Luka Dončić défie le champ des possibles. De l’Union Olimpija aux Mavericks de Dallas en passant par le Real Madrid, le Slovène tutoie les étoiles. Érigé comme un crédible candidat au titre de MVP, il marque déjà la NBA de son empreinte. À seulement 21 ans.
Nous sommes le 28 février 1999. Soirée alléchante au programme. Denver s’impose face à Memphis grâce aux 46 points de McDyess. Les Spurs — futurs champions — s’inclinent lamentablement contre le Jazz de Stockton & Malone, l’affrontement Allen/Iverson tient ses promesses, tandis que les Knicks perdent de 21 points, pour ne rien changer. L’évènement de la soirée n’a pourtant pas lieu sur les parquets. Personne ne sait qu’il se tient à la Maternité de Ljubljana, capitale de la Slovénie. Personne ne se doute qu’il s’agit de la naissance d’un petit garçon, futur ovni de la balle orange.
Les premiers pas d’un prodige
Fruit de l’union de Saša Dončić (ancien joueur puis entraîneur) et Mirjam Poterbin (ancienne danseuse professionnelle), Luka tombe dès le plus jeune âge dans la marmite du basketball et en boit l’intégralité. À seulement 7 mois, le nouveau-né tient déjà un ballon dans ses mains et fait la fierté de son papa.
S’il s’intéresse d’abord au football, ses gênes de basketteur le rattrapent en primaire où il prend rapidement la mesure de ses qualités dans l’équipe de son école, Mirana Jarca. « À l’école primaire, je me suis toujours entraîné et j’ai toujours joué avec des enfants plus âgés, plus expérimentés que moi », confie Dončić. « La plupart d’entre eux étaient beaucoup plus forts et plus rapides, alors je devais faire preuve d’intelligence ».
Première expérience à l’Olimpija Basketball Club
À l’âge de 8 ans, l’ascension de Luka se dessine lorsqu’il suit son père, en partance des Helios Suns Domžale pour l’Olimpija Basketball Club. Grega Brezovec — coach des jeunes d’Olimpija et connaissance de Saša — invite le fils Dončić à l’entraînement U11, pour lui souhaiter la bienvenue. 16 minutes suffisent à Brezovec pour lancer le gamin avec les U13. Époustouflant contre des joueurs plus âgés, il est directement propulsé au sein du centre de formation de l’Olimpija à la fin de la séance.
Ses cadres, Brezovec, Smolnikar ou Sisko — tous coaches des jeunes du club — s’émerveillent des prouesses de Luka : « Je lui disais de rester chez lui, de jouer avec les autres enfants ou de se reposer. Ses parents m’appelaient le lendemain, me quémandaient de le laisser s’entraîner, car il les suppliait de venir jouer », admire Smolnikar. « Sa passion pour la compétition est incroyable ». Quant à Sisko, il témoigne : « Ce qu’il fait, vous ne pouvez pas l’apprendre. C’est quelque chose qu’il a depuis la naissance. C’est impossible d’apprendre ça à des joueurs. La chose la plus incroyable selon moi c’est sa capacité à changer de personnalité. Il est toujours confiant sur le terrain, il a cette envie viscérale de gagner. Mais quand le match est terminé, c’est un petit gamin génial. Toujours souriant, à rigoler avec les autres ».
Entre soif immensurable de victoire et jovialité imperturbable, Luka s’amuse sur un parquet. À 8, 13 ou 21 ans, il diffuse des ondes positives et génère de l’enthousiasme. Lorsqu’il livre ses partitions, elles s’accompagnent d’un charisme lié à une sérénité stupéfiante : le secret de son succès ?
Éclosion au Real Madrid
Sa précocité ne passe pas inaperçue à Madrid. En 2012, le Lido di Roma Tournament de l’European Youth Basketball League met en lumière son talent. Luka aligne la bagatelle de 54 points en finale et remporte logiquement le trophée MVP du tournoi.
