Du haut de ses montagnes, Denver espère atteindre le sommet

par Teddy Perez

Denver est à l’aube d’une nouvelle saison dans les hauteurs de l’Ouest. Son collectif est bien rodé et possède désormais dans son rang le premier MVP de l’histoire de la franchise en Nikola Jokic. Plus attendu que jamais, ce dernier devra s’employer à maintenir le navire dans la bonne direction. Son équipage n’a pas vraiment changé entre ces deux voyages, mais cela n’a pas l’air de desservir les objectifs des Nuggets, bien au contraire ! Comme chaque contender, Denver n’a que les Playoffs en ligne de mire.

Plutôt habitué à gérer sa régulière, l’effectif expérimenté pourrait néanmoins se retrouver un peu plus en difficulté le temps de s’adapter à une vie sans Jamal Murray. C’est là où se situe sa principale faille. Un jeune matelot est alors destiné à se hisser parmi des chefs de bord du groupe, c’est évidemment Michael Porter Jr.

2020-21 : Entre absence et récompense, les Nuggets restent sur leur faim

Après avoir perdu finales de conférence en septembre 2020 contre les Lakers futurs champions, l’effectif de Michael Malone repartait au combat. Le coach — installé depuis 2015 sur le banc des Nuggets — est un vieux de la vieille qui, fut un temps, a eu peur pour sa place lorsque Denver enchaîné les contre-performances en postseason. Époque révolue pour celui qui a démarré l’aventure dans le Colorado en même temps qu’un certain Nikola Jokic.

Le fait marquant de la saison dernière, c’est évidemment le titre de MVP de Nikola Jokic. Le serbe a réalisé une régulière de très haut niveau en compilant 26,4 points, 10,8 rebonds et 8,3 passes décisives. Tout simplement les statistiques les plus élevées de toute sa carrière dans ces trois catégories. En classant sa franchise troisième de l’Ouest et en participant à l’intégralité des matchs de la saison, Nikola Jokic a surclassé les autres candidats à ce trophée, y compris le gros Embiid.

On se souvient particulièrement de deux performances réalisées durant la même semaine. Celle des 47 points et 12 rebonds dans une victoire face au Jazz. Puis la seconde, à la limite de la boulimie, en déplacement à Sacramento et que l’on avait pu admirer un dimanche à heure européenne. Ce soir-là, le Joker avait inscrit 50 points, en plus des 12 assists et 8 rebonds sans pour autant arracher la victoire contre des Kings bizarrement doués au basketball.

Nikola Jokic, de 41e pick à MVP de la saison régulière. Photo : Dustin Bradford / Getty Images

À la trade deadline, les Nuggets avaient essayé de se renforcer en vue des Playoffs. Histoire d’apporter un peu plus de viande et de l’athlétisme dans sa raquette, la franchise avait marchandé avec Cleveland et le Magic. En place depuis 2014, Gary Harris a été envoyé à Disney en échange de JaVale McGee et Aaron Gordon. Austin Rivers, en provenance de New York City s’est aussi joint à la fête.

Mais alors que tout semblait parfait pour les Nuggets, la dure loi de l’injustice d’une saison en haut niveau leur a joué un tour. Jamal Murray s’est blessé au mois d’avril, moins de deux mois avant les Playoffs. Le combo guard de talent, qui avait régalé dans le bulle de Disney, a dû laisser son équipe au pire des moments.

Grâce à leur MVP et un collectif toujours très bien huilé, Denver a réussi à passer un tour face aux Blazers. Mais après cela, ils ont sévèrement échoué contre les Suns. L’absence du deuxième meilleur joueur de l’équipe a cruellement défailli aux Nuggets.

Sans filer, ils se sont fait balayer 4-0 en demi-finales de conférence. Un nouveau parcours en postseason qui confirme son statut parmi les équipes les plus redoutables de la NBA. Denver monte en puissance, a eu ses coups d’arrêt, mais la franchise est promise a une énième saison dans les hauteurs de l’Ouest.

Intersaison : Peu de mouvements dans les rocheuses

ArrivéesDéparts
Jeff GreenPaul Millsap
Nah’Shon HylandJaVale McGee
Petr Cornelie

Denver n’a pas grandement recruté cet été. Au contraire, elle a prolongé de nombreux joueurs et repart ainsi à l’attaque avec quasiment le même roster. Will Barton, JaMychal Green et Austin Rivers, des joueurs qui ont roulé leur bosse en NBA, poursuivent l’aventure dans un projet sain et ambitieux. Une aventure dans laquelle ils ont carrément leur place puisque, en soutien de Jokic et de Porter Jr, ils devront assurer une part belle du scoring des Nuggets. Les trois joueurs sont capables de tourner à plus de dix points de moyenne malgré leur « simple » statut de role player. JaMychal et Will ont d’ailleurs respectivement inscrit plus de 8 et 12 points l’année passée. À eux de réitérer l’expérience cette saison !

