DeMarcus Cousins, un talent gâché par la malchance

par Hugo Le Vay

Lorsque l’on évoque la décennie 2010, le premier joueur auquel on pense n’est certainement pas un pivot. Dans une ère surdominée par les extérieurs avec des LeBron James ou Steph Curry, il est même parfois difficile de faire ressortir du lot un poste 5 véritablement dominant. Dwight Howard et les frères Gasol sur le début de la décennie peut-être, Embiid ou Jokić à la fin.

Un nom est pourtant très souvent oublié. Le nom d’un joueur qui a terrorisé les raquettes de 2013 à 2017, par sa technique et son physique. Un joueur sulfureux, au caractère bien trempé, qui n’avait pas sa langue dans sa poche. Un joueur frappé par la malchance, sur qui le sort semble s’être acharné : DeMarcus Cousins.

Début à Sacramento : des rois toujours sans couronne

DeMarcus Cousins est drafté en cinquième position par les Kings en 2010. Le pivot, en provenance de Kentucky, débarque dans une équipe qui n’a plus joué les playoffs depuis 2006 et qui peine à se reconstruire depuis les aventures de Webber, Divac et Bibby. DMC réalise une saison rookie très correcte, puisqu’il tourne à 14 points et 8,6 rebonds par match. Il finit troisième dans la course au Rookie de l’année et valide une sélection dans la All-NBA Rookie First Team. Collectivement, les Kings ne gagnent toujours pas plus de matchs, et affichent un bilan catastrophique de 24 victoires pour 58 défaites.

Les deux saisons suivantes seront plus ou moins les mêmes. Sacramento ne parvient pas à trouver de la stabilité. Même si Cousins commence à montrer ses qualités offensives, l’avenir semble incertain dans la capitale californienne.

L’explosion de DMC, rayon de soleil sur la Californie

La saison 2012-2013 est celle de la révélation pour DeMarcus Cousins. Le pivot dispose d’une technique exceptionnelle, et est capable de tout faire en attaque. Avec 22,7 points, 11,7 rebonds, 2,9 passes (mais toujours un bilan désastreux), celui qui se fait maintenant appeler « Boogie » illumine une équipe qui se noyait dans la tristesse depuis près de dix ans.

Intérieur très physique de 2m08 pour près de 125 kilos, DMC est inarrêtable au poste bas. Jeu sous le cercle, hooks, shoot à mi-distance et même un handle plus que correct pour un joueur de son gabarit, le pivot sait tout faire. Sa défense n’est certainement pas son plus gros point fort, mais il est capable de faire les efforts et tourne régulièrement autour de 1,5 contre et interception par match.

Grâce à sa puissance et sa technique, DeMarcus Cousins était indéfendable au poste bas. Photo : Kelvin Kuo / USA TODAY Sports

Les saisons 2013-2014 et 2014-2015 seront encore meilleures individuellement. Ses statistiques continuent de monter en flèche, et Boogie connaît ses deux premières sélections pour le All-Star Game. Avec ses 27 points, 11,5 rebonds et 3 passes, Sacramento peut commencer à axer sa reconstruction autour de cette pépite. À cet instant, il ne fait plus aucun doute : DeMarcus Cousins est le meilleur pivot de la planète.

Cousins : le vilain petit canard

Pourtant, Cousins inquiète. Son comportement sur le terrain et dans le vestiaire lui vaut de nombreuses critiques. Très sulfureux, DMC collectionne les fautes techniques et les écarts de comportements. Avec 143 fautes techniques récoltées en carrière, il pointe au 19e rang all-time. De plus, bien qu’évoluant dans un effectif très faible — avec un cinq majeur composé de Rajon Rondo, Ben McLemore et Rudy Gay —, Cousins ne fait toujours pas gagner ses Kings.

Alors au début de la saison 2016-2017, Cousins — qui continue de massacrer les raquettes adverses — se retrouve dans des rumeurs de transfert. Vlade Divac, le General Manager de l’équipe, assure toutefois que Sacramento est très attaché à son franchise player, et que le pivot ne sera pas transféré.

Mais le 20 février 2017, alors que DMC honore sa troisième sélection pour le match des étoiles, ce qui devait arriver arriva. Alors en conférence de presse d’après-match, son agent vient l’interrompre et lui susurre quelques mots à l’oreille. DeMarcus Cousins est transféré à New Orleans — ville hôte du All-Star Game cette année-là — dans un blockbuster trade. Cousins et Omri Caspi prennent la direction de la Louisiane, tandis que Buddy Hield, Tyreke Evans, Langston Galloway, un premier et second tour de draft font le chemin inverse.

En 470 matchs disputés avec les Kings, DMC pointe au sixième rang all-time de la franchise pour les points et les rebonds.
Photo : Ned Dishman / NBAE via Getty Images

Bilan avec les Kings : un échec retentissant

DeMarcus Cousins est très certainement blâmable sur de nombreux points lors de ses six saisons et demie passées sous le maillot des Kings. Comportement déplorable, manque évident de leadership, incapacité à faire gagner son équipe, le bilan collectif de Boogie à Sacramento est désastreux. Lors de son passage, jamais les Kings n’ont dépassé les 33 victoires par saison.

