dans une franchise qu’il a choisie pour trois ans et 85 millions de dollars, comptant bien finir sa carrière sous la lumière des projecteurs. Et mis à part les Raptors de Kawhi, c’est sûrement l’effectif le plus compétitif qu’il connaîtra dans sa carrière.

Kyle Lowry peut-il faire passer un cap au Heat ? Photo : Nic Antaya / Getty Images

L’intersaison est également rythmée par les ajouts du champion en titre PJ Tucker et de Markieff Morris, le jumeau qui a lui aussi connu le succès avec les Lakers en 2020. Deux très bonnes pioches sur le marché. Les systèmes d’Erik Spoelstra semblent taillés pour le jeu de PJ Tucker, un ailier fort jouant au large en attaque et apprécié pour sa rigueur défensive. Un magnifique fit pour cette franchise dont l’identité a toujours été l’une des plus grandes forces.

Dans l’ensemble, Tucker et Morris pourront, à leur niveau respectif, apporter tout ce dont a besoin le Heat : l’expérience des grands rendez-vous et le sens du sacrifice. Le type de joueur qui se fond parfaitement dans un collectif et prêt à accepter, pour le bien de celui-ci, n’importe quel rôle sans broncher.

En partant du principe que le Heat n’a pas montré son vrai visage l’année passée, les ajouts de l’été rendent l’effectif du Heat plutôt crédible dans la course au titre. Comme si cela ne suffisait pas à leur capital défensif, avec l’arrivée de Lowry et Tucker, le Heat a atteint son quota maximal de joueurs malins, rugueux et prêts à tous les sacrifices collectifs pour atteindre la victoire. Comme dirait l’autre, bravo Patoche Riley !

En plus de l’acquisition de trois champions NBA, Miami a mis le paquet sur les forces déjà en présence. La franchise a évidemment réalisé l’extension de contrat de Jimmy Butler. Bien installé en Floride, le Franchise Player du Heat touchera 140 millions de dollars entre 2023 et 2026.

Le Heat a également prolongé Duncan Robinson pour 90 millions sur cinq ans. De quoi se payer une jolie villa sous les palmiers. En trois petites saisons, l’arrière a déjà gagné toute la confiance de sa franchise et de son coach. L’an passé, il a été aligné 72 fois sur les parquets et toujours dans le cinq de départ. Avec une moyenne dépassant les 13 points depuis sa saison sophomore et des pourcentages qui feraient suffoquer Ben Simmons, Duncan Robinson se positionne déjà comme un élément essentiel du roster. Autant dire que le bonhomme est très attendu la saison prochaine.

Kyle Lowry pour faire du Heat un champion, est-ce suffisant ?

L’ex-dinosaure a été très clair sur les raisons de sa venue à South Beach. Lui qui était agent libre avait l’embarras du choix cet été. Pour Kyle Lowry, lorsque l’on entame une saison, c’est pour viser le titre et rien d’autre, sinon c’est un échec. « En allant à Miami, je savais que je trouverais une situation où ils pensent la même chose », avait-il raconté dans le podcast de CJ McCollum. « Là-bas, j’ai un ami proche, Jimmy Butler. Donc je sais qu’on est en mode win or bust. À Miami, on ne veut que gagner le titre. C’est la seule chose qui a compté dans ma réflexion lors de la free agency. Où est-ce que je dois aller pour devenir un champion NBA ? »

Là-bas, il rejoint alors un fantôme du passé qu’il avait affronté lors d’une iconique série de Playoffs en 2019, Jimmy Butler – durant son passage éclair sous le maillot des Sixers. Un duo qui ressemble à bien des égards à l’alliage offensif Lowry – DeRozan des belles années Raptors. En tout cas, ce seront bien eux deux qui seront le plus responsabilisés dans cette semi-armada floridienne.

L’un comme l’autre, ils profiteront des qualités Bam Adebayo, toujours plus menaçant offensivement au fil du temps, et n’hésiteront pas à la servir lorsqu’il sera dans une posture aventageuse. En pick and roll, sans modération, pour voir monter au Alley-Oop Adebayo et faire s’envoler toute l’American Airlines Arena. Ajouter un Lowry au Heat, c’est déjà s’assurer des bonnes décisions quand il a le ballon en main. Un élément qu’il n’avait peut-être pas autant en la personne de Goran Dragic.

