Et maintenant quoi ? Les 76ers doivent changer pour gagner

par Benjamin Moubeche

« Trust the process », disaient-ils. Sous Sam Hinkie, les fans de Philadelphie ont appris à croire au processus : perdre maintenant pour gagner à l’avenir. Sous Elton Brand, General Manager depuis 2018, ils ont appris à croire en leur équipe et en leurs chances de l’emporter.

Les 76ers entamaient la saison avec un but précis et ambitieux, celui du titre. Une dizaine de mois plus tard, cette équipe a dû accepter — non sans peine — de revoir ses objectifs à la baisse. « Je ne veux pas me faire sweeper », déclarait Joel Embiid vendredi soir, après une troisième défaite face à Boston. Mais Philadelphie n’a pas même été à la hauteur de ces attentes au rabais.

La saison dernière, une défaite en sept matchs face aux futurs champions — ponctuée par un tir improbable — avait déjà un goût amer pour ce collectif. Balayés par les Celtics (4-0) au premier tour des Playoffs dimanche, les Sixers font face à une immense déception, incomparable.

Après 344 défaites en saison régulière et plusieurs lottery picks, Philadelphie n’a passé que deux fois le premier tour des Playoffs sans jamais atteindre les Finales de Conférence. Cette fois-ci, le vase est trop plein pour contenir les larmes de Joel Embiid. Quelque chose doit changer.

Un échec total

Pour prendre conscience de l’ampleur du problème, un retour en arrière s’impose.

À la veille de la trade deadline, Philadelphie envoie une poignée de joueurs, deux futurs premiers tours et deux futurs seconds tours de Draft aux Clippers pour récupérer Tobias Harris. Peu de temps après le transfert de Jimmy Butler, cette opération marque la fin de l’ère de Sam Hinkie. En quelques mois, Elton Brand dilapide tout son héritage pour gagner, mais pas n’importe quand : maintenant.

Un tir de Kawhi Leonard plus tard, les Raptors avancent vers les Finales et reportent le projet des 76ersà l’année suivante. Complication supplémentaire : Jimmy Butler choisit d’emmener ses talents à South Beach. Le Front Office fait alors trois choix décisifs pour l’avenir de la franchise.

D’abord, à l’ouverture de la Free Agency, Tobias Harris se voit offrir un contrat de cinq ans pour 180 millions de dollars. Peu de temps après, Philadelphie accepte d’envoyer Butler au Heat dans un sign-and-trade en échange de Josh Richardson. Enfin, Al Horford pose ses valises en Pennsylvanie pour quatre ans et 109 millions.

Avec un effectif Old School, particulièrement grand, Philadelphie a pour intention de profiter de son avantage physique pour s’imposer parmi les meilleures défenses de la ligue. « Je pense que ce groupe si cela prend forme — et ça prendra forme — est capable d’apporter un titre à Philly », déclare alors le propriétaire de la franchise, Josh Harris.

À la fin de la saison, l’équipe se classe en huitième position en termes de Defensive Rating — quatre places derrière les Celtics et leur cinq small ball. Plus décevant encore, elle régresse. Elle passe de la troisième place de l’Est (62,2 % de victoires) à la sixième (58,9 % de victoires).

En Playoffs, les Sixers ne prennent pas la moindre victoire et subissent leur premier sweep depuis 1989. « Nous n’avons jamais pu trouver de rythme cette année. C’est décevant. », explique Embiid. Avec 30 points et 16 rebonds par match sur la série, le pivot peut difficile être pointé du doigt — sans pour autant approcher la perfection, avec 3,8 ballons perdus et 21,3 % à trois points de moyenne.

Si l’absence de Ben Simmons — récemment opéré du genou — fait office de circonstances atténuantes, les Sixers ne peuvent plus se cacher derrière des excuses. Sur le banc des accusés : Harris et sa maladresse. À 39,2 % au tir sur la série — 2/15 à trois points — l’ailier est dépassé par le duo dynamique de Boston. Richardson, à 35,2 % au tir, ne fait pas meilleure figure. Horford, lui, est loin de ses standards en Playoffs. Il compile 7 points, 7,3 rebonds et 2,3 passes par match, sans marquer le moindre tir à trois points.

Tobias Harris (Philadelphia 76ers), de retour sur le terrain malgré une chute inquiétante lors du Game 4 face aux Boston Celtics. (Photo: Kim Klement / Getty Images)
Tobias Harris, de retour sur le terrain malgré une chute inquiétante lors du Game 4. (Photo: Kim Klement / Getty Images)

Avec un pourcentage global de 25,7 % à trois points — sur 29 tentatives par match — les 76ers souffrent de leur manque de shooters. Les départs de JJ Redick et Jimmy Butler les ont privés de leurs deux meilleurs tireurs. Sans titulaire fiable et constant derrière l’arc cette saison, le groupe pouvait compter sur les drives de Ben Simmons pour attirer les défenseurs et offrir des tirs ouverts à ses coéquipiers. Mais sans son meneur, le collectif n’a tout simplement pas les armes pour échapper à un sweep. La sentence tombe : 4-0. Saison terminée.

