Draft 2022 : un quatuor de premier plan

Chet Holmgren, Paolo Banchero, Jaden Ivey, Jabari Smith Jr

par Florian Tixier

Alors que les Playoffs NBA battent leur plein, de nombreux Front Offices n’ont d’yeux que sur la Draft depuis déjà quelques mois. Le tableau se dessine peu à peu, avec un quatuor de tête qui semble se dégager du reste des candidats.

Le 23 juin se tiendra la Draft 2022 au Barclays center de Brooklyn. Après une saison NCAA palpitante, portée par le titre de Kansas ou encore la dernière épopée de coach K chez les Blue Devils, les regards se tournent désormais sur les futurs talents de la NBA.

Une Draft certes attendue, comme chaque année, mais bien moins scrutée que d’autres éditions pour plusieurs raisons. Coincée entre une cuvée 2021 qui s’est avérée incroyablement profonde et talentueuse, et une Draft 2023 annoncée comme la prochaine cuvée générationnelle, les prospects de 2022 semblent un cran en dessous. Aucun talent de « tier 1 » — a priori capable de porter, à terme, une équipe au titre — ne semble se détacher, à l’image de Cunningham l’année dernière, ou Wembanyama et Henderson dans un futur proche.

Malgré tout, cette cuvée pourrait se révéler très prometteuse sur le moyen/long terme, particulièrement grâce à quatre talents jugés de premier plan, quatre prospects que nous allons disséquer dans ce premier article.

Chet Holmgren

Freshman (20 ans) – Gonzaga – P/AF – Top 4

Annoncé top 1 depuis plusieurs années, Chet descendra-t-il de son trône ? Photo : Brian Rothmuller/Icon Sportswire/Getty Images

Chet Holmgren, voilà un nom bien connu du basket international. Licorne annoncée depuis le lycée, jusqu’à jouer les yeux dans les yeux avec Curry à son camp en 2019, Chet possède déjà un palmarès impressionnant : Minnesota Mr Basketball, All-American, National Player of the Year au lycée et bien sûr MVP du FIBA U19 face à la France de Vivctor Wembanyama en 2021.

La qualité principale de Chet, celle qui saute tout de suite aux yeux, est son physique. Avec ses 2,15 m pour plus de 2,30 m d’envergure, l’intérieur de Gonzaga est extrêmement long. Il en a conscience et sait s’en servir.

Beaucoup le voient à travers le prisme de ses highlights de handle, de tirs lointains et de ses qualités d’arrière, mais Holmgren est avant tout un défenseur. Une silhouette longiligne, une verticalité à toute épreuve, un sens du contre rare et un placement/QI défensif hors du commun… le jeune intérieur a tout d’un défenseur générationnel. Le genre qu’on ne voit arriver qu’une fois par décennie.

Sa mobilité lui permet de switcher et de ne pas se faire cibler par les arrières adverses. Il fait les efforts nécessaires et sait défendre sans faire de fautes. Chet est parfaitement conscient de ses qualités et ses défauts sur le plan physique. En conséquence, il a appris à rester bras en l’air sans sauter à tout va pour chercher le contre. Il se sait assez dissuasif pour gêner tout type de tir de cette manière, une qualité assez impressionnante pour son âge.

Alors qu’un tel prospect pourrait pécher de l’autre côté du terrain, l’intérieur champion du monde fait saliver les fans de basket par ses qualités d’arrière absolument anormales pour sa taille. Son potentiel offensif est difficile à définir. L’intérieur est capable de tirer efficacement en catch and shoot derrière la ligne, de porter une contre-attaque ou de driver de lourds pivots grâce à un handle surprenant. Son skillset, compte tenu de sa taille, est clairement unique.

Malgré tout, Chet est assez intelligent pour ne pas trop en faire, il dispose d’une grande capacité de compréhension, tant dans le jeu que dans la perception de son rôle. Il ne cherche pas à jouer tous les ballons, trouve les mismatchs et ne perd jamais de vue sa mission principale : protéger son cercle. Nul doute que son passage dans la prestigieuse organisation des Bulldogs l’a fait progresser encore plus.

