Joel Embiid a fait un pas de géant vers l’équipe de France de basket. Le pivot des Sixers a officiellement été naturalisé français, d’après le Journal officiel de la République française (JORF). Une nouvelle qui rouvre le débat par rapport à sa potentielle sélection pour les prochaines échéances internationales.
La position de la Fédération française et de l’équipe de France sur ce dossier reste encore floue à ce jour. « Nous ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Nous attendons que ces démarches aboutissent », avait expliqué Boris Diaw à L’Équipe au mois de mai. Maintenant qu’Embiid est bel et bien Français, de nombreuses questions se posent.
Joel Embiid jouera-t-il sous les couleurs de la France ?
Si la FFBB ne s’est pas encore prononcée publiquement, il est difficile d’imaginer que l’athlète a décidé d’entamer cette procédure sans arrière-pensée. L’entourage du joueur avait d’ailleurs assuré que le processus de naturalisation a été initié à la demande de la Fédération.
« Joel n’a pas engagé de démarches de nationalisation. Ce sont les autorités françaises qui sont venues vers lui », a notamment affirmé Thomas Embiid, son père, au micro de RFI. Si tel est le cas, il n’y a rien d’absurde à imaginer Joel Embiid en bleu dans un futur proche.
Bien entendu, il est déjà trop tard pour l’EuroBasket, qui débutera au mois de septembre. Notre attention doit donc se reporter sur les compétitions suivantes, qui sont d’ailleurs les plus importantes : la Coupe du Monde de 2023 et les Jeux olympiques de 2024. La France, vice-championne olympique, nourrit de grandes ambitions pour ces échéances.
L’intérieur a toujours été transparent sur la question : son objectif est la médaille olympique. Le reste semble avoir assez peu d’intérêt à ses yeux. « Les Jeux olympiques, je crois que c’est la seule compétition que je veux vraiment faire », confiait-il à L’Équipe, en 2018. « La Coupe d’Afrique, la Coupe du monde, l’Euro, c’est bien, mais je crois que les JO c’est mieux. »
Quoiqu’il arrive, il est donc possible qu’il faille attendre deux ans pour voir Embiid parmi les Français. Vincent Collet et la Fédération pourraient toutefois lui demander de jouer le Mondial auparavant, afin de se familiariser avec l’équipe.
Tout cela, c’est bien sûr dans l’optique où son intégration à l’effectif est réellement envisagée et possible. Rien n’est acquis. Pour bien des raisons, cela pourrait ne jamais se faire malgré l’attraction mutuelle implicite.
Qu’est-ce qui pourrait empêcher cela d’arriver ?
Avant tout, il faudra déterminer s’il est réellement possible pour le pivot de jouer avec l’Équipe de France. De nombreux obstacles pourraient empêcher cela de se produire indépendamment de toute volonté.
Pour le moment, nous ne savons pas encore si Embiid a reçu l’autorisation du Cameroun, son pays natal, pour jouer dans l’Hexagone. « Il est libre de choisir sa nationalité sportive, mais nous n’avons à ce jour reçu aucune demande officielle de la FFBB ni de la FIBA », précisait Samuel Nduku, président de la fédération camerounaise, en mai.
Apparemment, les instances dirigeantes ne s’opposeront pas à la décision du joueur. Plusieurs responsables ont cependant fait état de leur mécontentement. « Il n’est pas Français. Joel n’a rien à faire avec la France », a notamment contesté Nduku en 2018. Yves Tesla, parmi les cadres de la fédération, s’était aussi dit « choqué » par son choix. Il faudra donc veiller à ce que son pays d’origine fasse le nécessaire et rendent bel et bien tout cela possible.
La santé de l’intérieur des Sixers pourrait également le tenir éloigné des compétitions internationales. Il a justement été opéré du pouce droit et de l’index gauche il y a moins de deux mois. Un exemple parmi tant d’autres.
Depuis sa Draft NBA en 2014, le pivot n’a jamais disputé une saison sans blessures. Son parcours dans le monde professionnel a commencé avec une fracture, qui l’a tenu éloigné des parquets pendant une saison et demie.
