À Brooklyn, l’avenir est plus net

par Enzo Brule
Brooklyn Nets

Il y a un mois, Brooklyn faisait une croix sur son projet pour faire un virage à 90°. Un an après James Harden, c’est Kyrie Irving puis Kevin Durant qui ont quitté le bateau noir et blanc. Sean Marks, faisant fi des objectifs de titre, affiche clairement la volonté de reconstruire les Nets sur des bases plus saines.

Les superstars, c’est fini. Entre le dimanche 5 et le jeudi 9 février, jour de la trade deadline, les Nets ont fait le choix de se séparer des deux stars qu’ils avaient signées lors de la Free Agency 2019. La franchise, en échangeant Irving à Dallas, a préféré éviter d’autres problèmes extrasportifs et son départ sans contrepartie cet été. Quant à Durant, il a finalement obtenu le transfert qu’il avait demandé à l’intersaison, avant de revenir sur sa décision au début de l’exercice.

Brooklyn a récupéré de jeunes joueurs à potentiel et quelques tours de Draft grâce à ces transactions. C’est un nouveau départ, avec une base de talents évidemment moins forte, mais complémentaire et tout de même prometteuse.

Le tandem Sean Marks — Jacque Vaughn a encore du pain sur la planche. Libéré de leurs superstars, le General Manager devra, à terme, reconstituer une équipe taillée pour le titre — sans ses tours de Draft, qui sont partis à Houston dans le trade d’Harden —, tandis que le coach doit la faire fonctionner sur le terrain et trouver l’identité aux nouveaux Nets.

Mikal Bridges, l’héritier du trône des Nets

Débarqué aux Nets comme la principale contrepartie du transfert de Kevin Durant, l’ailier est l’une des pierres angulaires de cette jeune équipe. Avec la confiance de la franchise, l’ancien chouchou des Suns semble prendre une nouvelle dimension.

Mikal Bridges, deuxième du vote pour le trophée de DPOY l’année dernière, est considéré comme l’un des meilleurs profils défensifs de la ligue. Il s’agit de sa première qualité, ô combien précieuse pour Phoenix dans son ascension jusqu’en Finales NBA.

Le produit de Villanova est également un joueur fiable physiquement. Depuis sa Draft en 10e position en 2018, il n’a subi que deux blessures (aux quadriceps en 2019, au genou droit en 2022), qui l’ont éloigné des parquets moins d’une vingtaine de rencontres. Véritable Iron Man, il pourrait même terminer la saison avec 83 matches au compteur — anomalie causée par son transfert en milieu d’exercice —, une sorte de consécration.

Tout cela, on le savait déjà depuis un moment. Mais chez les Suns, Bridges était moins utilisé en attaque. Rien de plus logique à côté de joueurs comme Devin Booker, Chris Paul et Deandre Ayton, aux profils beaucoup plus offensifs. À Brooklyn, il bénéficie d’une bien plus grande liberté sur ce plan.

Depuis son arrivée à New York, l’ailier affiche des moyennes de 25 points et 5 rebonds, à 51,1 % au tir et 49,1 % à trois points. Il est le joueur qui prend le plus de tirs de l’équipe, avec 16,7 tentatives par rencontre, bien devant les 13,3 des deuxièmes ex aequo. Ce nouveau cadre lui a d’ailleurs permis de battre son record en carrière avec 45 points face à Miami en février.

Les statistiques avancées de l’athlète de 26 ans, avec 26,4 % de Usage Rate (statistique qui quantifie la charge offensive d’un joueur) et 130,1 points pour 100 tirs tentés, sont déjà celles d’une star. Il aura jusqu’à la fin de la saison pour prouver qu’il est capable, à terme, de s’imposer parmi les premières options offensives d’une équipe compétitive. L’avenir de Mikal Bridges semble en tout cas, au premier abord, aussi radieux que son sourire.

Cameron Johnson, une adaptation progressive

Deuxième joueur que les Suns ont envoyé à Brooklyn, Cameron Johnson a également hérité d’un rôle important dans les plans de Jacque Vaughn. Jugé comme un mauvais choix du Front Office à sa Draft en 2019, en 11e position, l’ailier fort n’a cessé de progresser jusqu’à devenir l’une des clés de la réussite de Phoenix. Il aura peut-être l’occasion de passer un cap à présent.