Elton Brand s’est montré joueur, mais ses paris ont échoué — au moins ces deux dernières années. Leur élimination face aux Raptors avait déjà soulevé de nombreuses questions : Embiid et Simmons peuvent-ils réellement jouer ensemble ? Brett Brown est-il vraiment capable d’amener Philadelphie au titre ? Elton Brand est-il qualifié pour diriger le Front Office des 76ers ? Face à cette défaite totale, ces interrogations se font de plus en plus fortes et pressantes.

L’inévitable départ de Brett Brown

L’extension de Brett Brown l’emmène à l’heure actuelle jusqu’en 2022, pour deux autres saisons. Dans le contexte actuel, peu de coaches sont encore sur le marché et la NBA fait face à situation économiquement instable. Les équipes seraient ainsi plus enclines à préserver leurs coaches jusqu’à la fin de leur contrat pour éviter d’engendrer des frais supplémentaires. Mais les récents exemples de Jim Boylen à Chicago et Alvin Gentry à La Nouvelle-Orléans montrent que la direction d’une franchise ne recule devant rien en situation de crise.

Déjà l’année dernière, Brett Brown était sur un siège éjectable. Si les Sixers doivent faire le ménage, ils pourraient bien commencer par leur coach. D’après Shams Charania, de The Athletic, le licenciement de Brown ne serait qu’une question de temps.

L’entraîneur pâtit d’un manque de confiance de la part de ses joueurs, notamment à cause de son incapacité à responsabiliser ces derniers et à définir leurs rôles. Son cruel manque d’adaptation face à Boston pourrait bien lui coûter ce qui lui restait de crédibilité dans le vestiaire de Philadelphie.

Jan 18, 2020; New York, New York, USA; Philadelphia 76ers head coach Brett Brown directs his team against the New York Knicks during the first half at Madison Square Garden. Mandatory Credit:  Adam Hunger-USA TODAY Sports
Brett Brown, coach des 76ers. (Photo : Adam Hunger/USA Today)

Lorsque les plans d’une équipe sont contrariés, le coach est souvent l’une des premières pièces à tomber. Avec un effectif encore jeune et talentueux, Brown est une cible facile et évidente.

Pour le remplacer, Philadelphie pourrait se pencher sur le cas de Tyronn Lue, actuellement assistant coach des Clippers. Champion NBA avec les Cavaliers en 2016, Lue a l’expérience dont les Sixers ont besoin pour atteindre leurs objectifs.

Ime Udoka, assistant coach de Philadelphie depuis 2019, ferait également un excellent candidat. Fréquemment mentionné lorsqu’un poste de head coach se libère, Udoka fait déjà partie de l’organisation et peut se vanter d’avoir assisté Popovich pendant sept saisons aux Spurs — avec un titre à la clé en 2014. Trois arguments qui pourraient lui valoir une augmentation.

Jay Wright, coach de Villanova en NCAA, et Dave Joerger, ancien coach des Grizzlies et des Kings, seraient également de sérieux candidats pour le poste.

Le problème Elton Brand

« J’ai juste le sentiment qu’il y a deux ans lorsque nous avons fait les Playoffs pour la première fois, nous avons une poignée de super gars que nous avions drafté ou alors qui avaient été formés à Philly, et nous avions surtout des gars qui étaient dans une excellente situation. Et puis nous avons décidé de transférer beaucoup d’entre eux avec des choix de draft pour Jimmy (Butler) et Tobias (Harris), et nous avons récupéré d’excellents joueurs en retour. Mais cela n’a pas fonctionné », constate Joel Embiid après avoir été éliminé par Boston. Ces trois résument sommairement le travail d’Elton Brand.

Lorsque les 76ers se sont mis en quête d’un nouveau General Manager, leurs cibles principales étaient Daryl Morey, Bob Myers, Dennis Lindsey et Sam Presti — quatre hommes d’expérience qui avaient déjà montré de quoi ils étaient capables. Mais après un an en tant que consultant pour le développement des joueurs, puis un an en tant que GM en G League, c’est bien Elton Brand qui s’est vu offrir le poste. Sa longue carrière en NBA, ponctuée par deux sélections au All-Star Game, était à l’époque un argument suffisant pour Philadelphie.

