Shai Gilgeous-Alexander, longiligne Canadien d’Oklahoma City, se présente comme l’une des révélations de la singulière saison 2019-20. Auteur d’une deuxième campagne aboutie et pleine de promesses dans une équipe en reconstruction, l’une des principales monnaies d’échange lors du trade de Paul George a compilé 19 points, 5,9 rebonds et 3,3 passes de moyenne. Proches du terme d’une free agency riche en transferts pour Sam Presti, penchons-nous sur celui qui incarne désormais le futur du Thunder.
La douce ascension du kid d’Hamilton
L’histoire de Shaivonte Aician Gilgeous-Alexander débute un jour bien connu de tous les Français : le 12 juillet 1998. Il naît à Toronto, dans une famille qui vit pour le sport. Sa mère, Charmène Gilgeous, a une carrière de sprinteuse internationale derrière elle. Lors des fameux Jeux olympiques de Barcelone en 1992, la figure maternelle de SGA participe à la compétition de 400 mètres sous les couleurs d’Antigua-et-Barbuda, à seulement 20 ans. Son père n’a peut-être pas le même palmarès, mais il a toujours été très investi dans la vie sportive des membres de sa famille. Thomasi, le petit frère de Shai, joue actuellement en NCAA pour les Purple Aces de l’Université d’Evansville.
C’est donc naturellement que le jeune Shaivonte s’essaye lui aussi au sport. Après avoir pratiqué plusieurs disciplines, le Canadien se dédie pleinement au basket à son entrée au lycée. Il intègre l’équipe de son établissement, la St. Thomas More Catholic Secondary School d’Hamilton, la ville de sa jeunesse qui est située près le long de la côte du lac Ontario. Gilgeous-Alexander propose une palette de qualités intéressantes pour son âge, mais il est encore assez limité et fait alors partie de l’équipe secondaire de son école.
Il travaille durement pour s’améliorer et, à la fin de l’année scolaire, décroche le titre de MVP de la saison et la victoire du championnat local. Mais il évolue à un niveau bien plus modeste que celui des lycées américains tels que Montverde Academy ou IMG Academy. Logiquement, Shaivonte rejoint Sir Allan MacNab et son programme de basket, le plus compétitif de la région. Cette année-là, SGA propose un très bon jeu, mais sans éclats. Shai n’est pas une star de high school américaine stéréotypée. C’est un garçon calme et humble qui se débrouille bien sur le plan académique. Arès cette année en demi-teinte, l’actuel meneur du Thunder saisit une opportunité qui lance sa carrière bourgeonnante sur une nouvelle dynamique.
Il décide à tout juste 17 ans d’intégrer l’Hamilton Heights Christian Academy, située dans le Tennessee. C’est un choix difficile pour le jeune canadien qui doit quitter sa famille, ses amis et la ville dans laquelle il a grandi. Mais SGA est déterminé à entrer NBA et il n’arrive pas à Chattanooga seul. L’actuel sophomore des Pelicans Nickeil Alexander-Walker rejoint également le programme. Son visage est familier à l’ambitieux Shai, les deux sont cousins et cultivent une relation très forte depuis l’enfance. Dans leur jeunesse, les deux Canadiens étaient inséparables. Pendant les vacances d’été, les futurs joueurs NBA passaient d’ailleurs la plupart des week-ends ensemble, pour s’amuser et manier le cuir. Nickeil considère Shai comme son frère et le père de SGA, Vaughn Alexander, comme une véritable figure paternelle. Cette complicité entre les deux athlètes leur permet de s’adapter plus facilement à leur nouvel environnement. Shai s’améliore drastiquement pendant cette période. Son coach — dont il est très proche — le pousse à redoubler d’efforts, tandis que la compétition saine avec son cousin l’aide à se surpasser.
Ses deux dernières années de high school sont une réussite et son exil aux États-Unis s’avère payant. Pendant ses années junior et senior, Shaivonte perfectionne les fondamentaux et développe son arsenal offensif. Le jeune canadien commence à susciter l’intérêt des recruteurs. Il participe alors à des événements incontournables pour les joueurs étrangers qui souhaitent intégrer la grande ligue, tels que le camp Basketball Without Borders ou le Nike Hoop Summit. Ses deux dernières années de lycée permettent aussi à Shai de découvrir la compétition en sélection nationale avec l’équipe canadienne pour le championnat FIBA Amériques des moins de 18 ans. Il remporte la médaille d’argent lors de cette compétition. En 2016, il dispute également le tournoi de qualification olympique mondial à Manille.
