Après presque 2 mois de conflit, Jimmy Butler a finalement été envoyé à Philadelphie ce samedi en échange de Dario Šarić et Robert Covington. Certains parlent d’un trade « gagnant-gagnant », mais les avis divergent. Zoom sur ce qui sera sûrement le trade de l’année, le genre de transfert qui change la NBA en profondeur et l’histoire des franchises.
Le contexte
Jimmy Butler est arrivé dans le Minnesota le soir de la draft 2017. Il avait été échangé par les Bulls avec le 16ème pick de la draft (Justin Patton). Chicago avaient reçu Zach LaVine, Kris Dunn et le 7ème pick de la draft (Lauri Markkanen). Pour son unique saison dans le Minnesota, l’équipe a retrouvé les Playoffs pour la première fois depuis 2004.
Après avoir annoncé qu’il partirait lors de la free agency 2019, Butler a demandé son transfert. Il voulait jouer pour une équipe prétendant au titre et ne supportait plus ses coéquipiers. Tom Thibodeau n’était manifestement pas prêt à le voir partir puisqu’il s’opposa à cette demande. C’est là que tout a commencé à partir en vrille : Butler a alors ridiculisé ses coéquipiers à l’entraînement, a refusé de jouer, a joué avec une main dans le short et a même célébré les paniers de l’équipe adverse…
La problème n’était pas que sportif. Avec l’affaire Butler, de moins en moins de spectateurs venaient voir les matchs des Wolves. Cela a conduit à une baisse du prix des places de 30% puis à une promotion « 2 places pour le prix d’une ». La situation, alors généralisée, devenait de plus en plus urgente.
C’est un road trip sur la côté Ouest en 0-5 et une défaite contre les Kings qui poussa la direction à appuyer sur le bouton pour envoyer Jimmy Butler à Philadelphie.
Le trade
- Les 76ers reçoivent : Jimmy Butler, Justin Patton (n°16 de la draft 2017)
- Les Wolves reçoivent : Dario Šarić, Robert Covington, Jerryd Bayless, un second tour de draft 2022
Côté Sixers
Nous sommes allés interroger les administrateurs d’un compte de fans francophones des 76ers, @FR_Sixers, pour avoir leur avis sur ce trade :
« Je suis assez content, même si on perd deux bons joueurs auxquels on s’est attaché. Jimmy Butler est un excellent joueur qui va peut-être pouvoir nous permettre de passer un cap. Défensivement il est excellent mais, surtout, c’est un joueur qui peut créer son propre shoot et c’est clairement ce qui nous manquait. Avec l’apport de Butler, les Sixers deviennent de plus en plus crédibles pour aller loin en playoffs. »
Jimmy Butler est évidemment la pièce centrale du trade. Son apport individuel à Philadelphie sera certainement colossal. Du haut de ses 29 ans, Jimmy Butler évolue au poste d’arrière/ailier. 4 fois All-Star, 2 fois membre de la All-NBA team et 4 fois de la All-Defensive team, il a également gagné le titre de la meilleure progression en 2015. Il s’agit d’un joueur que l’on ne présente plus, l’un des meilleurs de la ligue. Sa moyenne sur la saison 2017-18 : 22.2 points à 47.4% au tir dont 35% à trois points, 5.3 rebonds, 4.9 passes, 2 interceptions et 0.4 contres.
Butler devrait apporter du spacing aux 76ers, tout comme J. J. Redick, de par ses pourcentages au tir très rassurants. C’est le genre de joueur dont les Sixers ont réellement besoin puisque Ben Simmons et Markelle Fultz limitent justement cet aspect du jeu de l’équipe. De plus, il devrait beaucoup contribuer en défense, domaine dans lequel il excelle.
Avec ce trade, Philadelphie essaie de concurrencer les Raptors et les Celtics dès cette année. Sur le long terme, les Sixers cherchent certainement à former un Big Three autour de Butler, Embiid et Simmons.
Les pertes sont également significatives du côté de Philadelphie. En se séparant de Dario Šarić et de Robert Covington, les 76ers se séparent de leurs deux ailiers titulaires.
Ils apportaient tous les deux beaucoup à Philadelphie puisque, eux aussi, écartaient le jeu. Les Sixers sont actuellement 21ème à trois points à 33.6% et la perte de leurs deux joueurs, capables de shooter, risque d’aggraver la situation. La perte de Covington en défense se fera elle aussi sentir.
