Qu’il est dur de sortir de l’ombre de son grand frère ! Éternels losers et infinie déception, c’est pourtant bien cette image que les Clippers tentent de briser depuis plusieurs années.
La planète basket a tellement cru aux promesses du Lob City du tandem Paul/Griffin, sans grands résultats, qu’il est maintenant difficile de se détacher de cette réputation. Et pourtant… l’équipe s’affiche plus prometteuse que jamais. Le mot « Clippers » peut-il vraiment rimer avec « ambition » ou « victoire » alors que cette image a l’air de trop bien leur coller à la peau ?
2020-21 : La meilleure saison de l’histoire de la franchise, pourtant…
La déception et la honte régnaient en sortie de la bulle d’Orlando pour les Clippers de Los Angeles. Après un été surprenant, Steve Ballmer avait réussi à faire venir deux des plus gros joueurs de la ligue. Un top 3 du classement MVP en la personne de Paul George et le MVP de finales en titre, Kawhi Leonard. Tout cela pour finalement trembler face à Luka Doncic au premier tour, puis se faire rattraper un 3-1 par d’étonnants Nuggets.
En recrutant Serge Ibaka, Nicolas Batum ou encore Reggie Jackson avant le lancement de la saison, les Clippers s’affirment comme un effectif beaucoup plus équilibré et mieux armé pour les Playoffs. En effet, avec Tyronn Lue aux commandes d’un bateau qui semble enfin filer droit, Los Angeles a les armes pour faire un énorme coup.
Leonard et George, les deux ailiers qui s’affichent comme de véritables leaders — loin de tout traitement de faveur —, réalisent une magnifique saison à plus ou moins 24/5/5 chacun. Des vétérans comme Ibaka et Batum saisissent une superbe opportunité de rotation. Morris et Kennard diversifient le jeu de Lue, tandis que le tandem Beverley – Zubac se porte garant de l’identité Clippers.
3e meilleur offensive rating de la saison, 9e meilleur defensive rating, les Clippers ont tout d’un contender sérieux.. Sauf les blessures. À peine 50 matchs joués pour le duo George-Leonard ou 40 matchs pour Ibaka, c’est trop peu pour aborder sereinement les playoffs.
Avec des Lakers et des Nuggets blessés, des Suns trop jeunes ou encore le Jazz trop fébrile, on se demande qui peut arrêter cette escouade de tueurs. Les Clippers bégayent, rattrapent leurs retards de 0-2 par deux fois et montrent une sacrée mentalité. Puis malheureusement, les blessures anéantissent tout projet de dépasser la finale de conférence.
Pour la première fois de l’histoire de la franchise, la deuxième équipe de Los Angeles parvenait à atteindre ce stade. Mais sans Kawhi Leonard qui se rompt les ligaments croisés du genou et sans Serge Ibaka pour se frotter à DeAndre Ayton, la marche est trop haute face à des Suns sur un nuage.
Néanmoins, un certain optimisme est à retenir de cette postseason. Un Paul George admirable en véritable leader a réussi à porter ces Clippers vers le plus haut niveau. Playoff P a enfin rendu hommage à son surnom en affichant un niveau élite. Batum et Jackson se sont montrés indispensables en relançant leurs carrières de la plus belle des manières. Terrance Mann et Luke Kennard se sont également affirmés comme le futur de cette équipe. Les Clippers sont déçus, mais peuvent ressortir grandis de cette campagne. Ils n’ont pas gagné de titre, mais ils y ont gagné une véritable identité.
Intersaison : un été calme, mais si logique
Arrivées | Départs |
---|---|
Eric Bledsoe | Patrick Beverley |
Justice Winslow | Rajon Rondo |
Keon Johnson | DeMarcus Cousins |
Jason Preston | Patrick Patterson |
BJ Boston | Yogi Ferrell |
Harry Giles |
Les Clippers l’ont fait comprendre en sortie d’élimination face aux Suns : le groupe est soudé et semble avoir trouvé ce supplément d’âme qui pourrait les amener au stade supérieur.