Il conclut son année senior avec des moyennes de 18,4 points, 4,4 rebonds et 4,0 passes décisives par match. Avec son physique élancé, son toucher soyeux et son jeu en constante progression, le pimpant SGA attire des programmes universitaires prestigieux tels que Kansas, Syracuse ou Texas. Malgré un accord de principe avec les Gators, Shaivonte rejoint finalement les Wildcats de Kentucky, fabrique de joueurs NBA dirigée par le grand John Calipari. Le légendaire entraîneur a su convaincre la recrue canadienne quatre étoiles avec un discours honnête et inspirant. Le fait que son compatriote Jamal Murray ait revêtu la tenue bleue et blanche a également influencé son choix. La NCAA représente une dernière marche avant de réaliser son but ultime, intégrer la NBA.
Shai Gilgeous-Alexander, le diesel canadien
Shai Gilgeous-Alexander arrive dans un nouvel environnement, son binôme de toujours n’est plus là. Nickeil Alexander-Walker a préféré s’inscrire à Virginia Tech. Ses débuts à Kentucky sont laborieux, il est cantonné au rôle de meneur remplaçant de Quade Green. Cette concurrence lui permet cependant de développer son jeu aux postes 2 et 3, ce qui se montrera utile pour son futur en NBA. Mais la carrière universitaire de SGA prend une nouvelle dimension lors d’une rencontre hivernale contre Louisville. Calipari accorde sa confiance à Shai, qui a l’intention de saisir cette opportunité de la plus belle des manières. Le combo guard athlétique éclabousse l’équipe adverse de sa classe. Il noircit la feuille de stats avec 24 points, 5 rebonds et 4 passes, un véritable déclic pour le freshman canadien. Après cette performance sensationnelle, il confirme son talent match après match et hérite du poste de meneur titulaire aux côtés de Kevin Knox, PJ Washington et Hamidou Diallo.
Les Wildcats effectuent une saison moyenne, mais SGA prouve aux scouts NBA qu’il a sa place dans la grande ligue. Il réalise un impressionnant tournoi SEC, et décroche plusieurs distinctions individuelles, dont le titre de MVP du tournoi. Lors de l’annuel Sweet 16 de NCAA, Kentucky est éliminé par Kansas State, une équipe plus faible sur le papier, après d’excellentes prestations contre Davidson et Buffalo. Malgré cet échec, Gilgeous-Alexander peut être fier de sa saison à 14,4 points, 4,1 rebonds et 5,1 passes et 1,6 interception de moyenne. Il a réussi à s’imposer comme un leader dans un programme exigeant et à mettre en avant son fort potentiel défensif ainsi que son jeu létal en pénétration. Shaivonte a développé un tir fiable et une meilleure vision du jeu. Même si son physique frêle intrigue les principaux observateurs, le meneur de Kentucky est considéré comme un futur lottery pick dans différentes Mock Drafts. Le kid d’Hamilton est prêt à vivre son rêve et à se présenter à la Draft NBA.
Le soir de la Draft 2018, Shai est appelé par Adam Silver en 11e position. Le meneur est sélectionné par les Hornets de Charlotte avant d’être rapidement échangé aux Clippers le même jour. Direction la Californie pour le produit de Kentucky qui est prêt à plonger dans le grand bain. Il arrive dans une équipe qui entame un nouveau cycle après la période Lob City. Shaivonte participe à la Summer League 2018. Il réalise un tournoi maîtrisé et plein de promesses. Le jeune canadien impressionne dès sa première saison en compilant 19 points, 4,8 rebonds, 4 passes, 2 interceptions et 1 contre, à 46 % au tir en 28 minutes par match. Il montre qu’il n’est pas venu en NBA pour devenir un figurant. Ȧ l’image de son parcours en NCCA, le SGA monte en puissance tout au long de l’exercice.