Le Real émet une offre de prêt à l’Olimpija en avril 2012, pour la Copa Del Rey. La première performance de Dončić coupe le souffle des dirigeants espagnols. Luka saisit l’occasion et inscrit 20 points face à Barcelone en finale. Les Merengues se décident : en septembre, alors âgé de 13 ans, Luka signe son premier contrat avec le Real Madrid d’une durée de cinq ans.
Proche de ses congénères, l’aventure espagnole lui donne au début le mal du pays, loin de son entourage et de ses repères. Mais rien n’empêche le prodige d’enchaîner les exploits. Sous la célèbre tunique blanche, il s’impose comme l’un des prospects européens les plus impressionnants de l’histoire. Son parcours junior — avant ses débuts professionnels en avril 2015 — témoigne d’un talent hors du commun, au gré d’innombrables succès et récompenses individuelles.
Palmarès junior de Luka Dončić :
- Lido di Roma Tournament (2012, MVP)
- Copa Del Rey -13 (2012)
- Minicopa Endosa (2013, MVP)
- Liga Endesa -16 (2013, MVP)
- Ciutat de l’Hospitalet -18 (2015, 1st Team All-Tournament)
- International Junior Tournament (2015, MVP)
- Liga Endesa -18 (2015)
Promis à la réussite depuis le plus jeune âge, son palmarès en jeune présage un brillant avenir… qui ne tarde pas à prendre forme.
Le 30 avril 2015, à l’âge de 16 ans, Luka Dončić débute en professionnel avec le Real Madrid contre Unicaja, en Liga ACB. D’emblée, il annonce la couleur en inscrivant un trois points dès son entrée en jeu. Ses quatre années professionnelles au Real Madrid (2014-2018 : 9,2 points, 4,2 rebonds et 3,5 passes en 19 minutes) sont celles de son éclosion aux yeux du monde.
Frêle et peu athlétique, il compense son manque de force par un exceptionnel sens du jeu. Gonfle entre les mains, le phénomène prouvera par la suite qu’il est un système à lui seul. Tempo, lecture des match-up, placement des coéquipiers : rien ne lui échappe. Dans le sillage de ses performances, entre caviars distillés et exploits individuels retentissants, Luka Dončić insuffle une confiance, un certain sang-froid à ses coéquipiers. Tous sont prêts à s’en remettre aveuglément à son talent. Car peu importe les circonstances, il les guide vers la victoire.
Et les victoires, Luka en raffole. À 18 ans, il devient le plus jeune MVP de l’Euroligue et de la Liga ACB, remportant les deux compétitions respectives avec le Real. Couronné de succès, il s’étend à l’international lorsqu’il remporte le championnat d’Europe avec la Slovénie en 2017 et intègre le meilleur 5 de la compétition. Rien d’étonnant pour son compatriote et coéquipier Goran Dragic : « Même très jeune, il avait un super feeling avec le ballon. Comme son père (Dragic et Sasa Dončić ont joué ensemble,NDLR). Il était tout le temps assis sous le panier. À chaque fois qu’on sortait du vestiaire, il était en train de shooter. J’ai toujours cette image en tête » , se rappelle le meneur du Heat, également confiant pour la Draft de son compère et son avenir. « Beaucoup de joueurs perdent le contrôle à cause des médias, de la hype. Je pense que cela n’arrivera pas à Luka ».
S’il a terrassé l’Europe, les États-Unis représentent un monde considérablement différent, parfois plus exigeant. Cette exigence, Dončić la subit avant même de poser un pied sur le continent. La NBA commet l’erreur de l’amalgame européen et néglige les exploits outre-Atlantique du Slovène. Ainsi, deux équipes décident de passer leur tour à la Draft 2018.
