Après neuf journées d’Euroleague, l’ASVEL est actuellement la dernière équipe au classement avec un bilan de 1 victoire pour 6 défaites. Nombre d’observateurs affirment que cet effectif pourrait être le plus talentueux, profond et expérimenté que la première division française ait connu. Pourtant, aussi bien en championnat national qu’en Euroleague, le club semble loin de ces prévisions.
Une attaque insuffisante et une défense irrégulière
Quand on assiste à un match de l’ASVEL, ce qui saute aux yeux c’est l’inefficacité du jeu offensif proposé. Dans les tactiques développées par T.J. Parker et son staff technique, l’attaque se concentre sur deux points : le pick and roll et le post-up.
Le pick and roll en tête de raquette occupe une place prépondérante dans le playbook — terme désignant l’ensemble des systèmes et fond de jeu de l’équipe — de T.J. Parker. En match, Norris Cole, Antoine Diot et Paul Lacombe initient ces pick and rolls. Le souci se situe dans la gestion de la balle après que le porteur ait pris l’écran. Celui-ci ne trouve que trop rarement un joueur en position de faire mal à l’adversaire. La plupart du temps, cela aboutit à une passe latérale sans grand danger pour l’équipe adverse, alors qu’une passe rapide dans le cœur du jeu permettrait d’imprimer un rythme soutenu et de déstabiliser.
Malgré les 2,35 m d’envergure de Moustapha Fall, l’ASVEL n’exploite pas suffisamment les mismatchs. Après un pick, l’intérieur français se retrouve à de nombreuses reprises défendu par un joueur plus petit. Une fois servi sous le cercle, ses adversaires font faute le plus promptement possible afin de ne pas encaisser de panier facile. Le pivot de l’équipe rhodanienne inscrit ainsi la majeure partie de ses points aux lancers, posant donc un problème d’efficience sur la construction des attaques françaises. Le coaching staff de Villeurbanne doit réussir à conjuguer la domination physique de l’ancien poitevin et son manque d’adresse sur la ligne (57,6 %).
« On ne peut pas que le trouver sur des systèmes, il faut aussi qu’on le retrouve sur autre chose », déclare T.J. Parker, le coach villeurbannais. « Les défenses vont s’adapter et on le retrouvera après des situations de pick and roll. »
Moustapha Fall subit beaucoup trop de fautes et ne parvient pas à finir seul sous l’arceau, car la défense adverse laisse libres les shooters à trois points de l’équipe. En cause : leur manque d’efficacité à cette distance. Avec un taux de réussite à trois points de 31,6 %, l’ASVEL se place dans les bas fond de la ligue. Les Français convertissent 30 % de leurs tirs ouverts alors que l’escouade est numéro 1 en nombre de tentatives dans cette catégorie. Allerik Freeman incarne ce désastre. L’arrière américain affiche des moyennes de 5,6 points à 28,6 % à trois points et 43,8 % à deux points, en 20 minutes de jeu. Sur les six matchs auxquels il a participé, il compte autant d’évaluations négatives que positives. Une illustration de son impact très limité sur les résultats du collectif.
Les rhodaniens développent trop rarement de contre-attaques. Lorsque l’adversaire perd le contrôle du ballon, les hommes de T.J. Parker ne parviennent pas à trouver de panier rapide. Leurs offensives se déroulent en majorité en jeu placé, et cela reste évidemment moins efficace qu’une attaque rapide. Ce manque d’intensité et de rythme ne permet pas d’éreinter l’équipe rivale, comme l’ASVEL devrait le faire. À ce niveau de compétition, chaque décision et chaque action a son importance. Si un membre du collectif ne réalise pas les efforts nécessaires, alors c’est tout l’ensemble qui en pâtit.
En défense, les joueurs sont globalement en place, mais tout de même très inconstants. Le meilleur exemple de ce phénomène est le match contre l’Étoile Rouge de Belgrade, dans lequel ils encaissent 89 points en 40 minutes, beaucoup trop pour espérer l’emporter. Les Villeurbannais switch sur quasiment tous les écrans. Les équipes adverses exploitent donc les mismatchs créés par ces changements. Sur les sept rencontres, peu de séquences de zones ont été mises en place pour déstabiliser les attaques adverses. Par exemple, lors du match opposant l’ASVEL au Zénith, Kévin Pangos, le meneur slovène de Saint-Pétersbourg, est parvenu à trouver son pivot, Arturas Gudaitis, défendu par Antoine Diot. Cette séquence s’est reproduite à plusieurs reprises. Diot ne peut pas lutter bien longtemps face à ce pivot de 2,08 m. Jamais ils n’ont su le gêner en faisant une prise à deux, entre autres possibilités.