L’historique de ses blessures n’a fait que s’allonger et met aujourd’hui en péril la perspective de le retrouver en dehors de la ligue américaine. Une déchirure du ménisque à chaque genou, une déchirure d’un ligament du pouce, deux fractures de l’orbite, quelques entorses, tendinites et contusions… voilà qui pourrait refroidir le colosse aux pieds d’argile.
Son aptitude à jouer, tant sur le plan physique que légal, ne sera pas la seule condition. Au-delà de tous ces prérequis absolument nécessaires, il y a encore d’autres questions.
L’équipe de France a-t-elle vraiment l’intention d’intégrer Joel Embiid à l’effectif ?
Médaille d’argent aux Jeux olympiques de Tokyo, les Bleus disposent d’un groupe expérimenté et soudé. Les athlètes de la sélection ont appris à se connaître et à jouer ensemble. Ils ont développé une véritable alchimie. Intégrer un nouvel élément aussi important au groupe pourrait mettre en péril cet équilibre.
La question se pose donc : l’EDF aura-t-elle vraiment la volonté de l’intégrer ? Naturellement, il faut partir du principe que c’est bien le cas. Joel Embiid ne serait sans doute pas allé aussi loin dans le cas contraire.
Avant les Jeux de Paris, il faudra débattre de la question de la Coupe du Monde. Certes, l’athlète n’est apparemment pas intéressé. Mais Vincent Collet pourrait en faire une condition sine qua non pour le sélectionner en 2024. La première étape, chronologiquement, est d’abord celle-ci. Il pourrait s’agir d’un point de résistance concernant l’évolution du dossier.
Au-delà des dirigeants, les autres joueurs ont aussi leur mot à dire. Lorsque cette possibilité a été évoquée par le passé, elle n’a pas fait l’unanimité. Les cadres de l’équipe étaient même majoritairement défavorables à l’arrivée d’Embiid.
« Arrêtons avec les articles sur Joel Embiid en équipe de France, ça en devient ridicule », réagissait Evan Fournier sur Twitter, en 2018. « Pour moi, jouer pour un pays avec lequel tu n’as pas d’attaches, c’est dérangeant. L’équipe nationale, ce n’est pas juste un challenge sportif. »
« Je trouve que ça manque un peu d’authenticité quand tu fais des trucs comme ça », soulignait Tony Parker dans une interview pour L’Équipe. « Je ne suis pas très fan de voir la Slovénie ou la Croatie avec des Américains. En équipe nationale, il faudrait jouer avec les joueurs du pays qui ont grandi là-bas. C’est juste une question de principe. »
Comme beaucoup, Nicolas Batum semblait toutefois tiraillé entre l’aspect sportif et l’aspect éthique de cette décision. « Je ne suis pas pour les naturalisés ou les passeports donnés comme ça », expliquait-il alors au micro de RMC Sport. Parmi les leaders de la sélection, il déplorait un « problème au niveau éthique et au niveau de la formation à la française », tout en reconnaissant que ce recrutement ferait le plus grand bien à l’équipe.
La question se posera ainsi une nouvelle fois et fera certainement l’objet d’un vif débat. Il serait toutefois très difficile d’ajouter le pivot à l’équipe si ses futurs coéquipiers ne veulent pas de lui. Pour toutes ces raisons, rien n’est encore fait.
Comment trouver un équilibre entre compétitivité et éthique ?
Avec des moyennes de 30,6 points, 11,7 rebonds et 4,2 passes en NBA cette saison, Joel Embiid fait indéniablement partie des meilleurs joueurs du monde. Son recrutement ferait sans doute passer la sélection dans une nouvelle catégorie.
La raquette qu’il pourrait former avec Rudy Gobert vend évidemment du rêve. Dans la basket FIBA, la perspective d’avoir deux joueurs aussi grands et mobiles dans la raquette est plutôt excitante. Seulement, le problème n’est pas là.
Ce que la plupart des joueurs reprochent à ce potentiel recrutement, c’est l’aspect moral. La présence d’athlètes naturalisés est souvent pointée du doigt dans les compétitions internationales. Les Espagnols ont régulièrement été critiqués sur ce point, notamment par les Français.