Palmarès en Europe :
- Euroligue (2018)
- Liga ACB (2015, 2016, 2018)
- Coupe du roi (2016, 2017)
- Coupe intercontinentale (2015)
- Championnat d’Europe avec la Slovénie (2017)
- Meilleur espoir d’Euroligue (2017, 2018)
- Meilleur cinq d’Euroligue (2018)
- MVP d’Euroligue (2018)
- MVP du Final Four d’Euroligue (2018)
- MVP Liga ACB (2018)
- Meilleur cinq Liga ACB (2018)
- Meilleur espoir Liga ACB (2017, 2018)
- Meilleur cinq espoirs Liga ACB (2016, 2017, 2018)
Après l’Europe, la conquête de la grande ligue
Perçu comme un joueur all-around capable de scorer une quinzaine de points en NBA, certains pro-US refusent de reconnaître le talent générationnel de Luka malgré les avertissements de l’Europe et des spectateurs assidus de basketball. Trois General Managers préfèrent confier leur avenir à un autre prospect, syndrome de Rubio et Bargnani oblige.
Sans hésitation aucune, le GM des Suns Ryan McDonough sélectionne DeAndre Ayton avec le premier choix afin de combler le manque de pivot à Phoenix. Vlade Divac, GM des Kings et titulaire du deuxième choix, tombe amoureux de Marvin Bagley. Enfin, Travis Schlenk, GM Hawks, préfère Trae Young et transfère son troisième choix contre le cinquième de Dallas + un choix de l’année suivante — qui deviendra Cam Reddish —, pour le plus grand bonheur des Mavericks.
Le cadre rêvé
Donnie Nelson jubile : il signe l’un des meilleurs coups de sa carrière. En quête de renouveau, les Mavs se préparent au départ à la retraite de Dirk Nowitzki à l’issue de la saison, après plusieurs années difficiles. Moment parfait pour lancer une reconstruction sous l’égide d’une nouvelle pépite européenne, héritière de la légende allemande. Très vite, Dallas découvre un diamant brut au potentiel infini. Sous la tutelle de Rick Carlisle, le prince Dončić trouve son royaume et tombe dans l’environnement rêvé. Conscient du talent de sa recrue, le coach n’hésite pas une seconde à lui confier les clés et l’animation offensive de la franchise. Seuls quelques matchs suffisent pour que la planète NBA comprenne pourquoi.
Sa saison rookie (21,2 points, 7,8 rebonds, 6 passes) déjoue les pronostics. En plus de rafler d’innombrables records de précocité, il devient un véritable Franchise Player et l’un des visages de la ligue en quelques semaines à peine. Clutch, intrépide, extrêmement complet, Luka Dončić emmène les Mavs à des hauteurs inespérées. À chaque rencontre, son aisance éclabousse la ligue. Il fait preuve d’une formidable lecture des défenses adverses, d’un handle spectaculaire, mais surtout d’un sang-froid tonitruant. Entre atouts physiques (2,01 m pour 104 kg), science du playmaking et du pick & roll ou manipulation des défenses, il démontre sa palette soir après soir. En point d’orgue, ce match à Houston où il plante 11 points d’affilée afin de conclure la rencontre.
Deuxième au vote des fans pour le All-Star Game derrière LeBron James, mais devant James Harden, Stephen Curry et consorts, le prodige attise la hype. Son premier exercice au haut niveau s’apparente à un récital, reconnu et admiré par ses pairs. « Il est incroyable. Il impose son rythme, il est toujours à son propre tempo. Je suis sûr qu’il a entendu tous ceux qui doutaient de lui alors qu’ils ne le connaissaient pas. Il s’est fait connaître maintenant, pour sûr », déclare Stephen Curry, tandis que Gregg Popovich admire le gamin : « Il est calme dans tout. Il comprend les espaces et sait où tout le monde est placé sur le terrain. Il comprend ce qu’il faut faire dans un temps précis. Et il a du courage. Il prend les gros shots et fait ce qui doit être fait pour gagner. », explique-t-il. « Évidemment, il a gagné le respect de ses coéquipiers. C’est fort pour un rookie de le faire aussi vite. Tout cela fait de lui un grand joueur de basket, un jeune homme phénoménal. Il a le package entier ».