Il s’intègre parfaitement à un collectif homogène qui atteint la huitième place de la Conférence Ouest contre toute attente. Doc Rivers confie un temps de jeu conséquent au rookie dans une équipe sans hiérarchie rigide. Sous le regard attentif de Steve Ballmer, SGA exploite au maximum ses minutes pour étaler ses nombreuses compétences. Dès ses premiers matchs, le Canadien se montre particulièrement efficace en défense pour son âge grâce à son envergure rare pour un meneur (2,11 m) et un excellent sens de l’anticipation. Il n’hésite pas à défendre sur des arrières ou même des ailiers. Sur le plan offensif, il n’occupe pas un rôle très important, mais le rookie canadien est un bon joueur de pick and roll et un finisseur redoutable près du cercle. Malgré sa silhouette mince, il encaisse très bien le contact, ce qui est très utile pour cet adepte du jeu en pénétration.
La première saison régulière de Gilgeous-Alexander est un succès, il compile 10,8 points à 47 % au tir, 2,8 rebonds et 3,3 passes décisives de moyenne par match. Ses statistiques brutes sont certes moins spectaculaires que celles de Doncic ou Young, ses camarades de la Draft 2018, mais l’ancien pensionnaire de Kentucky fait forte impression au sein de l’étonnant collectif des Clippers. Il est récompensé par une place dans la NBA All-Rookie Second Team avec son coéquipier Landry Shamet et une première invitation au Rising Stars Challenge avec la Team World lors du All-Star Week-end.
Autre moment remarquable de la saison rookie de Shai Gilgeous-Alexander : sa première participation aux Playoffs. Les hommes de Doc Rivers affrontent l’armada des Warriors en quête du Three-Peat, un défi de taille pour le meneur, qui commence la série en tant que titulaire. À l’image de sa saison régulière, le collectif des Clippers surprend tout le monde. Le champion en titre est bousculé par une équipe unie, animée par une combativité exceptionnelle. SGA signe des rencontres sensationnelles, en opposition directe avec Klay Thompson. Le rookie fait preuve d’une maturité édifiante des deux côtés du terrain. Le quatrième match est un véritable récital offensif, lors duquel il inscrit 25 points dans la défaite. Les Warriors viennent logiquement à bout des Clippers. L’enfant d’Hamilton s’est fait sa place dans la grande ligue.
A Star is born in Oklahoma
Après une très belle première saison, l’athlète canadien est prêt à continuer sur sa lancée au sein du collectif de Doc Rivers. Mais le jeune meneur découvre les lois du business NBA. Le 10 juillet 2019, cataclysme en NBA : le Thunder envoie Paul George à Los Angeles pour seconder Kawhi Leonard. En contrepartie, Oklahoma City reçoit l’ailier italien Danilo Gallinari, un nombre important de choix de Draft — dont cinq premiers tours — et Shai Gilgeous-Alexander. Ce trade surprend pour bien des raisons. D’après certaines rumeurs autour de SGA, le Front Office des Clippers aurait pourtant affirmé que leur pépite était intransférable. Toujours aussi déterminé, l’ancien de Kentucky fait ses valises pour l’Oklahoma.
Comme lors de sa première saison, le talentueux Shaivonte arrive dans une franchise entre deux phases qui vient de perdre son emblématique meneur, Russell Westbrook. Mais cette fois, Gilgeous-Alexander est l’une des pierres angulaires d’un nouveau projet, il incarne l’avenir du Thunder à long terme. Il entame sa deuxième année aux côtés d’un futur Hall of Famer au poste 1, Chris Paul. L’ancien capitaine des Clippers devient un mentor pour le sophomore. Dès le début de la saison, le 11e choix de la Draft 2018 est un membre incontestable du cinq majeur. Contre toute attente, le Canadien est l’un des principaux gestionnaires de jeu du Thudner. À l’instar de son coéquipier plus expérimenté, tous les ballons passent par lui. Il commence l’exercice 2019-20 avec une partition maîtrisée contre Utah. Gilgeous-Alexander brille avec 26 points à 10/23 au tir, 2 rebonds et 1 passe décisive.
Shai, qui compose un trio redoutable avec Schröder et Paul, s’adapte immédiatement à la philosophie de Billy Donovan et devient l’une des premières options offensives d’OKC. Sa faculté à driver avec aisance est un véritable poison pour les équipes adverses. Sa progression est fulgurante, son shoot extérieur se stabilise, tandis que le meneur affine son playmaking. Défensivement, Shai confirme son statut, il s’améliore également au rebond. Son nombre de passes décisives n’est pas exceptionnel, mais correct, ce qui s’explique notamment par la présence de Chris Paul qui excelle historiquement en la matière.