Pour le moment, sa hausse de responsabilités le met dans une position inconfortable sur le plan offensif. D’un côté, il marque 17,2 points par match sous ses nouvelles couleurs, soit 3,3 de plus que sur son début de saison dans l’Arizona. Cependant, cette augmentation s’est faite au détriment de son pourcentage à trois points, passé de 45,5 % à 33,3 %. Son efficacité globale souffre de ce changement de rôle.

Défensivement, son apport reste toujours aussi intéressant. Les Nets encaissent 9,7 points de moins pour 100 possessions quand il est sur le terrain, d’après Cleaning The Glass — base de données qui filtre le Garbage Time. Un aspect rassurant pour son avenir à Brooklyn.

Mikal Bridges Cameron Johnson Brooklyn Nets
Mikal Bridges aux côtés de Cameron Johson lors du match Brooklyn Nets – Chicago Bulls. Photo : Jamie Squire/Getty Images

Des doutes subsistent toutefois, après sa longue absence pour blessure en début de saison, sur sa capacité à se maintenir en bonne santé. Sa marge de progression, à déjà 27 ans, semble par ailleurs limitée au premier abord. Arrivé au terme de son contrat rookie, la gestion de son dossier cette intersaison en dira beaucoup sur les attentes de Sean Marks à son égard.

La question Ben Simmons

Arrivé dans le transfert de James Harden en 2022, Ben Simmons n’a pour l’instant, toujours pas confirmé les attentes placées en lui. Absent pendant la saison 2021-22 pour des raisons personnelles et une blessure au dos, il porte le maillot de la franchise uniquement depuis le mois d’octobre et de manière épisodique.

Que ce soit sous les ordres de Steve Nash ou de Jacque Vaughn, il a eu du mal à trouver son rôle au sein du roster des Nets. Utilisé sur plusieurs postes, il réalise une saison offensive compliquée avec 6,9 points de moyenne, à 56,6 % au tir. Côté défensif, c’est là aussi en dessous de ce que l’on peut attendre d’un joueur de son calibre. L’Australien, malgré son impact vaguement positif, est encore loin du niveau qui lui avait valu une deuxième place au vote du trophée de Défenseur de l’année en 2021.

Il y a cependant des explications à ses performances. Il s’agit d’une année de retour pour lui, dans un nouvel environnement, qui est loin d’être stable. En l’espace de quelques mois, il a vu Durant demander son transfert, Nash être licencié, puis Irving causer d’importants problèmes extrasportifs avant de partir à Dallas, entraînant KD vers l’Ouest au passage.

Dans un tel contexte d’instabilité et de pression, en ajoutant ses soucis préexistants et ses récentes blessures, difficile de trouver sa place. Si le départ des deux stars représentait pour lui une grande opportunité, Simmons semble avoir perdu la confiance du coaching staff. 

« Si on met un autre intérieur avec Ben, il faut trouver le moyen d’apporter du spacing autour. Si on met un playmaker avec lui, il faut voir ce que donne Ben sans ballon. Si on joue petit avec Ben, il faut être sûr qu’on puisse prendre assez de rebonds », analysait Vaughn, en février. « Ce sont des défis qui se présentent à nous. » En résumé, le genre de propos qu’un entraîneur tient rarement en parlant d’un joueur auquel il accorde une véritable importance dans ses plans.

La nouvelle direction prise par les Nets pourrait ainsi amener Simmons à partir cet été s’il ne progresse pas et ne s’impose pas comme un des joueurs majeurs de l’effectif. La question Simmons reste certainement, à ce jour, la plus grande interrogation autour de cette équipe.

Les contreparties texanes

Si Bridges était le chouchou des Suns, Dorian Finney-Smith était celui des Mavericks. Un troisième profil 3-and-D, qui s’ajoute à ceux qui sont arrivés des Suns. Un embouteillage, en un sens, compensé par le fait que Smith et Johnson sont en mesure de prendre les postes 3 et 4, tandis que Bridges passe en 2.

Son profil est plus D que 3. Heureusement, au regard de sa production défensive depuis son arrivée à Brooklyn (6,1 points à 32,2 % au tir, dont 22,8 % à trois points). Et de son propre côté du terrain, l’ancien joueur des Mavericks excelle clairement.

Son contrat sera également un avantage majeur dans la construction de l’effectif. Avec un salaire moyen de 14 millions de dollars sur les deux prochaines saisons, avec une Player Option en 2025-26, il s’agit d’une superbe affaire. Joueur fiable et rarement blessé, il devrait jouer un rôle majeur dans l’équipe.