Lorsque Donnie Nelson et Mark Cuban entrevoient l’opportunité d’entourer leur joyau d’un intérieur talentueux, lui aussi européen, ils sautent logiquement sur l’occasion. L’arrivée de Kristaps Porzingis illustre l’ambition des Mavs d’épauler Dončić, de construire autour de lui. Le 1er février 2019, le Letton débarque à Dallas avec Tim Hardaway Jr et Courtney Lee en échange de Dennis Smith Jr, DeAndre Jordan, Wes Matthews et deux premiers tours de Draft. Survenu en milieu de saison, le transfert sonne un coup d’arrêt pour l’exercice collectif des Mavs, afin de mieux préparer le suivant. L’acquisition d’un joueur inapte — Kristaps étant blessé pour l’intégralité de la saison — en remplacement de joueurs prépondérants restreint la poursuite d’un quelconque objectif. Les Mavericks affichaient un bilan de 23 victoires pour 28 défaites et ne cessaient de surprendre. Pas de quoi arrêter pour autant Luka, victorieux légitime du Rookie de l’année 2018 (98 votes, contre 2 pour Trae Young).
Si Dončić confirme dès sa première saison sa stature, l’histoire a montré que personne ne gagne seul en NBA. Pour Dallas, l’entourer s’imposait. Mission accomplie avec la venue de Porzingis. Les Mavs s’appuient sur un jeune duo 100 % européen afin de défier la jungle de l’Ouest. La saison rookie de Luka s’achève sur le fantastique flambeau que lui confie Dirk Nowitzki. Au terme de 21 années de bons et loyaux services, l’illustre Allemand prend sa retraite et laisse la franchise texane entre les mains du ROY, paré à porter ce lourd héritage.
Saison sophomore : l’explosion
À l’aube de la saison 2019-2020, le front-office de Dallas réalise une intersaison impeccable. Malgré l’absence de choix de Draft, les Mavs enregistrent les prolongations de Kristaps Porzingis, Dwight Powell, Dorian Finney-Smith et Maxi Kleber en plus des arrivées de Delon Wright, Seth Curry et Boban Marjanovic. Mark Cuban se montre actif et entoure son Franchise Player au mieux afin d’envisager de belles perspectives. Annoncés par la plupart des observateurs dans la course aux playoffsavant le début de saison, difficile pour autant d’imaginer les Mavs réellement compétitifs au sein d’une conférence Ouest impitoyable. Pourtant, Dallas va tirer son épingle du jeu et, progressivement, s’inscrire solidement parmi les surprises de l’année. Si nous savions qu’un brillant avenir leur était promis, rien ni personne n’aurait prédit une telle saison. Mais le génie slovène a frappé.
Portés par Luka Dončić, les Mavs surprennent leur monde, se présentent comme l’une des équipes les plus attrayantes et regardent n’importe quelle franchise dans les yeux. Les hommes de Rick Carlisle marquent l’histoire en devenant la meilleure attaque de tous les temps avec une moyenne de 116,7 points pour 100 possessions, le plus haut Offensive Rating jamais enregistré. Non seulement le Wonder-boy érige son équipe au top, mais il réalise individuellement une saison All-Time, un chef-d’œuvre confirmant l’étiquette « Next Big Thing » qui lui colle à la peau. Naturellement, il enchaîne les masterclass, multiplie les records et écrase les obstacles sur son passage. Domination au scoring, contrôle du rythme, implication des partenaires… À 20 ans, sa ligne statistique affole : 28,8 points, 9,4 rebonds, et 8,8 passes. Titulaire au All-Star Game, Luka est injouable et envoie 17 triple-doubles en un an, entrant d’ores et déjà dans le Top 20 All-Time de la catégorie. Au terme de 61 rencontres de folie, il s’introduit au sein de la All-NBA First Team aux côtés de James Harden, LeBron James, Giannis Antetokounmpo et Anthony Davis. A-t-on déjà vu un joueur si jeune et si fort ?