Pour autant, il faut souligner un problème majeur : quid du remplaçant de Lowry quand le vieillard devra souffler. Le Slovène ne fait plus partie de la maison, tout comme Kendrick Nunn, en vacances chez l’ennemi des Finales 2020. Des départs qui se feront rapidement ressentir puisque le roster ne dispose pas d’un joli doublon à Kyle Lowry. Il va falloir savoir s’adapter et faire confiance à l’inexpérience, notamment à un certain Gabe Vincent. À 25 ans, ce guard n’a joué que 59 matchs au total en NBA. Un peu léger pour tutoyer les sommets.

Derrière Kyle Lowry, les Raptors manquent de solution à la mène. Photo : Tom Szczerbowski / Getty Images

Autre solution que nous verrons peut-être se mettre en œuvre pour une seconde saison : le passage de Tyler Herro à la mène. Un essai de Spoelstra qui avait été peu fructueux. Néanmoins, il est certain que le coach accordera au tombeur du lycée un rôle bien plus important cette année.

Durant sa saison sophomore, il n’a pas réussi à confirmer les belles prouesses de sa première année. Il a joué de malchance en étant tenu éloigné des parquets en début de saison à cause du protocole sanitaire. Et, à l’image de tout un groupe, il n’a jamais évolué sur un rythme régulier. Parfois installé à la mène, c’est bien au poste 2 qu’il est le plus redoutable. Ultra créatif, Tyler Herro est la dynamite du Heat, parfois positionnée dans le cinq de départ, mais que l’on retrouve plus souvent en sortie de banc. Et avant de véritablement exploser, ce monsieur n’irait-il pas chercher le titre de Meilleur Sixième Homme de l’année ? En tout cas, sa franchise lui fait totalement confiance pour cela.

Lors de sa rentrée scolaire, Tyler Herro nous a d’ailleurs surpris avec ses 26 points en pré-saison. C’est un shooteur hors pair qui possède déjà une panoplie offensive complète, lui permettant d’être aussi dangereux dans la raquette que derrière l’arc. Le Herro de ces dames a l’instinct d’un tueur.

Alors oui, Kyle Lowry et le Heat ne pensent qu’au titre, mais le roster a certaines limites. Nous venons d’en évoquer une avec le poste de meneur remplaçant, en voilà une seconde avec la courte rotation de Spoelstra. Sur le papier, le Heat aurait tout d’une équipe compétitive, pouvant regarder dans les yeux les meilleures de l’Est. C’est en tout cas l’objectif que les Floridiens se sont fixé pendant l’intersaison. Mais avez-vous bien regardé les noms inscrits en fin de liste ?

Miami a beau avoir des ambitions, la franchise partira avec des armes qui ont grand besoin d’être affutées. En témoigne les signatures de dernières minutes de Marcus Garrett, Javonte Smart, Micah Potter ou encore DJ Stewart Jr. pour gérer la sono dans les vestiaires. Un peu maigre pour finir le roster. Mais bon, des jeunes dynamiques et avides d’expérience pour combler le bout du banc n’ont jamais empêché une franchise de devenir championne lorsque vient le moment des phases finales.

De manière assez étonnante pour un contender, le développement des jeunes pourraient être l’une des clés pour le Heat cette année. Photo : Michael Reaves / Getty Images

Autre jeunot déjà en place depuis deux ans à Miami, l’ailier fort Udonis Haslem KZ Okpala. Il n’a pas eu véritablement l’occasion de prendre ses marques sur un parquet NBA. Cette saison, il n’aura certainement pas le choix. Et c’est tant mieux ! En concurrence avec le two way contract Caleb Martin — venu de Charlotte — il a un coup à jouer pour enfin exister dans le franchise qui l’a drafté.