Fall et Kahudi comme maigres consolations
Malgré ces déceptions, certains aspects sont positifs. Ils permettent d’imaginer l’équipe remonter la pente. Moustapha Fall représente une première satisfaction. L’international français est le joueur le plus impactant du collectif avec une évaluation à 22,9. Il se place en deuxième position du classement en termes d’évaluations, derrière Nikola Mirotić. En 25 minutes de jeu, le pivot français impose sa taille au rebond avec 6,9 prises — la meilleure moyenne de la ligue. Grâce à ses longs segments, il constitue un moyen de dissuasion efficace pour les attaquants adverses avec un contre par match. Pour résumer, Moustapha Fall exécute parfaitement son rôle de pivot défensif, il est le maitre de sa raquette.
Charles Kahudi réalise une bonne première partie de saison. Le capitaine est sans doute le joueur le plus régulier et le plus influent de l’ASVEL. Le poste 3 français se charge toujours des grandes missions en défendant avec panache sur le meilleur joueur adverse. De l’autre côté du terrain, l’ailier de 34 ans marque en moyenne 9,9 points. Il fait également partie du club des 50/40/90, avec 54,5 % à deux points, 40,7 % à trois points et 92,3 % aux lancers francs, preuve supplémentaire de sa régularité.
Kevarrius Hayes, arrivé cet été en provenance d’Italie, rempli entièrement sa fonction de pivot spécialiste du cercle à cercle. Il fait parler sa mobilité et sa capacité à monter vite à l’arceau. L’ancien meilleur contreur de la ligue italienne se déplace bien en défense grâce à sa rapidité latérale et sa détente. Son excellent timing pour contrer et ainsi ne concéder aucun panier facile se trouve être précieux. Il permet de combler les absences ou des lacunes défensives de certains de ses coéquipiers. L’américain ne dispose pas d’un temps de jeu régulier, mais il sait répondre présent quand T.J. Parker fait appel à lui.
La pandémie et les blessures
Privés à de multiples reprises de ses meilleurs éléments à cause du coronavirus sur plusieurs rencontres européennes, le coaching staff a dû composer avec les moyens du bord. L’équipe française a subi trois reports de matchs, conséquence d’un grand nombre de joueurs contaminés au sein de l’effectif ou chez les adversaires. Cette variable imprévisible casse le rythme chaque semaine. T.J. Parker ne parvient pas à établir le tempo régulier dont ses hommes ont besoin. Le déroulé de chaque semaine relève une incertitude. Dans ce climat d’instabilité constante, le coach peine à gagner la confiance de son groupe. Sans banc à rallonge, difficile d’obtenir des résultats.
Les blessures de Yabusele, Cole, Noua et autres petits pépins physiques rajoutent une pression supplémentaire à la nouvelle équipe technique. Installé sur le banc depuis cet été après le limogeage de Zvezdan Mitrovic, T.J. Parker ne commence pas sa carrière d’entraineur en chef dans des conditions idéales. Souvent remis en cause, le frère de Tony Parker doit faire face à une grande pression médiatique. Pourtant, Gaëtan Muller, président délégué de l’ASVEL, maintient la confiance qu’il a placée dans le coach rookie. « On sait que dans une saison, il y a des hauts et des bas », explique-t-il, intéressé par Le Progrès. « Il y a des moments durs, nous y sommes, mais la saison sera longue. Ai-je un message à envoyer à T.J. ? Non. Le message, c’est à l’équipe que je l’adresse. Nous sommes derrière elle et T. J., il faut qu’elle se libère. On ne va pas lâcher, en sachant que nous avons la chance d’enchaîner très vite. »
Les prochaines semaines s’annoncent cruciales pour la seule équipe française inscrite en Euroleague. En cas de déroute, l’ASVEL serait déjà hors course pour les playoffs après seulement un quart de la saison. Les dirigeants devront prendre des mesures afin de renverser la tendance.
Illustration pour Adidas et l’ASVEL par Green Garden Digital et Terry Soleilhac (Twitter – Instagram – Site web)