Parmi les points négatifs, car il y en a, son physique. Lorsque l’on regarde Holmgren, sa taille ne peut nous échapper, tout comme sa masse musculaire. 2,15 m pour à peine 90 kilos, Chet est léger, très léger. Il est certes encore jeune et son physique peut se densifier — comme Gobert ou Antetokounmpo à leur arrivée en NBA —, mais son morphotype ne laisse pas présager un physique de titan dans le futur.

Ce physique lui impose un centre de gravité très haut et donc une tendance à exploser sur les contacts puissants au poste. De quoi effrayer plus d’un spécialiste. Il faut tout de même nuancer. On l’a vu cette année capable de tenir les plus gros bébés de NCAA tout en montrant une faculté à tourner ses hanches et à garder les bras toujours levés face à tout type de physique.

Ce qui inquiète encore davantage, c’est son profil offensif. Certes surprenant par ses skills d’arrière, Chet ne sera surement jamais capable d’être la première option offensive d’une équipe. Incapable de créer par lui-même sur de gros volumes, Chet a besoin d’un solide créateur pour lui trouver ses mismatchs et ses tirs ouverts afin qu’il puisse, à terme, dépasser la vingtaine de points de moyenne. Ses highlights ne doivent pas survendre son profil offensif.

Chet serait top 4 dans à peu près n’importe quelle Draft par son profil unique. Il a tout le potentiel d’un futur DPOY et de quoi, dès ses premiers matchs, devenir l’ancre défensive de n’importe quelle équipe. Malgré tout, attention à ne pas acheter le prospect pour en attendre une première option offensive, ce serait se tromper sur la marchandise.

Comparaisons :

  • Incomparable, un profil unique
  • Un potentiel défensif jamais vu depuis Anthony Davis en 2012
  • Kristaps Porzingis avec un très grand QI défensif

Paolo Banchero

Freshman (19 ans) — Duke — AF – Top 4

Paolo Banchero, sans doute le prospect le plus NBA ready de la cuvée 2022. Photo : Kevin C. Cox/Getty Images

Paolo contre Chet, c’est le duel annoncé depuis des mois pour le top pick de cette Draft.

Un duel entre un grand défenseur générationnel et une bête offensive, physique et technique. Une confrontation qui a tourné en faveur de l’Italien en novembre dernier au terme d’un match accroché entre deux formations.

Dernier top prospect de coach K, Banchero a assuré le leadership des Blue Devils avec plus de 17 points, 8 rebonds et 3 passes, menant sa formation jusqu’au Final Four. Malheureusement, face au rival historique de North Carolina, son match époustouflant n’a pas suffi.

2,08 m pour 106 kilos, Banchero est un vrai ailier fort, doté d’une puissance et d’une mobilité qui laissent présager un futur brillant dans la grande ligue. Habitué à dominer dès le lycée par un physique clairement en avance sur ses adversaires, l’Italien a su montrer que l’adversité plus physique de la NCAA ne lui posait aucun souci.

Technique et avec de solides fondamentaux, Paolo dispose d’un footwork impressionnant, un post/face up game efficace et d’un tir en développement (34 % à trois points cette année). Tous ces éléments font de lui une potentielle première option offensive en NBA. Sa capacité à scorer dans n’importe quelle situation font de lui un potentiel très bon lieutenant dans une équipe compétitive, ce qui est déjà impressionnant.

Sa capacité à créer de l’attaque depuis le poste 4 est une qualité très recherchée dans la NBA actuelle. Capable d’étirer le jeu grâce à un petit tir en développement, une capacité à trouver ses coéquipiers et d’amorcer une contre-attaque, on dispose ici d’un prospect de premier plan.

Paolo est un leader par l’effort. On ne voit que lui sur le terrain tant il dégage une énergie de tous les instants et sa défense assez hasardeuse sera compensée, s’il le veut bien, par cette énergie débordante.

Malgré tout, on ne voit pas en Paolo ce potentiel de superstar que pouvaient afficher Cade Cunningham, Zion Williamson ou Luka Doncic. Un premier pas assez lent l’empêche de passer ce cap. Son potentiel de blessures inquiète également, lui qui a tendance à perdre des litres et des litres d’eau durant l’effort. Son début de saison à Duke était notamment marqué par des crampes assez douloureuses sur la fin de ses matchs, allant jusqu’à perdre 4 kilos par match à cause d’une transpiration excessive !