À l’image de LeBron, Magic ou Bird, Dončić suscite la passion des amoureux de balle orange. La nouvelle sensation dégage une impression de facilité déconcertante, un sentiment de contrôle, de lucidité tout bonnement ahurissant. Lorsqu’il décide, rien ne l’empêche de mener à bien son action, tant son talent dépasse l’entendement. Rares sont les joueurs capables de montrer une telle maîtrise sur le jeu de la 1ère à la 48e minute sur l’ensemble d’une saison.
S’il a explosé les attentes placées en lui lors de son deuxième exercice, les exploits de Luka ne résonneront de plein fouet qu’en playoffs. Rien ne sert de dominer si les performances au niveau supérieur ne suivent pas. Septièmes à l’issue de la régulière (43 victoires pour 32 défaites), les Mavs décrochent le gros lot et tombent sur l’ogre Clippers au premier tour. Luka Dončić fait face à l’un des challenges les plus terribles pour son entrée au plus haut niveau : les défenses acérées de Kawhi Leonard et Paul George, accompagnées du défi physique et mental imposé par Beverley et Morris.
La couleur est annoncée d’emblée : 10-0 pour les Clippers et 4 pertes de balles pour Luka dès les premières secondes du Game 1. 3 minutes plus tard, The Klaw et PG portent le score à 18-2. C’est à ce moment que le Slovène prend les choses en main. 5 minutes lui auront suffi pour activer le mode playoffs. Bien aidé par Porzingis, Luka mène la réaction et Dallas envoie un run de 20-4 pour revenir à égalité. La bataille fait rage et l’exclusion de Kristaps pénalise considérablement les Texans, s’inclinant finalement 122-110 au terme d’un véritable combat. Les stats de Dončić ? 42 points à 13/21 au tir dont 14/15 aux lancers, 7 rebonds, 9 passes et 3 interceptions en 38 minutes. Si l’armada de Los Angeles s’adjuge le premier match, Luka parvient à déjouer leur plan défensif et la série promet une âpre confrontation.
Revanchard, il confirme lors du Game 2 que Dallas ne vient pas faire de la figuration. Si l’imperturbable Leonard élève lui aussi son niveau de jeu (35 points et 10 rebonds à 10/21 au tir), Dončić tient la dragée haute et répond de la plus belle des manières (28 points, 8 rebonds, 7 passes à 8/17 au tir dont 4/7 à 3pts) en menant les siens vers la victoire (127-114).
À 1 partout, les deux équipes se défient pour un troisième match crucial. Cette fois, Dončić tombe dans les mailles du filet et peine à imposer son jeu (tout de même en 13 points, 10 rebonds et 10 passes). Les Mavs abdiquent 130-122 face à un Leonard des grands soirs. Mis en échec, désormais esseulé après la blessure de Porzingis — absent pour le reste de la série — le Slovène vit un véritable calvaire. Mais pour rester en vie, Dallas n’a pas d’autre choix que de gagner.
Dans l’adversité, lorsque la tension atteint son paroxysme, seuls les plus grands subsistent. En gigantesque patron, Dončić confirme et guide son équipe au sommet lors du Game 4. Cette rencontre illustre son bagage technique, sa lucidité et ses capacités physiques : Luka saisit chaque opportunité offerte par l’adversaire, délivre les bonnes passes au bon moment et montre une confiance inébranlable, au point de rendre une prestation collective et individuelle légendaire. 43 points à 18/31 au tir, 17 rebonds et 13 passes dont un tir exceptionnel au buzzer pour décrocher la victoire en prolongation. C’est officiel : le Slovène met la NBA à ses pieds.
