Une surprise, lorsqu’elle se répète à l’identique, n’en est plus vraiment une. À moins d’une semaine de la trade deadline, fixée le 9 février, Kyrie Irving a réclamé son transfert, d’après Shams Charania de The Athletic. Une nouvelle qui bouleverse évidemment les Nets et le marché, mais qui n’étonne plus personne.
Après tout, le meneur était déjà dans la même position il y a seulement six mois. Arrivé dans une impasse dans ses négociations avec Brooklyn, il avait en effet demandé à partir, entraînant plus ou moins avec lui Kevin Durant. Le climat avait fini par revenir à la normale et les tensions par s’apaiser, notamment après une rupture inévitable avec Steve Nash. Ce n’était tout compte fait que très temporaire.
Le Front Office des Nets a donc été informé qu’il lui restait six jours pour trouver un point de chute à sa star, sans quoi elle plierait bagage cet été, à la Free Angency. En ne laissant rien derrière elle. Cette menace cache, en réalité, une situation bien plus complexe qu’il n’y paraît.

Pourquoi Kyrie Irving veut-il quitter les Nets ?
« Le désir est de faire de Brooklyn sa maison », annonçait pourtant Shetellia Irving, agent et belle-mère du joueur, au Bleacher Report il y a une semaine. C’est à n’y rien comprendre : que souhaite véritablement Kyrie Irving ? C’est dans la nuance que se trouve la réponse.
Si l’ancien champion NBA veut rester, c’est seulement « avec l’extension appropriée ». Voilà le nœud du problème. « La balle est dans le camp des Nets », assurait la représentante du meneur. Si les choses en arrivent à de telles extrémités aujourd’hui, c’est parce qu’ils ne l’ont pas renvoyée.
Tout comme cet été, Brooklyn et Irving ne sont pas parvenus à un accord. La franchise avait plutôt dessein d’opter pour la patience en laissant la saison suivre son cours, puis d’aviser. Le joueur, lui, sollicite une extension. Maintenant, tout de suite.
La direction lui a bien fait une proposition, d’après The Athletic, mais elle n’était visiblement pas à sa convenance. L’intéressé a préféré décliner l’offre, dans laquelle les Nets ont essayé de placer quelques garanties pour se protéger, estimant probablement qu’elle n’était pas « appropriée ».
Il a alors posé un ultimatum à la franchise et lui a demandé de trancher au plus vite entre un transfert imminent ou un départ estival. En réalité, il existe virtuellement une troisième possibilité : celle de l’extension.
Ce dilemme apparaît aujourd’hui comme une manœuvre pour forcer la main de Sean Marks et de son Front Office. Inflexible sur ses exigences, Kyrie Irving a tenté le braquage. Maintenant que le plan initial a échoué, il passe à la prise d’otage. La balle est effectivement dans le camp des Nets, désormais.
Les Nets vont-ils accéder aux demandes d’Irving ?
En plaçant son équipe une position si délicate, « Kaï » ne donne pas vraiment envie de s’engager avec lui à long terme. Il est tout de même question de deux ans pour 78,6 millions de dollars. L’extension qu’il réclame le maintiendrait à Brooklyn jusqu’à l’avant-dernière année de contrat de Kevin Durant. Cela impliquerait alors de faire une croix sur la possibilité de construire quelque chose d’autre avec son leader. Une décision comme celle-ci ne se prend pas à la légère. Surtout pas en quelques jours.
Le meneur All-Star voudrait, en plus, retirer les clauses imaginées pour protéger l’organisation. Une revendication qui, au regard de son passif, paraîtrait presque déraisonnable. Car si New York est « la ville qui ne dort jamais », Kyrie Irving a réussi de faire de l’image une réalité.
Le bilan extrasportif de l’athlète australo-américain est particulièrement décourageant. La polémique autour du vaccin, sa suspension après avoir partagé un documentaire taché d’antisémitisme et ses désormais deux demandes de transfert — pour ne pas sortir des très grandes lignes — ont rythmé les dernières saisons des Nets. Ils veulent dorénavant se mettre à l’abri en cas de récidive, limiter les risques.