On l’oublierait presque dans cette preview, mais Miami subira une nouvelle fois le manque de Victor Oladipo pour une durée indéterminée. Lui qui souhaite réaliser un grand comeback, avait-il annoncé lors du media day, pourrait être un de ces joueurs qui brusque l’activité offensive habituelle du Heat. Mais pour cela, il faut évidemment rester patient. Revoir Toto sur les terrains n’arrivera pas de sitôt, et à 100 % encore moins. Blessé depuis avril dernier, Oladipo a enchaîné les absences tel un collégien en pleine crise d’adolescence.

Un tempo plus rapide, plus haut, plus chaud !

Tout semblerait parfait pour le Heat cette prochaine année. Pour autant, bien que l’on vente les mérites de leur force défensive – faisant quasiment partie des gènes de l’équipe – le secteur offensif reste encore en suspends. Nous l’avons évoqué plus tôt, avec l’arrivée de Lowry et de Tucker, de nombreuses solutions pourront être apportées à l’attaque – sur jeu placé comme en transition. L’un est un excellent gestionnaire de tempo, l’autre est habile au shoot – surtout lorsque se situe dans les corners.

L’attaque de Spoelstra fonctionne, là n’est pas le problème. Elle peut néanmoins être améliorée et, en particulier, retrouver un rythme de jeu qui tranche par rapport aux équipes majeures de la ligue. Être fort en jeu placé et prioriser une solide défense sur du jeu rapide « tout feu, tout flamme », ne fait pas partie de l’instinct du Heat et de son coach ultra-référencé en NBA. Cela s’est encore plus révélé depuis l’arrivée de Jimmy Butler en 2019. Lors de sa première saison en Floride, Miami et lui ont affiché la 27e pace de la ligue. La saison dernière, ils s’y sont classés 29e. Jimmy « Buckets » et Coach Spo étaient faits pour évoluer ensemble, il n’y a pas de doute.

Cela n’est en rien négatif d’évoluer sous une pace aussi basse. Miami s’est établie comme cela et impose, face à ses adversaires, ce type de jeu plus « lent ». Ces derniers shootent à chaque fois moins quant ils affrontent le Heat, seulement 85,2 tirs en moyenne. Seule une équipe arrive à contester moins de tentatives que Miami, c’est dire leur efficacité dans ce mode de jeu qui leur familier.

À voir désormais ce que vont apporter les nouveaux éléments dans des systèmes auxquels ils ne sont pas habitués. PJ Tucker, pour ne citer que lui, devra s’adapter à un nouveau rythme de jeu, loin de celui qu’il a connu. À Milwaukee comme à Houston, la pace était extrêmement élevée (la 2e de la ligue l’an dernier). Il expérimentait d’ailleurs le tout pour l’attaque aux Rockets. Un changement qui ne fera pas peur au sérieux défenseur qu’il est.

À bien des égards, PJ Tucker semble fait pour jouer au Heat. Photo : J. Vinlove / USA Today Sports

Le 5 de départ idéal

  • MJ : Kyle Lowry
  • A : Duncan Robinson
  • AI : Jimmy Butler
  • AF : PJ Tucker
  • P : Bam Adebayo

Notre pronostic : 46-36 (5e)

Après toutes les belles choses que nous avons énoncées sur le Heat, nous faisons la fine bouche et leur réservons seulement 46 succès pour 36 défaites. Car oui, Miami a bien fait évoluer son roster. Et justement, même si nous ne doutons pas des talents de Spoelstra, il leur faudra sûrement un temps d’adaptation avant d’exploser comme nous le prévoyons.

De plus, leur Conférence est — étrangement — en constante progression. Même les pires équipes veulent se trouver une place parmi les candidates au Play-in. Miami vise plus haut, mais tombera certains soirs face à des franchises bien décidées à se battre pour la victoire en se testant contre une des plus ambitieuses équipes de l’Est.

Nous avons enfin pointé du doigt le léger manque de profondeur qui peut poser problème en saison régulière, tandis qu’en Playoffs la rotation sera nécessairement raccourcie. Sur 82 matchs, il faudra tenir la cadence. On ne souhaite à aucun coéquipier de Victor Oladipo de venir le rejoindre à l’infirmerie. Et c’est bien pour cela que l’on préfère sous-estimer le Heat à son rythme en régulière qui n’aura qu’un objectif en tête : se préparer patiemment au mois de mai.

Photo : Miami Heat

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