En se séparant de Dario Šarić, le trade a pour conséquences la création un vide au poste 4. Les joueurs disponibles pour jouer à ce poste à Philadelphie : Wilson Chandler ou Mike Muscala. Des joueurs n’ayant pas vraiment le calibre de titulaires dans une équipe cherchant à jouer le titre.
Un joueur anonyme de la conférence Est a tenu les propos suivants à Alex Kennedy, journaliste pour HoopsHype, par rapport au trade de Covington et Šarić :
« Les Sixers ont laissé beaucoup de choses dans ce trade. J’adore Robert Covington. J’ai toujours admiré son jeu. Il jouait un rôle important. C’est un excellent role player. »
Bien qu’il ait été sélectionné en 16ème position de la draft 2017 – soit 3 places derrières Donovan Mitchell – Justin Patton ne semble pas vraiment très prometteur. Après un seul match avec les Wolves, le joueur a été annoncé blessé. Les Sixers chercheront se débarrasser de son contrat au plus vite.
De plus, bien que Jimmy Butler et les Sixers soient optimistes sur ce point, il n’est pas dit que Butler réussira à s’adapter à l’équipe et au jeu de Ben Simmons et Joel Embiid.
Il ne semble pas que les Sixers puissent battre les Raptors ou les Celtics dans une série de sept matchs. Malgré tous les risques pris, leur accès aux finales NBA – et même aux finales de conférence – semble compromis.
Le problème majeur est toujours le même dans ce genre de trade : les 76ers ne peuvent pas être sûrs que Butler signera de nouveau à Philadelphie… Beaucoup de risques ont été pris. Les 76ers perdent donc dans ce trade deux éléments essentiels de leur rotation et prennent beaucoup de risques. On espère que Butler, qui devra faire des efforts pour s’intégrer à l’effectif, saura pallier la perte de ces deux joueurs.
Côté finances, l’arrivée d’un joueur du calibre de Jimmy Butler pousse à se poser des questions. Une extension max de Jimmy Butler commencerait en 2019-20 et ajouterait 2 ans à 41M si elle est signée dans les 6 mois qui suivent le trade, 4 ans à 101M sinon. Un nouveau contrat max l’été prochain serait de 5 ans pour 190M aux Sixers ou 4 ans pour 141M ailleurs
Un contrat max : c’est l’une des conditions énoncées par Jimmy Butler pour toute équipe cherchant à le recruter lors de la Free Agency. Un tel contrat fermera certainement des portes à Philadelphie au niveau du recrutement, bien que leurs finances permettront certainement l’arrivée de quelques role players.
Sur le long terme, il faudra trouver de la place pour Ben Simmons, Joel Embiid et Jimmy Butler. Les trois stars chercheront certainement toutes les trois un contrat max.
Finalement, la question qui se pose est celle du futur de Markelle Fultz. En effet, d’ici quelques années il demandera sûrement un investissement financier important aux Sixers qui ne pourra coexister avec les contrats du big three.
Pour remédier au problème du spacing, les 76ers essaieront peut-être de monter un trade pour récupérer Kyle Korver, actuellement sur le marché. Pour consolider leur 5 majeur, ils envisageront peut-être de se séparer de Markelle Fultz pour récupérer un meilleur ailier fort.
Nous avons demandé leur opinion aux administrateurs de @TwolvesFRA, compte fan francophone des Timberwolves :
Côté Wolves
On aurait pu faire mieux, avoir mieux si on avait réglé ce problème bien avant. Les gens ne sont pas dupes. Thibodeau est le vrai responsable de cette gestion catastrophique. On récupère des joueurs de qualité mais j’en veux vraiment à Thibs.
Les Wolves récupèrent donc deux ailiers, le jeune prometteur Dario Šarić et Robert Convington, un joueur ayant déjà fait ses preuves en NBA.
Tout d’abord, le management des Wolves a atteint l’un de ses objectifs : envoyer Butler dans une équipe de la conférence Est plutôt que chez un rival à l’Ouest. Un deal avec Philadelphie plutôt que le Heat a semblé plus cohérent aux Wolves une fois Josh Richardson retiré du marché.
Šarić, évoluant au poste d’ailier fort, était l’un des finalistes pour le trophée du Rookie of the year 2017 et faisait partie de la NBA All-Rookie Team 2016-17. Sur la saison 2017-18, il compilait 14.6 points par match, 6.7 rebonds et 2.6 passes en moyenne. Le plus impressionnant reste son efficacité au tir : 45.3% au tir dont 39.3% à trois points. À 24 ans seulement, il saura certainement s’imposer comme ailier fort titulaire aux Wolves. Il apportera du spacing et s’intégrera certainement bien à la dynamique des jeunes Wolves.