Cette protection semble être une condition sine qua non aux yeux de la direction de la franchise. À ceux d’Irving, c’est très clairement rédhibitoire. Les deux parties se trouvent donc dans une impasse, à nouveau.
Les Nets accèderont-ils à la requête de leur joueur pour autant ? Difficile à dire. Compte tenu l’état du marché, le levier du meneur — c’est-à-dire le risque de le perdre sans contrepartie — n’est pas si éloquent. Peu d’équipes seront en mesure de lui offrir ce qu’il demande cet été. Encore moins en auront l’envie. Il se pourrait donc qu’il ait besoin d’un sign-and-trade pour quitter l’État de New-York, à moins d’accepter une baisse de salaire conséquente.
Cet ultimatum est peut-être un bluff pour forcer Brooklyn à se coucher. Ou peut-être est-ce sérieux. La réaction du management lui appartient et demeure très difficile à déterminer.
Où Kyrie Irving pourrait-il finir la saison ?
Il existe parallèlement une situation intermédiaire dans laquelle Irving resterait et continuerait de jouer aux Nets. Sean Marks aurait alors jusqu’au 30 juin pour discuter extension, s’il le désire, ou les deux camps pourraient aussi bien décider de rouvrir les négociations cet été. Ce scénario semble toutefois utopique.
Au contraire, il est presque certain que le téléphone du Front Office sonnera sans relâche jusqu’au 9 février s’il est réellement question d’un transfert. Kyrie Irving, parmi les titulaires pour le All-Star Game, affiche des moyennes de 27,1 points, 5,1 rebonds et 5,3 passes cette saison, à 48,6% au tir et 37,4% à trois points. Une poignée prétendant se présentera à coup sûr.
Parmi elles, la plus évidente est celle de son ancien coéquipier : LeBron James. Les Lakers faisaient déjà figure de favoris pour récupérer celui qui a contribué, avec le « King », au titre des Cavaliers en 2016. Leur positionnement devrait rester le même cette fois-ci.
Au-delà de la proximité entre James et Irving, Los Angeles a plusieurs raisons de se pencher sur le dossier. La première est sportive. 12e de la Conférence Ouest avec un bilan négatif, les Champions 2020 cherchent à se renforcer à la trade deadline pour assurer leur qualification en Playoffs et raviver les espoirs de titre. L’arrivée d’un joueur d’un tel calibre, sans doute la plus grosse cible à la portée des Lakers, pourrait permettre de débloquer la situation.
La seconde raison relève plutôt de la composition de l’effectif, sur le terrain et dans les livres de comptes. La franchise californienne a exploré le marché pendant tout l’été pour Russell Westbrook, lui aussi dans la dernière année de son contrat, qui a été relégué sur le banc cette saison. Un transfert entre les deux meneurs, avec de quoi faire passer la pilule pour les Nets, apparaît comme la piste la plus crédible.
Derrière les Angelinos, d’autres candidats devraient se manifester. Les Mavericks, notamment, sont attendus sur le dossier, d’après le journaliste Marc Stein. Entourer Luka Doncic est un défi constant pour Dallas, qui pourrait voir en Irving le futur partenaire de sa jeune star.
Les Texans disposent de plusieurs éléments qui pourraient intéresser Brooklyn, comme Tim Hardaway Jr ou Christian Wood. Ils bénéficient par ailleurs d’une certaine flexibilité avec leurs tours de Draft qui pourrait faciliter les négociations. Mais, à l’instar de la plupart des concurrents, les Mavericks se montreront sans doute réticents à l’idée de sacrifier des assets pour récupérer Irving.
Phoenix fait également partie des pistes évoquées par Shams Charania. Déjà mentionnés sur l’affaire cet été, les Suns pourraient par exemple monter un package tournant autour de Deandre Ayton et Jae Crowder. Bien que cela semble hautement improbable, ils pourraient aussi proposer un swap avec leur propre meneur, Chris Paul.
D’autres franchises, à l’image du Heat et des Raptors, pourraient éventuellement finir par rejoindre la course avant la deadline.
Quel impact tout cela aura-t-il sur Kevin Durant et les Nets ?
Cet été, les envies d’ailleurs de Kyrie Irving avaient précédé celles de Kevin Durant. Les deux stars, arrivées au même moment à Brooklyn, ont conservé un lien fort malgré les nombreuses épreuves qu’elles ont traversé. S’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, ce deuxième épisode pourrait ainsi pousser KD à renouveler sa demande lui aussi.
Pendant l’intersaison, les Nets n’étaient pas parvenus à trouver une porte de sortie assez grande pour leur ailier. Il reste en effet trois ans de contrat au joueur, qui touchera environ 150 millions d’ici 2026. Son statut sportif et contractuel fait de lui une pièce d’une valeur inédite et donc particulièrement difficile à marchander. Réaliser un tel transfert dans les six prochains jours relèverait dès lors de l’exploit.

Le départ de Kevin Durant, même en cas de demande de trade, semble ainsi très incertain — pour ne pas dire impossible. Dans un premier temps, il y a déjà peu de chances que le double champion NBA en arrive là.
Sur une belle trajectoire depuis la promotion de Jacque Vaughn en tant que coach en chef, les Nets sont actuellement à la 4e place de la Conférence Est. Dans une équipe convaincante, il apparaît alors peu probable que l’athlète de 34 ans se lance à corps perdu dans un nouveau projet, au beau milieu de la saison, et en s’engageant vraisemblablement pour les trois années à venir. En particulier depuis l’infirmerie, où il soigne pour le moment son genou.
L’avenir du collectif dans sa globalité dépendra plutôt des suites de la demande de Kyrie Irving. À Brooklyn, le casse-tête devient un peu plus complexe chaque trimestre, si bien que l’affaire à laquelle nous faisons face aujourd’hui est presque incompréhensible. Mais le sable continuant de s’écouler à l’approche de la trade deadline, la solution de l’énigme ne se fera pas attendre longtemps.