Après le séisme provoqué par son tir stratosphérique, Luka ne parvient pas à empêcher les siens de sombrer, malgré deux prestations de grande classe (22/8/4 puis 38/9/9). Trop esseulé, il sort la tête haute au terme d’une campagne époustouflante (31 points, 9,8 rebonds et 8,7 passes de moyenne). Mais la victoire est ailleurs : le monde entier reconnaît son talent génial après un match lunaire qui restera dans les mémoires. « C’est un grand joueur. Il bataille chaque minute où il est sur le terrain, il n’abandonne jamais » , explique Kawhi à l’issue du Game 6. « Il guide son équipe dans chaque match. Il a été incroyable dans cette série ».
Saison 3 : l’avènement ?
Alors, jusqu’où ira le phénomène ? Peut-il porter Dallas encore plus haut ? Le potentiel individuel semble infini et rien n’indique que la magie Luka soit éphémère. Une seule apparition en playoffs lui aura suffi pour estomaquer la NBA entière. Malgré une sortie logique face à un adversaire coriace, le Slovène a marqué les esprits. La déception de l’élimination est immense, mais il peut se tourner sereinement vers l’avenir, doux rêves plein la tête après une telle performance. Rêves en passe de se réaliser s’il continue d’exploser les records de précocité.
Grandi par son expérience face aux Clippers, Dončić doit poursuivre son ascension en 2021 et faire des Mavs une place forte de l’Ouest dans les années à venir. Avec deux saisons à son actif, il a prouvé qu’il sera un étendard de la ligue pour de nombreuses années. Déjà en course pour le MVP l’année dernière, nul doute de sa présence dans la course au titre individuel le plus prestigieux cette année. Mais outre ses prestations et statistiques faramineuses, le Franchise Player des Mavs se doit d’ajuster plusieurs facettes de son jeu afin d’évoluer. À commencer par ses lacunes défensives encore trop alarmantes.
L’intersaison des Mavs suit ce sens : les acquisitions de Josh Richardson et James Johnson semblent parfaitement dans la veine des besoins texans. Les deux anciens du Heat comblent des failles de Luka évidentes, qui se reflètent sur l’équipe — les Mavs détenaient le 18e rating défensif l’année dernière. Ils représentent deux atouts de poids dans un collectif fonctionnant pour l’attaque avant tout. Leurs capacités à switcher sur différents postes soulageront considérablement Dallas.
La remise en question de Luka est également essentielle. Sa confiance sans limites s’ajoute à ses qualités, mais il doit faire preuve de discernement et réfléchir à ses choix de shoot, notamment en fin de match. Bien qu’aucun tir ne soit réellement mauvais à partir du moment où Dončić le prend, sa sélection dans le clutchtime parait parfois forcée, il le reconnaît lui-même : « J’aurais dû attaquer le panier, c’est sûr », explique-t-il après la défaite des siens 106-102 face aux Suns lors du premier match de la saison.« Je dois arrêter de prendre ces très mauvais tirs. Je ne parle pas que du dernier, il y en a eu plusieurs. Ce n’est pas bon pour moi, ce n’est pas bon pour l’équipe. Je dois changer cette habitude ».
D’autant qu’on sait le Wonder Boy capable de trancher bien plus qu’en ce début d’exercice. Son répertoire technique, son art de nuancer les attaques et sa subtilité offensive semblent moins éloquents que l’an passé, la faute d’abord à une condition physique en déclin. La saison dernière, on a vu à de nombreuses reprises Luka sanctionner à l’aide d’une bonne accélération ou d’une excellente verticalité vers le panier, sans être explosif pour autant. Sa vitesse de premier pas lui permettait de faire la différence et de punir les changements. Et lorsque son agilité ne suffisait pas, Doncic utilisait sa capacité de décélération, ses changements de direction et d’appuis d’élite, ses atouts physiques considérables et son toucher afin de rentrer des tirs compliqués, même lorsqu’il ne parvenait pas à créer une réelle séparation avec le défenseur. Aujourd’hui, même s’il devient plus mature physiquement, il semble en léger surpoids et davantage pataud. Le jeune homme doit retrouver un semblant de condition afin de dominer sans commune mesure.