Robert Covington est un ailier de 27 ans connu pour sa défense. Il faisait d’ailleurs partie de la 2017-18 NBA All-Defensive Team. Ses moyennes statistiques en 2017-18 : 12.6 points à 42.6% au tir dont 36.9% à trois points, 5.4 rebonds, 2 passes, 1.7 interceptions et 0.9 contre par match. Tout comme Šarić, il apportera du spacing à l’équipe mais il pourra également apporter une certaine intensité défensive dont les Wolves ont bien besoin en tant que 28ème défense de la ligue.
À environ $2M5 la saison puis Team option à $3M5, le contrat de Šarić est une véritable aubaine pour les Wolves. Robert Covington est engagé jusqu’à 2022 à environ $11M7 la saison. Ces deux salaires réunis sont donc inférieurs au salaire actuel de Jimmy Butler. De plus, il s’agit de contrats sur plusieurs années qui assurent une certaine stabilité à la franchise.
Le départ de Butler semble d’ailleurs être un aspect positif du trade puisque Karl Anthony Towns a l’air de mieux jouer lorsque ce dernier n’est pas sur le terrain. En effet, avec Jimmy Butler, KAT met 17.7 points par match à 43% en moyenne, sans lui c’est 27.3 points par match à 54%.
Avec un 5 majeur composé de Jeff Teague – Andrew Wiggins – Robert Covington – Dario Šarić – Karl Anthony Towns et avec Derrick Rose sur le banc, les Wolves peuvent espérer décrocher un spot en Playoffs sur lequel ils ne comptaient plus avec Jimmy dans l’effectif.
L’opération semble réussie du côté des Wolves qui ajoutent deux joueurs à leur 5 majeur et assainissent les finances de la franchise. Les deux nouveaux joueurs sont, sur le papier, ce dont la franchise a besoin sur le moyen-long terme.
Une fois cela rapporté au premier trade, on peut considérer que les Wolves ont échangé Zach LaVine, Kris Dunn et Lauri Markkanen contre Dario Šarić, Robert Covington, Jerryd Bayless, et un second tour de draft 2022.
Avec du recul, on se demande abandonner le 7ème pick de la draft 2017, qui aurait permis aux Wolves de sélectionner Lauri Markkanen, Dennis Smith Jr. ou encore Donovan Mitchell, était judiciux. De plus, Zach LaVine montre de très belles choses à Chicago – offensivement du moins – et semble être une autre perte pour l’équipe du Minnesota. Mais le mal était déjà fait avant ce trade, c’est pourquoi la question ne sera pas approfondie.
Le contrat « toxique » de Jerryd Bayless (blessé) devra évidemment être absorbé par les Wolves. Mais il ne s’agira que d’une seule saison, à $8M5. Cela ne représentera donc pas un réel problème.
Bien évidemment, la perte de Jimmy Butler, véritable leader de l’équipe qui leur avait fait retrouver les Playoffs reste une lourde perte pour les Wolves. Cependant, ayant été mis aux pieds du mur, ils n’avaient d’autre choix que de le transférer.
Dans le Minnesota, l’avenir est entre les mains des jeunes joueurs. C’est autour de Towns, Wiggins et maintenant Šarić que la franchise cherche à se construire. Les contrats des deux nouveaux joueurs permettront à la franchise une stabilité économique certaine puisque KAT et Wiggins ont déjà plusieurs années devant eux.
On espère réellement que Šarić pourra exploser aux Wolves et atteindre son meilleur niveau. L’environnement y semble propice à condition de se séparer de quelques membres du staff… Cela conduirait Šarić à demander un gros contrat, mais il semble que la franchise pourrait facilement l’absorber.
Les Sixers récupèrent l’un des meilleurs joueurs de la ligue qui pourra leur permettre de faire face aux plus grandes équipes de l’Est. Cependant, c’est au prix de deux de leurs titulaires et de nouvelles incertitudes que Butler débarque à Philadelphie. Les grands gagnants de ce trade semblent être les Wolves qui récupèrent deux nouveaux joueurs aux contrats avantageux qui auront certainement beaucoup à apporter à l’équipe alors qu’ils semblaient dos au mur. Les Wolves recontreront les 76ers à Philadelphie le 16/01, date à entourer sur le calendrier. Seul l’avenir pourra nous dire s’il s’agit d’un trade « gagnant-gagnant », c’est en tout cas ce qui semble être le cas à première vue.