Pour récupérer Jimmy Butler, Brand a dû sacrifier Robert Covington — un ailier spécialiste de la défense, capable d’espacer le jeu —, Jerryd Bayless, un second tour de Draft et Dario Šarić — un poste 4 capable de scorer derrière l’arc. Une campagne de Playoffs plus tard, Butler faisait ses valises et laissait un grand vide dans l’effectif de Philadelphie. Le départ de J.J. Redick ne pouvait qu’aggraver les choses ; les Sixers, qui manquaient déjà de puissance derrière la ligne à trois points, ont alors perdu leurs deux meilleurs tireurs.

Pour les remplacer, Brand a trouvé Josh Richardson et Al Horford. Richardson, un solide two-way player, n’avait pas le talent pour remplacer ces deux joueurs. Horford, un excellent pivot à Boston et Atlanta, n’était tout simplement pas le joueur dont Philadelphie et Joel Embiid avaient besoin.

Les meilleures acquisitions de Philadelphie cet été étaient probablement celles d’Alec Burks et Glenn Robinson III. Mais laisser partir James Ennis et Trey Burke pour les accueillir était une grossière erreur. Alors qu’Ennis (21,7 minutes par match) et Burke (22,8) jouent encore les Playoffs à l’heure actuelle, Kyle O’Quinn et Norvel Pelle sont rentrés chez eux avec un total de sept minutes, à eux deux, sur l’ensemble de la série face à Boston.

Sur le plan financier, le General Manager a offert de gros contrats à Harris et Horford, tout en proposant une belle extension à Ben Simmons. Si le salaire du meneur semble bel et bien justifié, ceux de Harris et Horford ont eu l’air démesurés le temps de ce premier tour de Playoffs. Déjà à la signature de leurs contrats, peu d’observateurs les imaginaient à la hauteur de tels montants malgré des compétences indéniables.

Avec une franchise dans le rouge sur le bilan comptable et sur le plan sportif, de nombreuses erreurs viennent noircir le curriculum vitae d’Elton Brand — en seulement deux saisons. Brand est-il capable de trouver une solution aux problèmes de Philadelphie ? Ou est-il le problème ? La direction de la franchise devra trouver une réponse rapidement, afin de se préparer au mieux à la saison suivante.

Même si Brand reste un GM respecté et que les 76ers seront certainement enclins à lui laisser une chance de plus, le dossier Sixers pourrait intéresser de nombreux exécutifs. Mark Hughes (assistant GM des Clippers), Jeff Peterson (assistant GM des Nets) ou encore Mike Zarren (vice-président des opérations basket des Celtics) sont trois sérieux candidats en cas de licenciement de Brand.

Un « Big Four » remis en doute

Sans changement drastique, l’effectif des Sixers sera le deuxième plus coûteux de la saison 2020-21 — juste derrière les Warriors — avec 148 millions de dollars en salaires, 16 millions au-dessus du seuil de la luxury tax. Simmons, Embiid, Harris et Horford représentent 80,4 % de ce total. Les salaires des 76ers, en millions de dollars :

Joueur2020-212021-222022-23
Tobias Harris$34.4$36.0$37.6
Joel Embiid$29.6$31.6$33.6
Ben Simmons$27.3$29.5$31.7
Al Horford$27.5$27.0$26.5

Pourtant, les résultats de l’équipe ont montré cette année que ces quatre joueurs étaient tout simplement incompatibles. Pour autant, Philadelphie aura beaucoup de mal à déconstruire son « Big Four ».

L’importance de Joel Embiid face à Boston et la régression de l’équipe causée par la blessure de Ben Simmons pousseront certainement les Sixers à conserver leurs deux piliers. Jeunes et talentueux, il s’agit de deux pièces extrêmement difficiles à échanger contre une contrepartie raisonnable. La franchise peut encore se donner le temps de savoir si ces deux joueurs peuvent réellement jouer ensemble dans une équipe qui vise le titre.

Ben Simmons et Joel Embiid, les deux piliers de Philadelphie. (Photo:  Jesse D. Garrabrant / NBAE via Getty Images)
Ben Simmons et Joel Embiid, les deux piliers de Philadelphie. (Photo: Jesse D. Garrabrant / NBAE via Getty Images)

De son côté, Tobias Harris occupe un rôle essentiel dans l’équipe. Son profil d’ailier/ailier fort polyvalent est très rare en NBA, ce qui justifie partiellement son salaire. Le problème principal de Philadelphie cette saison n’est pas là : il s’agit de leur raquette, trop étroite pour accueillir à la fois Al Horford et Joel Embiid.