DMC a cependant quelques circonstances atténuantes. L’organisation des Kings — qui, il faut le dire, n’est pas un modèle de réussite depuis 15 ans — n’a jamais su construire un environnement propice à la victoire autour de sa star. Six coachs. DeMarcus Cousins aura connu six coachs différents en un peu plus de six saisons. Il n’aura jamais évolué à côté d’un joueur de calibre All-Star. DeMarcus était comme un immense soliste au milieu d’un orchestre complètement perdu. Le divorce semblait inévitable.

Arrivée aux Pelicans : des Twin Towers modernes

DeMarcus Cousins file donc chez les Pelicans, équipe qui peine elle aussi à enchainer les victoires. L’équipe dispose déjà d’un All-Star en puissance en la personne d’Anthony Davis. L’association de deux intérieurs comme Cousins et Davis dans une période ultra-dominée par les extérieurs intrigue. Boogie et sa nouvelle équipe terminent la saison avec un bien triste bilan de 34 victoires pour 48 défaites, mais les mois de mars et avril (11-11) laissent entrevoir de belles choses : Davis et Cousins semblent bien d’entendre. La NBA tient ses deux nouvelles « twin towers ».

Cousins et Davis, les nouvelles « twin towers » de la NBA. Crédit : Derick E. Hingle-USA TODAY

Les Pels débutent la saison 2017-2018 pleins d’ambition et d’espoir. L’équipe arrive en janvier avec un bilan de 18 victoires pour 18 défaites. Le constat est évident : l’association d’AD et Boogie fait mal. Les deux joueurs s’entendent à merveille et sont injouables. DMC continue de faire ce qu’il sait faire : détruire les raquettes adverses. Avec des statistiques impressionnantes — 25 points, 13 rebonds et 5,5 passes — l’enfant terrible est dans la discussion pour le titre de MVP. DeMarcus a trouvé sa nouvelle maison.

La rupture, trop tôt

Alors que tout semble sourire au pivot alors âgé de 28 ans, le sort va en décider autrement. Le 26 janvier 2018, DMC se rompt le tendon d’Achille du pied gauche. Fin de saison pour Boogie, et immense désillusion à NOLA.

Cette blessure intervient au pire moment possible pour Cousins. En fin de contrat à la fin de la saison, les Pelicans auraient sans aucun doute proposé un contrat max au meilleur poste 5 de la ligue. C’est sans surprise que le front office lui propose beaucoup moins, avec un contrat de 40 millions de dollars sur deux ans, un contrat que le pivot refusera. Boogie se retrouve donc agent libre à l’été 2018, et peut signer où bon lui semble.

La signature de trop

Il faut l’avouer, Bob Myers, le general manager des Warriors, est doué pour sentir les bons coups. Faire venir DeMarcus Cousins pour un peu plus de cinq millions de dollars sur un an, un coup de maître.

En même temps, les Warriors avaient quelques arguments pour attirer Boogie. Une équipe composée de Curry, Thompson, Durant et Green, championne sur les deux dernières saisons. La bague semble assurée pour DMC, qui n’a toujours pas disputé une seule campagne de playoffs en huit saisons passées dans la grande ligue.

Cousins fait son retour sur les parquets le 19 janvier 2019 lors d’une victoire des Warriors face aux Clippers. En 15 minutes de temps de jeu, Boogie score 14 points et attrape 6 rebonds. Une prestation assez encourageante. Cousins continue sa montée en température tout au long de la régulière, qu’il terminera à 16 points et 8 rebonds de moyenne en 25 minutes.

Les Warriors arrivent en playoffs avec le statut de grands favoris. L’équipe de Steve Kerr entame sa campagne face aux Clippers et remporte le game 1 sans difficulté, avec un DMC à 9 points et 9 rebonds. Mais lors du game 2, DeMarcus Cousins se blesse et se déchire le quadriceps gauche.

Pour sa première campagne de playoffs, DeMarcus Cousins va jouer les Finales NBA. Photo : Kyle Terada

L’hécatombe de blessures à Golden State

Malgré cette blessure, DMC fait son retour pour les Finales NBA, qui opposent son équipe aux Raptors d’un Kawhi Leonard au sommet de son art. Les Warriors sont toujours favoris, et semblent imbattables sur sept matchs. Mais les dieux du basket semblent en avoir décidé autrement. Kevin Durant et Klay Thompson, deux des pièces centrales du système de Steve Kerr, se blessent successivement lors du game 5 et du game 6. Orphelins de leurs deux génies, les Warriors sont trop courts, et s’inclinent en six matchs. La désillusion est énorme pour Boogie et sa bande.

Rupture des ligaments croisés : la descente aux enfers

Agent libre à l’été 2019, DeMarcus Cousins s’engage pour un an et 3,5 millions de dollars avec les Lakers. Boogie rejoint donc LeBron James, toujours en quête d’un titre dans la cité des anges, mais surtout son copain Anthony Davis, lui en quête de son premier sacre.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’aventure fût de courte durée. Le 15 août 2019, alors qu’il dispute un pick-up game, Cousins se rompt les ligaments croisés. Pour faire de la place dans l’effectif, les Lakers décident de le couper dans la foulée. Le joueur continue sa dure descente aux enfers.