Finalement, Paolo Banchero demeure un profil de premier plan, une option offensive qu’il serait criminel de laisser passer. C’est la représentation du forward mis en avant par la NBA depuis quelques années. Destiné à performer depuis son plus jeune âge, il appartient à une famille de champions sportifs et connait le rythme et les exigences du haut niveau. Le voir descendre hors du top 4 parait impossible.

Comparaisons :

  • Chris Webber
  • David West/Carlos Boozer en plus fort
  • Un Blake Griffin moins aérien, mais beaucoup plus technique

Jaden Ivey

Sophomore (20 ans) – Purdue – A – Top 4

Tient-on en Ivey la prochaine bombe athlétique de la NBA ? Photo : Michael Conroy/AP Photo

Jaden Ivey sera surement le joueur le plus âgé sélectionné dans les hauteurs de la prochaine Draft. Sophomore de Purdue et membre de la All-NCAA Second Team 2022, Ivey a su porter la formation des Boilermakers jusqu’au Sweet Sixteen de la dernière March Madness.

S’il fallait récompenser la meilleure progression NCAA cette année, Ivey serait surement parti avec le trophée. Alors qu’il avait décidé de retirer son nom de la Draft au dernier moment l’an dernier, l’international américain est passé de 11 points et 1 passe à plus de 17 points et 3 passes de moyenne. Avec des actions d’éclat et plusieurs matchs référence, comme face à Rutgers début 2022, l’arrière a fait grimper sa côte.

L’arrière de 1,93 m est devenu un clair tier 1 offensif en quelques mois grâce à deux qualités premières : son athlétisme et son tir.

Son athlétisme est déjà connu de tous depuis quelques années. Capable de fulgurances aériennes complètement folles, Jaden Ivey profite d’un premier pas extrêmement rapide qui lui permet de déposer le premier rideau assez facilement pour ensuite jouer au-dessus du cercle pour passer le second rideau — à la manière d’un Ja Morant. Ajoutez une finition au cercle élite comme il l’a montré cette année, on obtient un scoreur sur jeu rapide assez impressionnant. C’était en tout cas inscrit sur son scouting report l’an dernier.

Cette année, l’arrière de Purdue a montré une belle progression dans deux autres compartiments essentiels pour la NBA : la gestion du Pick and roll et son shoot à longue distance. Alors qu’on le qualifiait de simple pétard ambulant athlétique l’an dernier, Ivey est désormais capable de poser la balle au sol pour driver et trouver ses coéquipiers sur Pick and roll. De plus en plus, ses tirs en pull up gagnent en fiabilité (de 25% à 36% à 3points), qualité requise pour passer un cap chez les guards en NBA.

En clair il est passé d’un arrière athlétique à un potentiel à un leader offensif, excellent sur Pick and roll et jeu rapide, deux qualités essentielles pour performer en NBA.

Malheureusement, Jaden Ivey est surtout un scoreur et, pour l’instant, pas grand-chose d’autre. On peut aisément imaginer une progression dans d’autres domaines, mais son potentiel en tant que créateur de premier ordre, de stoppeur défensif ou de couteau suisse n’a rien d’évident.

Les détracteurs d’Ivey lui reprochent un système clairement fait pour performer : seul gros talent sur la ligne arrière des Boilermakers, Ivey profitait de forwards intelligents et bon poseur d’écrans comme Zach Edey ou Trevion Williams.

Par son profil et sa progression, on a tendance à projeter du Ja Morant en Jaden Ivey. Seulement, la création qu’amène un Morant n’est pas à la portée de tous. Il lui faudra énormément progresser dans sa gestion et son handle s’il est amené à jouer meneur de jeu, ce que son talent offensif et sa relative petite taille (1,93 m) lui imposeront sans doute.

En clair, on retrouve en Ivey un sophomore, certes, mais un deuxième année qui reste très jeune — à peu près le même âge que Holmgren. Son potentiel offensif lui permet de se démarquer, mais assumer de véritables responsabilités en NBA lui prendra du temps. Habitué à jouer les seconds couteaux chez Team USA ou dans sa première année à Purdue, il faudra lui trouver le bon rôle. Il se situera sans doute à mi-chemin entre celui d’un joueur auquel on confierait tous les ballons et celui d’un extérieur amené à jouer à côté d’un gestionnaire.