Alors que Paul George a prolongé au prix fort l’an dernier, Kawhi Leonard est notamment courtisé par le Heat ou les Mavericks malgré sa blessure. Lawrence Frank (GM) réussit pourtant à garder son Franchise Player pour 4 ans et 176 millions de dollars, lui qui ne reviendra pas avant la fin de la saison, au mieux. Un signe fort de la direction qui conserve également deux Role Players essentiels en Nicolas Batum et Reggie Jackson.
Crucial de par son QI basket et sa polyvalence, l’ailier tricolore était courtisé, notamment par Steve Kerr à San Francisco, mais il continuera d’apporter son expérience à Los Angeles pour 2 ans minimum. De même pour l’ancien meneur de Detroit qui s’est affirmé comme le meneur titulaire de ces Clippers durant les Playoffs, avec plus de 18 points de moyenne dans la série contre Utah. Des prolongations pas si chères pour le profil de ces deux joueurs majeurs.
Conscient des faiblesses de l’effectif à la création et au jeu rapide, les Clippers se résolvent à laisser partir le favori des fans Patrick Beverley. Complètement sorti de la rotation durant les playoffs, Beverley n’est pas parvenu à peser sur les matchs avec ses rares tirs et sa surpression défensive qui faisait parfois du mal à la défense angelino. Lawrence Frank en profite également pour remercier les projets Rondo et Cousins, qui n’ont jamais vraiment cliqué.
Côté arrivée, les Clippers récupèrent Eric Bledsoe et Justice Winslow. L’ancien meneur des Bucks est un accélérateur de particules qui apporte une défense et une création beaucoup plus régulière que Beverley. Le recrutement de Winslow va dans le même sens. Bon créateur et défenseur depuis son poste 3, il comblera quelque temps l’absence de Leonard.
La Draft des Clippers ressemble davantage à un projet à long terme. En 21e position Keon Johnson apportera une dimension athlétique et se régalera des conseils de futurs Hall of Famers sur son poste. Jason Preston (déjà blessé) et BJ Boston tenteront d’apporter encore plus de création depuis les postes d’arrières.
Facteur X : Garder les yeux sur le terrain malgré un Franchise Player sur la touche
Le projet des Clippers depuis deux ans est clair : aller chercher un titre avec un monstre à deux têtes sur les ailes. Malheureusement, le « fun guy » s’est rompu le ligament croisé du genou droit lors de la 4e manche de la demi-finale de conférence face au Jazz.
On ne donnait alors pas cher de la peau de Los Angeles pour la suite de ces Playoffs, mais ce collectif a bel et bien surpris du monde. Autour de Paul George en leader affirmé, la troupe de Tyronn Lue a affiché un mental surprenant en se battant sur tous les ballons et en créant une âme de guerriers. Ce que l’on attendait de ce groupe depuis bien longtemps, finalement.
Paul George en seul maître à bord, la NBA n’avait plus vu cela depuis ses années Indiana. Beaucoup de monde avait oublié quel merveilleux joueur pouvait devenir PG13 en leader incontesté. Après cette postseason de très haute volée, George aborde cette nouvelle saison en option offensive numéro 1, et de très loin. L’ailier devra être au four et au moulin pour compenser l’absence de Leonard. Il a montré un niveau de jeu de MVP durant les playoffs, mais également une certaine fatigue à force d’enchainer. Peut-il tenir le rythme pendant toute la saison pour garder les siens loin du Play-in ?
Davantage de responsabilités devraient naturellement retomber sur les ailiers californiens, à commencer par celui qui cristallise le plus d’espoir : Terance Mann. Auteur d’un match gargantuesque lors du Game 6 face au Jazz, Mann dispose de tous les attributs physiques et techniques pour passer un cap et montrer que ses playoffs n’étaient pas qu’une surprise.
Winslow, Batum, voire Bledsoe devront également élever leur niveau de jeu. Chacun en est capable, mais cela sera-t-il vraiment suffisant ?
Leonard est un candidat MVP chaque saison, un futur Hall of Famer qui regarde le top 5 de la ligue dans les yeux. Il est impossible de combler une telle absence, même si les Clippers ont trouvé un véritable esprit d’équipe lors des derniers playoffs. Perdre une individualité et gagner un collectif soudé, peut-on vraiment y croire ?