Comme si le sort ne s’acharnait déjà pas assez sur lui, les Lakers remportent le titre dans la bulle d’Orlando en 2020, sans Boogie. DeMarcus Cousins est maudit, il y a comme un air d’Elgin Baylor en lui …

Refaire sa place dans les raquettes NBA, des tentatives qui ont échoué

Depuis la saison 2020-2021, DeMarcus Cousins essaye tant bien que mal de retrouver une place dans une équipe NBA. Quand on se remémore son talent et sa domination passée, cela fait froid dans le dos. Il signe pour le minimum à l’été 2020, chez des Rockets en pleine reconstruction. L’expérience n’est que peu concluante, DMC est coupé en février 2021.

En avril, il enchaine deux contrats de dix jours avec les Clippers, avant de signer pour la fin de la saison. En 13 minutes de temps de jeu, Boogie score 8 points en bout de banc. Sans contrat à la fin de la saison, il continue sa balade de franchise en franchise et signe chez les Bucks champions en titre fin novembre 2021. La blessure de Brook Lopez laisse présager que Cousins pourrait avoir un rôle important au sein de l’effectif de Milwaukee. Pourtant, l’intérieur est coupé en janvier, alors qu’il se montrait utile dans la rotation des hommes de Mike Budenholzer (9 points et 6 rebonds en 17 minutes).

Dans la foulée DMC signe deux nouveaux contrats de dix jours avec les Nuggets, avant de signer pour le reste de la saison. Ici encore, le natif de l’Alabama obtient des minutes — 14 par match —, score 9 points et attrape 5,5 rebonds. En playoffs avec Denver, ses minutes chutent à 11 par match, mais DeMarcus Cousins montre de belles choses avec le peu qui lui ait accordé : il affiche 10,6 points par match à 65 % au tir.

Avec les Nuggets, Cousins retrouve son ancien coach Mike Malone, qui l’avait coaché à Sacramento de 2013 à 2014.
Crédit : Ron Chenoy-USA TODAY Sports

Comment expliquer que DeMarcus Cousins ne parvienne pas à retrouver un semblant de stabilité dans une équipe compétitive ? Ses nombreuses très graves blessures ont laissé de profondes séquelles dans le jeu de l’intérieur. Sa puissance physique — qui faisait sa force lors de son prime — n’est plus du une arme sur laquelle Cousins peut se reposer. Sa mobilité est désormais trop réduite, ce qui limite considérablement son impact défensif, qui n’était déjà pas son point fort avant. Bien que vétéran en NBA, on ne peut pas dire qu’avoir DeMarcus Cousins dans son vestiaire soit forcément une très bonne chose. Même s’il semble avoir calmé son côté de bad boy, sa réputation passée le dessert sans doute.

Boogie dispose toujours d’une très bonne technique. Toujours très fort sur les hooks près du cercle et dans le jeu dans le périmètre, DMC tourne à plus de 60 % au tir sous le cercle cette saison, et 55 % à deux points en général. Ces très bons pourcentages expliquent pourquoi Cousins score un nombre tout à fait honorable de points dans le peu de temps de jeu qui lui ai accordé : 9 points de moyenne en 15 minutes, soit 0,6 point marqué par minute.


L’épopée de DeMarcus Cousins en NBA n’est pas de tout repos. L’intérieur, qui avait tout pour devenir un grand nom de la ligue, aura été frappé par la malchance tout au long de sa carrière. Son immense talent, gâché par les blessures, et son caractère bien trempé font de lui un joueur tantôt énervant, tantôt attachant. En fin de contrat avec les Nuggets, il ne fait nul doute qu’une franchise trouvera une place à Boogie, qui peut toujours se montrer utile en sortie de banc.

Les Kings poursuivent de leur côté leur reconstruction depuis la séparation avec leur enfant terrible. Bien qu’ayant décroché la neuvième place à l’ouest en 2019, la franchise ne parvient pas à quitter le bas de tableau de sa conférence. Aujourd’hui construite autour de De’Aaron Fox et de Domantas Sabonis, l’équipe affiche de grandes ambitions pour la saison prochaine. La franchise californienne a récemment engagé l’expérimenté Mike Brown — assistant de Steve Kerr aux Warriors — en tant que head coach, mais dispose surtout du quatrième pick lors de la draft 2022.

Cette cuvée, annoncée comme très profonde, est une aubaine pour Sacramento, qui va pouvoir renforcer un peu plus son roster, déjà garni de jeunes joueurs prometteurs. Jadey Ivey, le très athlétique guard et scoreur fou de Perdue est annoncé comme probable pick 4 chez les Kings. Les Kings feront-ils le choix d’associer cet athlète à un meneur déjà scoreur en la personne de Fox ? Rendez-vous le soir de la draft, le 23 juin prochain.

Photo : Michelle Farsi/Getty Image

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