Un an plus tôt, il aurait été difficile d’imaginer Houston dans cette situation. Depuis 2012, le succès de l’équipe passait toujours par le même homme : James Harden. Depuis qu’il n’est plus là, les Rockets n’ont plus le même visage. Ils n’ont plus la même saveur. Mais étonnamment, le départ du héros local n’a finalement pas laissé un si grand vide au sein de la franchise.
Avec un nouveau projet et de nouvelles ambitions, les Texans continuent de faire rêver leurs fans. Moins d’une année après le début d’une reconstruction à laquelle ils ne s’étaient pas préparés, les Rockets ont déjà ouvert une fenêtre sur un avenir qui semble aujourd’hui radieux.
2020-21 : Un seul être vous manque…
… et tout est dépeuplé. C’est l’effet que suscite le départ de James Harden, visage de la franchise. Alors que The Beard rejoint Brooklyn, la page se tourne brutalement à Houston.
A l’aube de l’exercice 2020-21, les Rockets marquent un nouveau virage. Après des échecs répétés en Playoffs, malgré une finale de Conférence en 2018, ce sont Daryl Morey et Mike D’Antoni qui paient les pots cassés. Malgré des résultats convaincants, la direction les voit comme des poids qui empêchent l’équipe d’aller au-delà du plafond de verre auquel elle se heurte saison après saison. Elle décide alors de s’en débarrasser.
Le reset du coaching staff et du Front Office ne s’inscrit absolument pas dans un projet de reconstruction — à l’origine en tout cas. Les Rockets engagent un coach rookie en la personne de Stephen Silas, mais celui-ci a déjà une vingtaine d’années d’expérience en tant qu’assistant. Spécialiste de l’attaque, on imagine très bien son association avec Harden. Seulement, un premier événement alarme les observateurs.
Rapidement, Russell Westbrook demande un transfert qu’il obtient presque immédiatement. Malgré la construction d’un effectif intéressant — avec les arrivées John Wall, Christian Wood et DeMarcus Cousins —, James Harden ne tarde pas à clamer à son tour ses envies de départ. L’équipe refuse d’abord d’accéder à sa requête, mais finit par céder après une longue bataille contre sa star. Contre son gré, Houston fait un premier pas vers la reconstruction.
Rafael Stone, le nouveau GM, gère au mieux les dossiers brûlants que l’on vient de lui mettre entre les mains. Dans une situation si compliquée, difficile d’imaginer de meilleurs résultats. Avec les transferts de Russell Westbrook puis de James Harden, les Rockets récupèrent 5 premiers tours de Draft et 4 pick swaps. Par la même occasion, ils mettent la main sur Victor Oladipo, qui part au mois de mars en échange d’un pick swap supplémentaire.
La saison des Rockets se joue essentiellement dans ses bureaux, là où la reconstruction est au cœur des préoccupations. Pendant ce temps, sur le terrain, les dernières recrues de l’équipe montrent de très belles choses. 4e du vote pour le MIP en fin de saison, Christian Wood affiche des moyennes de 21 points (+7,9 par rapport à 2019-20) et 9,6 rebonds (+3,3) à 51,4% au tir et 37,4% à trois points. Du haut de ses 25 ans, l’intérieur fait l’effet d’un rayon de soleil dans l’obscure saison des Texans.
En cours d’exercice, Houston s’offre également les services de Kevin Porter Jr, évincé par les Cavaliers à cause de problèmes de comportement. Aussi instable que talentueux, l’arrière surprend toute la ligue dans son nouveau maillot. Un soir d’avril, Porter renverse les futurs champions en titre avec 50 points, 11 passes et 5 rebonds, à 16/26 au tir et 9/15 à trois points. Une performance historique compte tenu de son jeune âge (20 ans le jour du match), qui laisse entrevoir le potentiel de ce joueur qui a seulement besoin d’être canalisé.
D’autres surprises viennent égayer la saison des Rockets, à l’image du rookie Kenyon Martin Jr (20 ans), 52e choix de la Draft, qui termine la saison avec 9,3 points et 3,8 rebonds de moyenne. Le constat est le même pour l’ailier Jae’Sean Tate (25 ans). Pour aborder une reconstruction inattendue, compter en ses rangs de jeunes joueurs si talentueux est une bénédiction. Il y a finalement beaucoup de positif dans cette saison qui s’annonçait cauchemardesque.
Intersaison : La meilleure Draft de l’année ?
Arrivées | Départs |
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Jalen Green | Kelly Olynyk |
Alperen Sengun | |
Usman Garuba | |
Josh Christopher | |
Daishen Nix | |
Dante Exum | |
Daniel Theis |
Moins d’un an après le départ de James Harden, Houston est vite retombé sur ses pattes. Comme la plupart des équipes en reconstruction, la franchise n’avait d’yeux que pour la Draft pendant l’intersaison. Pour l’occasion, son Front Office a sorti le grand jeu.