Comparaisons :

  • Ja Morant moins gestionnaire
  • Dwyane Wade
  • Donovan Mitchell

Jabari Smith Jr

Freshman (19 ans) — Auburn — AF – Top 4

Entre Kevin Durant et Davis Bertans, la ligne pourrait être très fine. Photo : John Reed/USA Today Sports

Attention à la hype. Annoncé top 20 en début d’année, de nombreux sites spécialisés voient ce prospect désormais clair premier choix pour juin prochain. Mais qui est donc Jabari Smith Jr ?

Ailier fort d’à peine 19 ans, Jabari Smith Jr représente la plus grande sensation d’Auburn depuis un certain Charles Barkley en 1984. Fils de l’ancien intérieur des Kings et Sixers Jabari Smith, Junior représente l’archétype de l’intérieur NBA moderne qui fait saliver les franchises.

Mesuré à 2,08 m avec une envergure dépassant les 2,17 m, Jabari Smith Jr doit sa côte à un talent tout particulier : son poignet.

Leader de la formation surprenante d’Auburn durant la saison, Smith est une anomalie de la nature, un Freak qui peut atteindre les 2,10 m et qui tire dans tous les sens. 17 points de moyenne à 45 % au tir, dont 42 % à trois points (!), pour un joueur de sa taille et de son âge, ces stats sont totalement anormales.

Surtout, lorsque l’on regarde les matchs, on s’aperçoit que Smith est ce que l’on appelle un « Bad Shot Maker ». C’est à lui que reviennent les tirs en fin de possession, lorsque l’équipe est bloquée et qu’il faut tirer. Prise à deux, tirs en suspension sur plusieurs défenseurs, en déséquilibre, à trois points ou deux mètres derrière… Smith est un shooter hallucinant à qui sa taille confère un statut unique. Il dispose d’une confiance absolue en son tir et d’une mentalité à toute épreuve, lui qui a su rentrer des tirs compliqués tout au long de la saison.

Côté défensif, Smith ne rassure pas toujours. Parfois fainéant et avare d’efforts, il a tous les symptômes d’un prospect qui assume une grande charge offensive. Malgré tout, on voit des flashs de protection de cercle convaincants. Ils pourraient clairement séduire des franchises qui voudraient l’utiliser à la manière d’un Jaren Jackson Jr ou d’un Giannis Antetokounmpo — des libéraux qui patrouillent dans la raquette pour constituer un second rideau très dynamique.

Mais Smith peut-il vraiment scorer au-delà de son tir ? Du haut de ses 2,08 m, son profil de shooter est d’une grande rareté. Seulement, il pourrait le condamner à devenir un role player, chargé de tirer en fin de chaine à l’échelon supérieur alors que le ballon reste entre les mains de créateurs largement plus compétents que lui.

L’intérieur d’Auburn n’attaque pas vraiment le cercle. Il ne dispose pas non plus d’un handle suffisant pour créer de l’espace et ne semble pas assez friand de contact pour driver et se créer des opportunités sur la ligne des lancers francs. À un cheveu du statut de Seven footer, son incapacité à scorer dans la raquette pose un sérieux doute sur son futur.

Sa défense ne rassure pas non plus les scouts. S’il peut protéger son cercle, on le voit à la peine sur des switchs en NCAA lorsqu’il est amené à défendre au large. Sa mobilité est assez limitée, avec une rotation de hanche et une rapidité de pieds insuffisante pour suivre les handle des petits.

Il existe peu de joueurs comme Jabari Smith en NBA. Sa capacité à shooter dans toutes les positions pour sa taille lui confère un potentiel offensif suffisant pour lui assurer une sélection dans le top 4. Cependant, les doutes concernant son utilisation et surtout sa capacité à performer en dehors de sa zone de confort l’amèneront peut-être sur un rôle de simple shooter de poste 5, capable d’étirer le terrain, alors que son potentiel pourrait l’amener beaucoup plus haut. N’est pas Kevin Durant qui veut.

Comparaisons :

  • Rashard Lewis
  • Jaren Jackson Jr moins bon défensivement
  • Kristaps Porzingis dans le côté grand shooter frustrant

Photo de couverture : Brian Rothmuller/Icon Sportswire via Getty Images

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