Une équipe où l’isolation est reine
Avec Kawhi Leonard et Paul George, les Clippers disposent de deux des plus forts joueurs d’isolation de toute la ligue. Quand on rajoute à cela un scoreur en Jackson, un défenseur en Beverley et un shooter en Kennard, les créateurs manquent. Le pari Batum a fonctionné pour apporter de la fluidité à l’attaque californienne, le pari Rondo, lui, n’a pas abouti.
Un si faible nombre de créateurs se traduit forcément dans les chiffres. Cette saison, les Clippers étaient la 20e équipe au pourcentage d’assists par possession (14,9) et 29e équipe au ratio de passes décisives par ballons perdus (1,37 passe par ballon perdu). Ces chiffres sont catastrophiques pour une équipe candidate au titre. Ils montrent l’incapacité de Tyronn Lue et de son effectif à créer un véritable jeu collectif dans lequel le ballon circule aisément.
Même si Eric Bledsoe n’est pas le plus grand créateur de la ligue, c’est un meneur de jeu sérieux et respecté dans la sphère NBA. Il a l’habitude de créer pour des Superstars de niveau supérieur, comme Giannis Antetokounmpo et Zion Williamson. Il saura se fondre dans un collectif où la majorité de la création vient des ailiers (forts). Les prolongations de Batum et Jackson s’inscrivent dans cette recherche de création, et le retour d’Ibaka pourrait faire passer un cap à l’attaque californienne.
Autre fait édifiant concernant les Clippers, les joueurs de Tyronn Lue étaient la 28e pace de la ligue. Un ovni dans la ligue actuelle, mais cela se comprend facilement. Paul George et Kawhi Leonard ont toujours évolué dans des équipes au rythme lent qui leur permettait d’exploiter leur plein potentiel sur isolation et attaque placée. Avec ces deux monstres sur demi-terrain, Tyronn Lue serait fou de vouloir imprégner un fort rythme à ses troupes.
Cependant, toute équipe candidate au titre se doit d’apporter de la variété dans ses attaques. Les Clippers devront se faire violence pour courir davantage afin d’imposer un rythme différent sur le match en harcelant les défenses de courses, puis d’isolations.
À travers toutes ses expériences, Bledsoe a montré qu’il était dynamique et efficace en transition. Winslow apporte lui aussi un profil d’ailier véloce, qui pourra utiliser son énergie pour accélérer le jeu des Clippers.
Avec George, Batum, Winslow, Jackson et Bledsoe, voire Jason Preston, les Clippers disposent de créateurs qui auront l’occasion d’apporter une nouvelle dimension à l’équipe.
Attention à ne pas attendre des Clippers qu’ils deviennent une équipe à la Spurs 2014. Tyronn Lue doit s’appuyer sur les forces de son effectif et la majorité des actions se doivent de passer par Paul George et ses isolations, mais une alternance sera bienvenue… En attendant le retour de Kawhi Leonard.
Le 5 de départ potentiel
- MJ : Reggie Jackson
- A : Eric Bledsoe
- AI : Paul George
- AF : Marcus Morris
- P : Ivica Zubac
Notre pronostic : 51-31 (4e)
La dynamique de ces derniers playoffs va-t-elle survivre à l’été ? Les Clippers ont largement les armes pour éviter le Play In et donc se maintenir dans le top 6 de l’ouest, mais la concurrence sera rude. L’absence de Leonard n’est pas anodine, mais les Angelinos ont déjà prouvé qu’ils pouvaient jouer sans lui.
Leur saison dépendra de trois facteurs principaux : le niveau de jeu de Paul George, le message de Tyronn Lue pour son vestiaire et la capacité des role players à élever leur niveau de jeu en attendant le retour de leur leader. S’ils y parviennent, les Clippers peuvent conserver leur place dans le top 5 de la conférence, et même placer George dans les discussions MVP.
Il ne reste plus qu’à espérer un retour rapide de Leonard. Des espoirs d’un collectif enfin bien construit, huilé et animé d’un esprit vengeur à qui on rajoute l’un des meilleurs joueurs de la ligue.. l’année 3 des Clippers sera-t-elle la bonne ?
Photo : Kelvin Kuo / USA Today Sports