Si le choix de Cade Cunningham en première position ne faisait aucun doute, celui de Jalen Green avec le deuxième choix était tout aussi attendu. Scoreur athlétique capable de marquer à tous les niveaux, Green est un sérieux candidat pour le titre de Rookie of the Year cette année. Dans un futur à peine plus éloigné, il l’est également pour celui de Franchise Player des Rockets.
Les arrivées d’Alperen Sengun (16e choix) et Usman Garuba (23e) à l’intérieur sont également très prometteuses. Avec John Christopher (24e) pour clôturer la soirée, la franchise s’offre un nouveau visage à travers ce qui semble être — au premier abord — l’une des plus belles Draft de ces dernières années.
Potentiel steal, les Rockets mettent également la main sur Daishen Nix pendant la Free Agency. Non-drafté après une saison difficile avec la G League Ignite, le meneur était annoncé en 13e position dans la Mock Draft d’ESPN en novembre 2020. Un talent de plus dans les rangs de Houston.
Le recrutement de Daniel Theis, pivot de 29 ans, a du sens dans cette équipe qui a besoin de quelques vétérans pour entourer les jeunes et apporter un semblant de stabilité. Enfin, Rafael Stone se permet même de miser une pièce sur Dante Exum avec un contrat très particulier — 3 ans non garantis, avec de nombreux bonus — au cas où le meneur de 26 ans finirait par réaliser son potentiel.
Facteur X : La fougue de la jeunesse
Avec 5 joueurs clés âgés de 19 ans seulement, l’effectif des Rockets est particulièrement jeune. La moyenne d’âge des joueurs actifs chute cette saison, tandis que le transferts de certains vétérans — les trentenaires John Wall et Eric Gordon, notamment — se profilent. Le potentiel est déjà là, la clé réside donc dans le développement de ces jeunes talents.
Cette année, Jalen Green devrait naturellement se retrouver au centre de l’attention. Pour le moment, c’est lui qui incarne le mieux l’avenir de la franchise. Scoreur athlétique, capable de marquer à tous les niveaux, Green a un immense potentiel offensif. Sa belle qualité de shoot et son premier pas rapide seront d’excellents atouts pour se faire une place durable dans la ligue.
Avec des qualités de superstar en devenir, Houston doit le traiter comme tel. L’année prochaine, Jalen Green devra être titularisé et responsabilisé à chaque rencontre. Pour peu qu’il arrive à impliquer ses coéquipiers en attaque, il pourrait rapidement devenir le centre du jeu de Houston.
Si le projet doit être un succès, tout ne peut pas passer par Green. Il est primordial pour la franchise de développer également les talents d’autres jeunes, notamment ceux qui sont arrivés cette année par la Draft.
Alperen Sengun, sélectionné en 16e position, est le nom qui suit logiquement. Pivot créateur déjà très doué en attaque, les Rockets pourraient avoir trouvé en Sengun l’un des piliers de leur reconstruction. Ses excellents fondamentaux et sa compréhension du jeu devraient déjà favoriser son intégration dans la grande ligue. Du haut de ses 2,08m, le pivot a déjà dominé au niveau professionnel, en témoignent ses 19,2 points et 9,4 rebonds de moyenne avec le Besiktas d’Istanbul la saison dernière.
Son shoot reste à travailler pour en faire une arme offensive de rêve, mais ses faiblesses se concentrent essentiellement sur le plan défensif. Son manque d’explosivité et de rapidité latérale le desservent réellement en défense. Pour en faire l’une des pièces centrales de son avenir, Houston devra avant tout veiller à pallier cette lacune.
Heureusement, la recrue Usman Garuba semble être le complément parfait pour ce joueur. Le jeune ailier fort du Real Madrid présente les qualités qui manquent à Sengun, tandis qu’il lui manque les qualités que le pivot possède. Ses qualités physiques, notamment sa taille et sa mobilité, font de lui un défenseur d’élite. A termes, Garuba pourrait bien être capable de défendre sur les 5 postes.
Cette fois-ci, il faudra veiller au développement de ses qualités offensives. En effet, Garuba est déjà très efficace sur Pick and Roll, mais il aura certainement besoin de plus que ça pour se faire une place dans la ligue nord-américaine. Avec un tir fiable et une panoplie offensive élargie, il pourrait à terme se faire une place dans le starting five des Rockets.
Pour le bien de l’ensemble de l’équipe, Houston aura à cœur de trouver un équilibre entre le temps de jeu accordé aux joueurs déjà en place et celui qui sera donné aux rookies. Le développement de Sengun et Garuba, par exemple, pourrait être freiné par la présence de Wood à l’intérieur.
Naturellement, Christian Wood est l’un des éléments les plus importants de ce projet. Talentueux et déjà efficace, il ne peut pas être sacrifié au profit des petits nouveaux. Puisque Garuba et Sengun semblent tous les deux compatibles avec son profil, son nombre de minutes ne devrait pas diminuer cette année. Toutefois, le coaching staff devra trouver des solutions pour que tous ces intérieurs — y compris Daniel Theis et Kenyon Martin Jr — puissent vivre ensemble.
