Il n’a fallu qu’une étincelle à Victor Oladipo pour allumer la mèche. Lorsqu’Erik Spoelstra a fait le choix de le faire entrer dans le deuxième quart-temps du Game 4 face aux Hawks, il n’avait disputé que huit rencontres en saison régulière, aucune en Playoffs. Personne ne s’attendait alors à ce que l’arrière prenne une place définitive dans la rotation du Heat.
« Il n’y a pas de rotation à neuf », affirmait le coach de Miami après le match. « C’est une rotation à 15. Des choses arrivent et tout le monde doit se tenir prêt. » Et plus que n’importe qui, Oladipo se tenait prêt à saisir cette occasion. Temps de jeu ou non, ses entraînements et échauffements n’étaient pas ceux d’un joueur cloué au banc, mais bien ceux d’un athlète prêt à relever un défi.
Comme oublié de tous trois ans après sa dernière sélection au All-Star Game, l’ancienne étoile n’avait qu’une hâte : quitter l’ombre du banc pour retrouver la lumière des parquets. C’est chose faite. Depuis ce jour, Oladipo affiche 28,6 minutes de moyenne par rencontre dans une campagne de Playoffs que le Heat compte bien mener à terme.
En janvier 2019, Victor Oladipo entamait une véritable descente aux enfers. Tout juste sélectionnée pour son deuxième match des étoiles, la star des Pacers est tombée de haut lorsqu’elle a dû subir une opération pour une rupture d’un tendon du quadriceps.
À partir de là, un an loin des parquets, des divergences avec Indiana et un transfert infructueux à Houston l’ont doucement fait dériver vers South Beach. Après avoir clairement annoncé qu’il refuserait une extension de contrat aux Pacers ou aux Rockets, Miami a fait office de point de chute.
Contraint de passer par une seconde opération pour espérer retrouver son niveau de jeu, l’étoile déchue a fini par se résigner à signer pour une saison à 2,4 millions de dollars à l’été 2021 — une offre bien moins lucrative que celle qu’il attendait avant de vivre cet enfer. Voilà le contexte chaotique dans lequel le Heat et Victor Oladipo se sont trouvés.
Affaibli physiquement et mentalement par cet épisode, Oladipo s’est peu à peu fait oublier pendant son absence. « J’ai l’impression que les gens ont fait une croix sur moi », confiait-il à The Athletic au mois de mars. « Le monde m’a en quelque sorte oublié. »
Aujourd’hui, force est d’admettre que l’arrière n’est plus tout à fait le même. La star est restée dans le passé, à l’image de la série marquante qui l’a opposé aux Cavaliers de LeBron James en 2018. Mais le Victor Oladipo du présent remplit maintenant un rôle certes plus modeste, mais toujours essentiel, au service du collectif et de la victoire. Ses talents, son expérience et son mental ont fait de lui un vétéran précieux pour Miami.
Dès les premières minutes, sa mission au sein du groupe était parfaitement. Dans un premier temps, le Heat avait besoin d’un défenseur capable de le freiner Bogdan Bogdanović et la second unit d’Atlanta. Accessoirement, en raison de l’absence de Kyle Lowry, un porteur de balle supplémentaire ne pouvait pas faire de mal à cette équipe.
Son premier match de Playoffs avec Miami, remporté de 24 points (110-86), s’est terminé avec un plus-minus de +28. Offensivement, ses 6 points à 3-10 au tir n’ont pas vraiment contribué à ce succès. Mais sa défense de fer, accompagnée de 8 rebonds et 4 passes, est à mettre à l’honneur dans ce Game 4.
Le Heat avait besoin d’un défenseur capable de couvrir plusieurs postes dans un jeu small ball taillé sur mesure pour contrer l’adversaire sur ce match. Les Hawks ont fini par marquer 50 points à 48,6 % au tir et 40,9 % à trois points dans les 25 minutes sans Oladipo. Sur les 23 minutes qu’il a passé sur le terrain, Atlanta s’est cantonné à 36 points à 32,5 % au tir et 30 % à trois points.
À la fin de la saison, sa performance à 40 points face au Magic est apparue à beaucoup comme le présage de son retour. Il lui a cependant fallu attendre cette confrontation fatidique avec les Hawks, car c’est de ce joueur dont le Heat avait besoin. Pas un scoreur, mais un homme de devoir, prêt à accepter n’importe quelle mission défensive.
Sur ses 4 matchs de Playoffs, Oladipo affiche des moyennes de 13,3 points, 5 rebonds et 2,5 passes de moyenne. Ses pourcentages restent approximatifs (42,2 % au tir, 30 % à trois points), il continue de perdre trop de ballons et son niveau est très variable. Pourtant, ses 28,6 minutes par match témoignent de la confiance bien placée de son coach.
« J’admire vraiment Victor », se réjouit Spoelstra, fier d’avoir trouvé un nouveau soldat prêt à embrasser la culture du Heat. « Beaucoup de joueurs auraient fait une croix sur cette saison, c’est plus sûr… en particulier quand on a déjà connu le succès. Il a vraiment travaillé, il a une attitude incroyable. »
Sur ses 115 minutes en postseason, il maintient un plus-minus de +40, preuve de son efficacité. « Nous savions que quelque chose allait arriver, pendant les Playoffs », affirme l’entraîneur.
Dans son dernier match face aux 76ers, Oladipo a montré à tous ce qu’il pouvait apporter au collectif. D’abord, ses 19 points et 6 rebonds à 6-11 au tir, dont 3-4 à trois points, constituent une contribution non négligeable sur le plan offensif. Malgré quelques moments d’égarement et quatre pertes de balle, de très bonnes séquences laissent croire qu’il peut encore élever son niveau de jeu.
Chargé de défendre James Harden, l’arrière s’est montré à la hauteur du défi. Quatre possessions consécutives du barbu, en particulier, ont révélé la force de sa défense. Le bilan de l’ancien MVP sur ces séquences n’est pas bien glorieux : une passe forcée à Paul Reed, un step-back raté à mi-distance, un autre à trois points, puis un lay-up manqué.
Les talents défensifs d’Oladipo compensent parfaitement les lacunes de Tyler Herro qui, lui, peut prendre en charge l’attaque et écarter le jeu. Voilà pourquoi les deux arrières ne jouent que rarement l’un sans l’autre : 7,8 minutes par match, contre 21,4 minutes de temps partagé sur le terrain.
L’efficacité d’Oladipo et sa complémentarité avec le banc du Heat — sans oublier l’émergence de Max Strus — ont d’ailleurs fait sortir Duncan Robinson de la rotation. Au total, le tireur n’a joué qu’une minute face à Philadelphie. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Cet ajustement est un bon présage pour Oladipo, qui peut espérer garder un rôle d’importance même après le retour de Kyle Lowry.
À 29 ans, Oladipo sera agent libre cet été. La saison prochaine, difficile d’imaginer l’arrière toucher le minimum. Mais puisqu’il est arrivé à Miami dans un transfert, la franchise dispose des Bird rights et est en parfaite position pour le conserver. Il est peut-être un peu tôt pour l’affirmer, mais tout à croire que nous assistons à la renaissance de Victor Oladipo, aussi bien sur le plan sportif que contractuel.
Photo de couverture : Michael Reaves/Getty Image