Bien évidemment, le Front Office préférerait certainement conserver son potentiel meilleur joueur en la personne de Joel Embiid plutôt qu’Al Horford — un intérieur de 34 ans qui n’a pas réussi à s’adapter au jeu des 76ers. Transférer l’ancien pivot des Celtics pourrait être une solution, ou en tout cas un début. Nous avons imaginé deux transferts pour Horford.

Premier scénario :

  • Philadelphie récupère Harrison Barnes et Nemanja Bjelica.
  • Sacramento reçoit Al Horford, Zhaire Smith, le premier tour de Draft 2020 d’Oklahoma City (21) et un second tour 2020 (49).

Dans ce cas de figure, les Sixers ajouteraient deux joueurs fiables derrière l’arc à leur effectif. Barnes (14,7 points à 38,3 % à trois points en moyenne) a le profil de 3-and-D que Philadelphie recherchait en Jimmy Butler — toute proportion gardée. Bjelica, un stretch four de 32 ans à11,5 points et 42,4 % à trois points par match, représenterait une belle valeur ajoutée pour ce collectif.

Pour les Kings, ce trade serait l’occasion d’accueillir un pivot expérimenté dans leurs rangs pour jouer avec Fox, Hield et éventuellement Bogdanovic pour tenter de passer un cap. Smith (21 ans) et les deux tours de Draft de Philadelphie leur permettraient également de développer leur noyau jeune.

Si Sacramento montre de l’intérêt pour Horford, ce transfert pourrait être particulièrement bénéfique aux deux franchises.

Al Horford face à son ancien coéquipier, Jaylen Brown. (Ashley Landis / Pool via USA Today)
Al Horford face à son ancien coéquipier, Jaylen Brown. (Ashley Landis / Pool via USA Today)

Second scénario :

  • Philadelphie récupère Jrue Holiday.
  • New Orleans reçoit Al Horford, Zhaire Smith, le premier tour de Draft 2020 d’Oklahoma City (21) et un second tour 2020 (49).

En retrouvant Holiday — drafté par les Sixers en 2009 —, Philly pourrait renverser la vapeur et revenir en bien meilleure forme la saison prochaine, offensivement et défensivement. Un cinq majeur composé de Simmons, Holiday, Richardson, Harris, et Embiid semble plus que fonctionnel sur le papier.

Les arguments qui pourraient séduire les Kings sont les mêmes que pour les Pelicans. New Orleans a toujours affiché l’intention de conserver Holiday, mais avec de nombreux jeunes joueurs, de nouvelles ambitions et un changement de coach en cours, les plans de la franchise sont encore imprévisibles.

Une marge de manœuvre dangereusement limitée

Les 76ers disposent de quelques ressources pour améliorer leur effectif sans sacrifice, mais non sans effort :

  • Un premier tour de Draft (21)
  • Quatre seconds tours de Draft (34, 36, 49, 59)
  • 5,7 millions de dollars de midlevel et de minimum exception

Comme l’année dernière, Philadelphie profitera certainement de son panel de picks de Draft pour mener des transferts. Certains partiront probablement en échange de cash pour amortir leurs dépenses en luxury tax. D’autres serviront peut-être à reporter la sélection, comme contrepartie pour récupérer de futurs choix. Enfin, les 76ers pourraient également tenter de monter dans la Draft — à l’image de ce qu’ils ont fait pour obtenir Matisse Thybulle la saison passée.

Une partie des 5,7 millions d’exceptions devrait justement leur permettre de signer les joueurs sélectionnés. Utiliser cette exception pour signer un joueur pourrait leur coûter très cher en taxes, jusqu’à 54 millions de dollars — le 3e plus haut total de l’histoire. Le contrat non garanti de Furkan Korkmaz (1,7 million en 2020-21) pourrait faire les frais de ces dépenses excessives.

Jason Richardson est éligible à une extension de quatre ans pour 58,4 millions de dollars. Les Sixers seront contraints d’offrir cette prolongation à leur arrière, sans quoi il deviendra certainement agent libre en 2021 au lieu d’accepter sa player option. Embiid, lui, sera éligible au supermax s’il est sélectionné dans une All-NBA Team cette saison. Cette extension, qu’il ne pourra pas signer avant l’intersaison 2021, doit tout de même attirer l’attention du Front Office.

Sans transfert, l’effectif de Philadelphie est donc proche du blocage total. Les deux solutions les plus faciles pour les Sixers consistent pour le moment en un changement de coach et de General Manager. Évidemment, un échange est également envisageable, mais aussi beaucoup plus difficile à concrétiser. Quoi qu’il en soit, les prochains mois devraient être particulièrement mouvementés pour Philadelphie.

Photo de couverture : Sarah Stier/Getty Images

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