Si son éthique de travail physique est primordiale, sa capacité à retrouver sa meilleure arme — accessoirement la raison pour laquelle la plupart des observateurs le considéraient comme le meilleur prospect de sa Draft et aujourd’hui comme une superstar candidate au titre de MVP —, le pull-up 3, est tout autant vitale. Ce tir constitue l’arme atomique de sa palette. En effet, il oblige la défense à sortir de sa zone de confort et réaliser les efforts nécessaires pour empêcher le Slovène de marquer, à l’aide de prise à deux ou d’une défense agressive, ce qui concède des espaces ou une match-up favorable que Luka identifie immédiatement.
S’il ne shoote qu’à 19,5 % à longue distance après six matchs cette saison, et 31,7 % en carrière, remettre en perspective ces pourcentages s’avère important. La quasi-totalité de ses tirs derrière l’arc intervient en sortie de dribble. Dončić ne prend aucun catch and shoot et aucun tir facile qui booste les pourcentages. Pour ces tirs en step-back ou après un crossover, un pourcentage de réussite de 32 % en carrière est tout à fait honorable. Cette année, le meneur plane à 20 %, témoignage d’une adresse déplorable. Retrouver de la qualité dans ce secteur de jeu est primordial pour Luka, car dans l’absolu, un pull up 3 de Luka représente un bon tir pour Dallas, quand bien même les pourcentages bruts suggèrent le contraire. Ses 32 % de réussite ne sont pas équivalents au 32 % d’un pur shooter, de la même manière que le 36 % de réussite de James Harden derrière l’arc vaut plus que celui d’Aaron Baynes la saison dernière.
Enfin, le dernier point à améliorer concerne les lancers francs. Dončić sait magnifiquement provoquer des fautes adverses. Sur les tirs qu’il tente, il obtient d’aller sur la ligne des lancers francs plus de 15 % du temps. Maître pour repérer les erreurs défensives, Luka en tire profit de manière impressionnante et se rend sur la ligne des lancers plus de 9 fois par match. Pourtant, son % de réussite frôle à peine les 80 % (71,3 % sur sa saison rookie, 76 % l’an dernier, 80 % cette année). S’il veut passer encore une étape, le Slovène doit devenir clinique une fois la faute commise contre lui. Compte tenu de l’évolution de son taux de réussite, il semble en avoir conscience.
Pour autant, malgré une évolution conséquente dans les secteurs que Luka doit travailler, peut-il faire des Mavs un véritable contender ? À première vue, difficile de répondre par l’affirmative tant leurs adversaires disposent de véritables armadas. À l’heure actuelle, Dallas affiche un bilan de 3 victoires pour 4 défaites et, malgré une véritable humiliation infligée aux Clippers, rien n’indique que les Texans puissent espérer mieux que la saison passée. Mais sait-on jamais : l’année dernière, ce que touchait Luka se transformait en or. Avec une meilleure défense et autant de possibilités offensives, les Mavs ont leur carte à jouer.
Luka Dončić compte déjà parmi les joueurs phares de cette ligue, capable de bousculer les classements all-Time si l’on se mouille un peu. Son évolution entre sa saison rookie et sophomore place le plafond à des hauteurs inimaginable. La seule réelle interrogation qui plane est la suivante : jusqu’où est-il capable de porter son équipe, sa légende ? Bienvenue dans le monde de Luka Dončić, celui où les limites n’existent pas, où l’exceptionnel semble banal. Accrochez-vous bien pour une Odyssée déjà légendaire.
Photo de couverture : Abbie Parr/Getty Images