Victor Wembanyama, la première du phénomène à domicile

par Florian Tixier
Victor Wembanyama Metropolitans 92 Boulogne-Levallois NBA Draft 2023

Ce mardi 27 septembre se tenait un évènement particulier pour le basket français, peut-être même historique. Cette date marquait en effet la première de Victor Wembanyama sur le parquet de sa nouvelle équipe, les Metropolitans de Boulogne-Levallois. Récit de la rencontre du prospect français — et sans doute européen — le plus attendu de tous les temps.

La licorne française de retour en Île-de-France

Après une belle découverte du côté de Nanterre et un passage en EuroLeague chez l’ASVEL de Tony Parker, le monde entier attend l’ultime année du phénomène français depuis de nombreux mois. Entre Paris, Nanterre, Boulogne-Levallois et Lyon-Villeurbanne, les clubs de Betclic Élite ont passé l’été à s’arracher le joueur qui s’annonce vraisemblablement comme le futur du basket mondial.

Victor Wembanyama, 2,21 m pour 2,44 m d’envergure, est un profil de joueur délié et habile, aux qualités techniques semblables à celles d’un arrière. Il dispose d’un combo de taille, longueur et mobilité unique en son genre, pour un potentiel défensif générationnel. Ce phénomène, tout droit sorti d’un laboratoire, fait saliver les scouts depuis plus de trois ans. Une hype absolument inédite sur le territoire français.

C’est donc avec des attentes sans précédent, durant l’été 2022, que le pivot a décidé de rejoindre sa région natale pour préparer son arrivée en NBA — probablement en tant que first pick. Si son choix s’est porté sur les Metropolitans en particulier, c’est avant tout pour trois raisons :

  1. Un collectif tourné vers lui et la possibilité de jouer en tant que première option, comme il le confirmait lors du Media Day de la LNB.
  2. La possibilité de ne jouer qu’un seul match par semaine, en évitant les compétitions européennes, pour stabiliser son corps et travailler individuellement
  3. La chance de pouvoir jouer sous les ordres de Vincent Collet, sélectionneur de l’équipe de France, tout en se montrant disponible pour les différentes fenêtres internationales.
Jouer avec Vincent Collet, une démarche logique pour le futur de l’EDF. Photo : Julie Dumélié / BCM Gravelines-Dunkerque

La première de Victor Wembanyama à domicile

Si la région parisienne a dû attendre mardi pour voir Wembanyama dans une rencontre officielle, le phénomène ne s’est pas fait prier pour commencer à briller. Après quelques matchs amicaux à travers le monde et une première journée de Betclic Élite, les observateurs ont pu juger du talent du prospect :

  • 34 points, 10 rebonds et 3 contres contre Darüşşafaka
  • 34 points, 5 rebonds et 4 contres contre Holon
  • 23 points et 10 rebonds contre Gravelines-Dunkerque

Avec une excitation palpable, la première rencontre à domicile de la saison s’est faite dans une ambiance particulière. Un palais des sports Marcel Cerdan à guichet fermé depuis une semaine, de nombreux médias ayant fait le déplacement du monde entier et un défilé de scouts NBA au premier rang, parmi lesquels ceux de Utah, Miami, Dallas et New York.

La chose la plus frappante dans le match de Wembanyama ce mardi soir, c’est une certaine nervosité. Le prospect est venu à Levallois pour dominer, et il veut le montrer. Cela se traduit rapidement par deux points essentiels : il est ciblé par des adversaires qui tentent de jauger le petit prince français, notamment le pivot Vitalis Chikoko, et son énergie le pousse à commettre beaucoup de fautes.

Ce second point l’a fait totalement disparaitre de la première mi-temps. L’intérieur n’a joué que 3 minutes dans le premier quart-temps, en commettant deux fautes. Il n’a ensuite passé qu’une minute sur le terrain dans le deuxième, le temps de prendre sa troisième faute, synonyme de banc jusqu’à la pause.

Nécessairement, voir la star de l’équipe regagner le banc a causé une pointe de déception dans la salle. C’est certainement d’autant plus vrai pour ceux qui ont fait un long voyage pour observer le phénomène.

Il s’agit toutefois d’un contexte propice pour étudier certains détails importants : le mental de Victor Wembanyama et sa capacité à dépasser sa frustration en seconde mi-temps. Pour les fans présents, c’est une déception. Pour les scouts, c’est une opportunité.

La seconde mi-temps du jeune joueur s’est justement révélée rassurante pour les spécialistes et a donné à voir aux spectateurs. Le pivot s’est beaucoup plus lâché, en demandant la balle pour se montrer dans les espaces et commencer à dominer dans la peinture.

Auteur de deux posters bien sentis, de contres assez spectaculaires tout en exposant l’étendue de son talent balle en main, Wembanyama termine avec une fiche de stat plutôt intéressante sur une seule mi-temps. 10 points à 3-10 au tir, 8 rebonds, 3 passes et 3 contres en 20 minutes pour le prospect.

Bilan offensif

Shoot : Pendant plus d’une demi-heure, le pivot a axé son échauffement de manière quasi exclusive sur du shoot, notamment en sortie de dribble. Des exercices d’avant match rares pour un intérieur. On sent que Victor Wembanyama a fait de son tir son arme favorite et qu’on lui demande de travailler son pull up pour passer un cap offensivement. Une évolution qui pourrait éventuellement lui permettre de devenir une première option offensive à long terme.