Il a aussi ramené, dans ses valises, l’enfant prodigue qui avait quitté la franchise en 2021. Deuxième créateur derrière Luka Doncic à Dallas, Spencer Dinwiddie est le seul meneur de métier de l’effectif, ce qui en fait un élément précieux pour tout le collectif.

Alors qu’il approche de la trentaine, son avenir chez les jeunes Nets reste trouble. Il n’y a aucune certitude au-delà de sa dernière année de contrat, partiellement garantie, en 2023-24. Mais pour l’instant, son profil de gestionnaire et son expérience aident son entraîneur à naviguer dans le brouillard.

Jacque Vaughn, l’homme providentiel

Head coach depuis le départ de Steve Nash, Vaughn a prouvé qu’il pouvait être l’un des principaux visages de la franchise. Sa récente prolongation de plusieurs années ne peut que nous conforter dans cette idée.

Ancien adjoint, il a réussi à placer Brooklyn dans les places hautes de la Conférence Est malgré les problèmes de vestiaire, puis à l’y maintenir. Il a désormais la lourde tâche d’assurer la transition entre le projet raté du Big Three et le renouveau des Nets. 

Jacque Vaughn Brooklyn Nets
Jacque Vaughn. Photo : Chris Coduto/Getty Images

Sur le court terme, ses hommes se maintiennent en 6e position de l’Est avec un bilan de 37-29. Ils gardent une avance de 2,5 matches sur le Heat, septième, et pourraient bien se qualifier en playoffs sans passer par le playin. L’expérience de la postseason permettrait de renforcer les liens entre les joueurs, ce qui s’annonce comme l’un des grands défis dans l’immédiat.

La dynamique actuelle est bonne. Elle rappelle d’une certaine manière celle du groupe de 2019, dans lequel Dinwiddie était déjà présent. Toutefois, forger l’identité d’une équipe est une tout autre histoire. Jacque Vaughn se présente comme l’artisan idéal pour cela, mais seuls les résultats concrets des années à venir compteront réellement.

La Draft, une situation complexe

Au moment de l’arrivée de James Harden, dans un blockbuster trade avec Houston, les Nets ont hypothéqué leur avenir. Ils risquent aujourd’hui de payer en partie les erreurs du passé.

De nombreux premiers tours de Draft ont été envoyés dans le Texas, ce qui empêchera le Front Office de compter sur ses propres picks pendant plusieurs années. Une situation regrettable dans le cadre d’une reconstruction, qui balaye aussitôt la piste du tanking. L’équipe devra se construire différemment.

À la deadline, Sean Marks a réussi à réparer partiellement ces problèmes. Pour Kevin Durant, Phoenix a envoyé quatre premiers tours de Draft (2023, 2025, 2027, 2029) en plus d’un swap en 2028. Pour Irving, Dallas a dû se séparer d’un premier tour en 2029 ainsi que d’un second tour. Le trade de Jae Crowder, dans la foulée, leur a permis d’ajouter quelques options au second tour.

Pour les prochaines saisons, Brooklyn va pouvoir être actif au mois de juin, quelque chose qui était inimaginable il y a quelque temps. Sans pouvoir sortir le tank, la reconstruction devra passer par des signatures et des transferts, dans lesquels ces picks pourront servir d’assets. Le ciel n’est finalement pas si gris.

En échangeant ses deux All-Stars, Brooklyn a fait le choix de changer de statut. L’effectif n’est plus construit pour jouer le titre, mais il reste assez de talents pour arriver en postseason. La fin de cette saison 2022-23 permettra aux Nets de tirer de premières conclusions pour préparer leur été, d’où partira réellement cette nouvelle ère.

L’équipe dispose d’un noyau de joueurs avec un fort potentiel, avec Mikal Bridges, Cameron Johsnon, Dorian Finney-Smith, mais aussi Nic Claxton et Cam Thomas. C’est un bon point de départ à partir duquel le Front Office peut se projeter.

Dans le flou avec Irving, Harden et Durant, les Nets ont connu des heures sombres. L’avenir s’annonce peut-être moins radieux qu’en 2019, au début de ce nouveau projet, mais les bases sont clairement plus saines. Dans ces conditions, l’avenir apparaît plus net.

Benjamin Moubeche a également contribué à cet article.

Photo de couverture : Elsa/Getty Images

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