Il en va de même au poste 2, auquel évoluera naturellement Jalen Green. Malheureuse coïncidence, ce poste est également celui de Kevin Porter Jr, l’un de leurs éléments les plus prometteurs. Il ne fait aucun doute que Porter sera titularisé en début de saison, mais il devra rapidement s’entendre avec le nouveau prince des Rockets pour assurer son avenir dans la franchise à long terme.
Ni Green ni Porter n’est un créateur naturel. Les deux devront faire des concessions pour que ce backcourt au potentiel offensif démesuré se maintienne à hauteur des attentes. Le rôle de Dante Exum, sur lequel la franchise semble compter au poste 1, sera également l’une des principales problématiques de la saison.
L’aile ne fait bien sûr pas exception, puisque Jae’Sean Tate, Eric Gordon et Danuel House Jr s’y bousculent pour le moment. Josh Christopher, qui dispose d’un très grand potentiel offensif, pourrait vite se perdre dans les méandres de la rotation. Plus qu’aucun joueur dans cet effectif, Christopher est instable. Capable du pire et du meilleur, il aura besoin de temps sur le terrain pour apprendre à épurer son jeu. Plutôt arrière que ailier, Houston risque de gâcher son potentiel en ne lui prêtant pas une assez grande attention.
En maître de l’attaque, le coach Stephen Sylas pourrait faire de grandes choses avec cet effectif regorgeant de talents offensifs. Pour lui et son coaching staff, déterminer la place et le rôle de chacun sera une affaire de patience. Houston a beaucoup à faire pour transformer ce collectif en une équipe fonctionnelle, les Rockets devront prendre garde à ne pas s’y perdre.
Vite fait, bien fait
Avec le 6e rythme le plus intense de la NBA la saison dernière (101,7 possessions sur 48 minutes en moyenne), les Rockets de Stephen Silas aiment le jeu rapide. L’arrivée de sang frais — notamment Green, un joueur particulièrement dynamique — devrait conforter le coach dans cette décision. Inutile de sacrifier son identité, Houston pourra continuer de jouer vite l’année prochaine.
Seulement, si Silas espère maintenir ce plan de jeu sur le long terme, il devra apprendre à ses joueurs à l’exécuter efficacement. En 2020-21, les Rockets jouaient 16,9% de leurs possessions en transition, soit le 7e plus haut taux de la ligue.
Dans l’absolu, cela n’a rien de négatif. Certaines équipes dominent la ligue en s’imposant sur ce jeu rapide et non placé. Les champions en titre, Milwaukee, en sont particulièrement friands par exemple. Ce style de jeu y est pour beaucoup dans leur réussite, raison pour laquelle ils exécutent 19,4% de leurs actions en transition.
Cependant, avec 1,04 point provoqué par possession, les Rockets sont la 3e équipe la moins efficace en transition. Seuls 47,5% de leurs attaques rapides aboutissent à un panier marqué. Pour obtenir des résultats en situation de match, ils devront évidemment faire mieux.
Cela demandera sans doute du temps et beaucoup d’entraînement, mais cette étape est nécessaire dans la croissance de cette jeune équipe. C’est en apprenant aux rookies à tirer profit de ces occasions dès maintenant que Houston pourra s’imposer, à terme, comme une redoutable formation offensive.
Cette identité basée sur le jeu rapide correspond à la fois aux joueurs et au coaching staff des Rockets. L’idée est sans doute bonne, et la franchise peut espérer réussir en persévérant dans cette voie. Mais tout comme sur le plan individuel, Houston doit veiller à développer son jeu collectif avec la plus grande attention pour que son projet aboutisse.
Le 5 de départ potentiel
- MJ : Kevin Porter Jr.
- A : Jalen Green
- AI : Jae’Sean Tate
- AF : Christian Wood
- P : Daniel Theis
Notre pronostic : 21 – 61 (15e)
Avec de nombreuses problématiques à résoudre et des plans sur le long terme, inutile d’espérer quoi que ce soit de la part des Rockets cette saison. L’équipe est encore trop jeune pour aboutir à des résultats, elle doit profiter de ce premier exercice pour apprendre à se connaître réellement.
L’intégration des Rookies — en particulier Jalen Green — sera évidemment à surveiller, mais la dynamique globale de l’équipe reste un indicateur à ne pas perdre de vue. Les perspectives d’avenir de Christian Wood et de Kevin Porter Jr seront certainement bien plus claires en fin de saison, en fonction de ce que Houston montre sur le terrain.
Dans la première année d’une reconstruction dans laquelle ils n’avaient pas l’intention de se lancer, les Rockets semblent en totale maîtrise. Le potentiel est déjà là, entre leurs mains. Maintenant, il faudra veiller à le modeler intelligemment et à ne rien laisser au hasard.
Photo de couverture : Garrett Ellwood/NBAE via Getty Images