Un match particulier marque la saison NBA de Shai Gilgeous-Alexander. Le 29 décembre 2019, le Thunder se déplace à la Scotiabank Arena pour affronter les Raptors. Le natif de Toronto revient sur sa terre natale. Ce soir-là, le meneur d’OKC écoeure le champion en titre avec 32 points, 2 passes et 3 interceptions, une performance ponctuée par un floater décisif à 36 secondes de la fin pour arracher la victoire. SGA devient alors le premier Canadien à marquer tant de points sur son territoire.
Pour la deuxième année consécutive, il fait partie d’une équipe de compétiteurs qui prône le collectif. Malgré les prédictions très pessimistes du début de saison, le Thunder se qualifie en Playoffs à la 5e place de la conférence Ouest après quelques matchs dans la bulle d’Orlando. Au premier tour, le Thunder affronte les Rockets de James Harden. Shai et ses coéquipiers sont très vite menés, mais les hommes de Billy Donovan — qui jouent sans complexe et dans l’entraide — poussent Houston jusqu’au Game 7. Shaivonte signe une copie très propre lors de cette série tendue, mais les confrontations successives deviennent le théâtre d’un duel musclé entre CP3 et Harden. Finalement, OKC passe tout près d’une victoire mémorable, mais l’intrépide collectif du Thunder termine la campagne 2019-20 la tête haute et la sensation d’un devoir accompli.
Individuellement, SGA réalise une très belle année, qui lui vaut plusieurs mentions dans la course au MIP. Il participe au Skills Challenge lors du week-end du All-Star Game. Sur le plan statistique, le meneur comptabilise en 19 points à 47,1 % au tir, 5,9 rebonds et 3,3 passes décisives de moyenne en saison régulière. Le sophomore devient ainsi un visage familier des fans de la NBA et reçoit les louanges de plusieurs acteurs de la NBA, de Doc Rivers à Dwyane Wade, en passant par Paul George. Dans la bulle d’Orlando, le Canadien a fait la une de Slam, le magazine référence de la culture basketball outre-Atlantique, une étape inévitable pour toutes les stars de la grande ligue.
En dehors des parquets, Gilgeous-Alexander se distingue par son style vestimentaire. Le meneur est créatif et cela se ressent dans sa manière de s’habiller. Gilgeous-Alexander partage son sens de la mode dès le soir de la Draft 2018, aux côtés d’Adam Silver, avec un costume cravate vert clair à imprimé floral sélectionné par ses soins. Il est très rare de le voir porter une pièce qui a déjà été aperçue sur autre joueur. Il parvient à mélanger différents styles, mais aussi des matières singulières, ainsi que des couleurs auxquelles surprenant. Chacun de ses ensembles — très remarqués dans les couloirs des salles NBA les jours de match — récolte des milliers de likes sur Instagram. 700 000 utilisateurs qui admirent ses tenues uniques suivent son compte sur le réseau social américain.
La mode s’est imposée comme une partie intégrante de la culture du basketball, Shai l’a bien compris. Les marques ne restent pas insensibles à tout ce que montre le sophomore d’Oklahoma City. SGA est devenu un ambassadeur de Converse cette année, à l’instar de Draymond Green et d’un autre passionné de mode, Kelly Oubre Jr. La marque américaine fait un pari audacieux, mais cohérent, en misant sur un jeune joueur à fort potentiel déjà connu pour son identité visuelle assumée. Plus récemment, nous avons pu apercevoir le meneur en tant que mannequin pour la campagne publicitaire qui présente la collaboration inédite entre la NBA et la célèbre marque de luxe Louis Vuitton.
Shai Gilgeous-Alexander s’impose déjà sur et hors du terrain.
Shai Gilgeous-Alexander possède toutes les caractéristiques d’une future star de la NBA dans les années à venir. La saison prochaine, il devra assumer pleinement le rôle de leader d’une équipe au visage changé. Encore une fois, Shai devra déjouer les prédictions — une sorte de routine pour le meneur.
Illustration : Hugo Holgado (XIII Studio) / L’Analyste