Récemment, Andrew Albicy — fort de 74 sélections avec les Bleus — résumait parfaitement le débat. « Il y a le côté sportif et le côté éthique », a-t-il reconnu sur le plateau de First Team. « Ça pourrait donner une autre dimension à notre équipe », a-t-il concédé, avant d’affirmer que la France peut décrocher un titre mondial « sans avoir besoin d’aller chercher un Américain, un Camerounais ou autre ».
Né au Cameroun, puis parti aux États-Unis à ses 16 ans, Embiid n’a rien à voir avec l’équipe de France. Alors, quand le sujet a été évoqué il y a quelques années, la FFBB a pris position sur le sujet de la naturalisation.
« Est-ce que ça peut aider l’équipe de France ? Oui. Est-ce que c’est bien normal ? Non », tranchait à l’époque Jean Pierre Siutat, président de la Fédération, dans l’espoir de mettre un terme au débat. « Je préfère avoir une équipe de garçons et de filles, qui ont envie d’être là. En parler aujourd’hui est un faux débat. […] Je ne veux pas qu’on soit taxé d’aller chercher des talents comme d’autres le font. Les jeunes joueurs ne sont pas licenciés et ne sont donc pas protégés. Et, à terme, ils ne représentent plus leur pays. Je souhaite, au contraire, que les joueurs soient licenciés dans leur pays, jouent pour leur pays et que leur éventuel départ soit régulé par la Fédération internationale. »
La naturalisation du pivot est-elle contraire à l’éthique ? C’est une question complexe que l’on laissera volontiers aux philosophes. Toutefois, elle serait clairement contraire aux positions de la Fédération sur le sujet et à l’opinion de nombreux Français.
Quel est le lien entre Joel Embiid et la France ?
La relation du joueur avec le pays dont il détient désormais la nationalité tient à peu de choses. « J’ai beaucoup d’amis et de famille en France », résumait-il lui-même en conférence de presse. Pourtant, il entretient un lien avec les Bleus depuis huit ans maintenant.
Le premier contact remonterait en effet à déjà longtemps. « En 2014, on évoque le sujet ensemble, alors que Joel vient d’être drafté. Il me dit qu’ils en ont parlé avec Boris — je ne sais pas qui a commencé l’histoire, d’ailleurs », racontait Nicolas Batum à L’Équipe, en mai.
Dès 2016, la Fédération française de basketball évoquait ouvertement la piste, qu’elle n’a, semble-t-il, jamais vraiment abandonnée. « Nous avons eu un contact avec Joël il y a deux ans, mais cela n’a pas été très poussé », admettait Jean Pierre Siutat, président de la FFBB, dans une interview pour Le Monde en 2018. Patrick Beesley, General Manager de l’époque, avait quant à lui confirmé que ce rapprochement n’avait alors pas dépassé le stade d’un simple échange.
Deux ans plus tard, en 2018, ces rumeurs ont pris une nouvelle dimension lors de son déplacement en Europe pour le NBA London Game. Interrogé sur la possibilité de rejoindre l’équipe de France, il avait répondu : « On ne sait jamais. Je ne viens pas de France, mais j’y ai de la famille. Pour l’instant, je n’ai pas eu d’offre, d’ici ou d’ailleurs, mais ce serait une belle opportunité. » Une délégation avait ainsi été envoyée pour rencontrer Embiid un mois plus tard.
Selon Batum, ce sont les blessures et le fait d’évoquer la question publiquement qui ont empêché cela d’arriver plus tôt : « Ça reste flou, car il est blessé, donc il ne vient pas. Si tout s’était bien passé, il aurait été là en 2015, je pense. En 2018, il en parle publiquement et cela capote… »
En bonne santé et avec la nationalité française, il y a donc de réelles chances que ce projet aboutisse enfin. Joel Embiid avec l’équipe de France n’est aujourd’hui plus qu’un simple fantasme. Il s’agit d’une véritable possibilité.
Photo de couverture : Jesse D. Garrabrant/NBAE via Getty Images