Sa gestuelle a changé depuis ses jeunes années. Le pivot dégaine plus vite, son bras droit garde une vraie ligne directrice droite. Surtout, il relâche le ballon plus haut, ce qui le rend rapidement impossible à contrer du haut de ses 2,40 m d’envergure.

On voit remarque, en cours de match, que ses tirs sont fluides. Même en sortie de dribble, la forme est préservée. Bien que cela ne rentre pas de manière constante, les flashs sont assez impressionnants. Si, à la manière d’un Kevin Durant, il apprend à garder son shoot avec mains devant la tête et malgré la proximité de la défense, son tir deviendra particulièrement difficile à défendre.

Versatilité offensive : Sans doute ce qui impressionne le plus chez lui. Wembanyama est capable de shooter, mais aussi de dribbler, courir, passer et manipuler la défense à la manière d’un arrière. Chose rare pour un joueur de sa taille, son dribble est très sûr et plutôt bas, ce qui lui offre une certaine sérénité dans son handle.

Il faut maintenant qu’il arrive à lisser son jeu et apprendre à employer ses armes au bon moment. Pour le moment, il sait tout faire et fait tout. Le cap suivant sera certainement de choisir avec discernement dans sa large panoplie.

Vision de jeu : Victor comprend le jeu. Il sait ou sont ses coéquipiers et arrive à manipuler la défense balle en main. Son QI basket fait clairement partie de ses plus grandes qualités.

Quand on associe cette intelligence de jeu à sa taille, on obtient un bon porteur de balle, notamment sur short roll, qui voit les passes au-dessus de la défense. Ses prises de décisions sur short roll sont une grande force, que ce soit pour lui ou ses coéquipiers. Ce mardi, on a pu le voir distribuer de belles pépites en no look.

Un profil unique : Lorsque l’on associe cette taille à une mobilité et un handle suffisant, on obtient un profil tout simplement unique. La peur qu’installe son tir lui permet d’attirer les défenseurs et de rapidement partir en dribble pour jouer sur sa longueur à 3 ou 4 mètres du panier.

Avec des bras si longs, il accède très rapidement au cercle, où il monte plus vite et plus loin que son défenseur. S’il parvient à maîtriser ce mouvement (hésitation, départ, création d’écart et montée au cercle), il devrait devenir un cauchemar à défendre.

Bilan défensif

Protection de cercle : Par sa taille et sa longueur, Victor est un protecteur de cercle naturel. Quand on y associe ses qualités de lecture du jeu, de défense collective et sa maîtrise du timing de contre, on obtient un défenseur potentiellement générationnel.

Défense sur pick : Formation française oblige, comme on le voit chez Rudy Gobert, Wembanyama a appris à défendre le drop. Il navigue plutôt bien dans la raquette et sait se placer suite à un pick pour dissuader son adversaire d’aller au cercle.

Le pivot doit cependant faire des efforts supplémentaires pour couvrir une zone plus large. En restant un peu bas, il cherche trop à protéger son cercle en délaissant le mi-distance, où Chikoko a su le punir quelques fois.

Jeunesse : Il ne faut pas oublier qu’il est question d’un athlète de 18 ans. À ce stade, il commet encore des erreurs plus que normales pour son âge. Son corps n’est pas encore formé et risque d’être ciblé par les plus gros physiques de la ligue cette année, qui chercheront à l’enfoncer.

Malgré tout, Wembanyama arrive plutôt bien à encaisser les chocs et a conscience de sa longueur pour gêner au mieux. Il fait également quelques erreurs sur les écrans ou sur les feintes, mais rien de plus normal.

La peur qu’il installe face aux drives adverses reste néanmoins bien visible, personne n’ose tirer lorsqu’il est dans la raquette. Une force assez incroyable.

Mentalité 

Si la seconde mi-temps a été rassurante pour les scouts, c’est aussi pour l’aspect mental. Alors que de nombreux jeunes auraient pu se frustrer et sortir du match, Wembanyama a su se concentrer d’abord sur les systèmes d’équipes en allant notamment chercher des lancers, pour ensuite relâcher son talent. Un signe très positif pour un leader d’à peine 18 ans, qui semble impacter positivement toute l’équipe des Mets.

Comme on l’entend souvent, Victor Wembanyama est bien un prospect unique dans sa génération. Personne n’a jamais vu ce profil dans l’histoire du basketball. Son combo taille, mobilité et technique inédit explique la course au tanking en NBA.

Si les tirs ne rentrent pas encore et que de nombreuses erreurs de jeunesse ternissent toujours son jeu, les flashs que l’on aperçoit sont absolument phénoménaux. Actuellement, le pivot semble axer son développement vers celui d’une première option offensive et devenir un scoreur aux trois niveaux. Une perspective excitante pour un joueur de mouvement, capable de dribbler, passer et scorer.

Il ne faut certainement pas voir chez ce prospect un pivot à l’ancienne, qui cherche à dunker sur tout le monde. Son titre de « licorne » s’explique par sa polyvalence. L’intérieur est doté d’un ancrage défensif exceptionnel et d’une versatilité offensive unique qui, grâce à sa taille, pourrait le rendre presque indéfendable.

Victor Wembanyama lance donc sa saison chez les Mets d’une bien belle manière. En décrochant la victoire face à l’Élan béarnais (82-59) et en rassurant les spécialistes dans la salle. Un bon moyen d’assurer son avance dans la course au first pick, avant d’aller défier son probable dauphin, Scoot Henderson, à Las Vegas début octobre.

Photo : Metropolitans 92

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