La nouvelle majeure de l’été est tombée il y a encore peu dans le Colorado. Michael Porter Jr a obtenu une extension de contrat maximale qui lui rapportera jusqu’à 207 millions de dollars sur cinq ans. Drafté en 2018, ce n’est qu’un an après que MPJ a démarré sa carrière en NBA. En deux ans, la jeune pépite aurait donc convaincu la direction des Nuggets pour lui offrir tout ce pactole. Sans Jamal Murray, absent pour une durée indéterminée, MPJ devrait dès à présent justifier de son contrat exorbitant. Les attentes sont énormes, mais les conditions sont idéales pour qu’il puisse s’imposer comme la seconde option d’une équipe de haut du tableau. De ce qu’on a pu déjà voir de lui, la plus grosse frayeur est le de voir de nouveau trop s’appuyer sur ses acquis.

Après une extension de contrat maximale, Michael Porter Jr est attendu au tournant cette saison. Photo : Isaiah J. Downing / USA TODAY Sports

Petr Cornélie débarque aussi aux Nuggets. Avec ses 2,11 m, l’intérieur médaillé olympique ajoute un peu de taille et apporte ses belles qualités de rebondeurs au sein d’un roster qui en a bien besoin. Sélectionné en 53e position lors de la Draft 2016, notre frenchie fera enfin ses débuts dans la grande ligue et dans une équipe très compétitive. En two way contract, Petr ne pouvait sans doute rêver mieux, surtout lorsque l’on observe la petite concurrence à son poste ! Pour trouver le bon front court qui composera sa second unit, on espère que Mike Malone optera pour le choix cornélien.

Sur le plan des départs, la randonnée de JaVale McGee dans le Colorado s’est rapidement terminée. Le pivot en Or aux derniers JO file dans l’Arizona. Une perte légèrement regrettable pour le joueur qui avait fait ses classes à Denver par le passé et qui apportait, malgré tout, un peu de taille et l’expérience d’un champion dans ce roster.

Les Nuggets ont également salué Paul Millsap, parti sur les rotules choper sa bague aux Nets. All-Star durant ses quatre années à Atlanta, il n’a pas connu le même succès lors de son passage — de même durée — à Denver. Notre Polo n’a jamais été le second homme fort tant espéré pour faire passer un cap aux Nuggets. Il s’en va avec un bilan mitigé, mais tout de même de belles prouesses dans le Colorado. La franchise l’a remplacé, poste pour poste, en attirant le vétéran Jeff Green dans ses montagnes.

La blessure de Jamal Murray laisse à repenser l’attaque des Nuggets

Tout comme la connexion dans ses montagnes, le jeu de Denver est lent. La pace de l’équipe était de 97,74 la saison dernière, soit la 27e de la ligue, et cela ne devrait pas aller en s’arrangeant. En plein contraste avec la NBA d’aujourd’hui, les Nuggets imposent un rythme de croisière à leurs adversaires. Mais cela est à s’y méprendre puisque l’effectif ne manque pas d’atouts en attaque. Un côté du terrain qui a la chance de ne pas être oublié, lui.

On l’a fait remarquer précédemment, les Nuggets ont en leur rang une multitude de scoreurs sur les lignes arrière et sur les ailes. Mais pour guider ce petit monde, deux meneurs très respectables s’y colleront. Monte Morris et l’Argentin Facundo Campazzo. Ces deux-là ne valent pas Jamal, mais ils assurent pas mal ! Ce ne sont pas d’énormes marqueurs, mais ce n’est pas non plus ce qu’on leur demande d’être. Ils devront gérer le tempo des offensives des Nuggets, aussi bien sur jeu placé où l’équipe excelle que sur jeu rapide. Autant vous dire que les minutes qu’ils gagneront cette saison devront être mises au service du collectif. Peut-être que l’absence de Murray sera le moment pour les Nuggets d’accélérer leur jeu et de bousculer leur fonctionnement. Cela passe par les meneurs, mais pas que…

Comment les Nuggets gèreront-ils l’absence de Jamal Murray en saison régulière ? Photo : Tony Gutierrez / Associated Press

Net leader d’attaque, Nikola Jokic est désormais secondé par Michael Porter Jr. Un joueur qui ne possède pas une relation aussi directe avec Jokic que Murray. Cela permettra sans doute de modifier les systèmes avec des ballons plus souvent dans les mains du Porter de talent. Michael devra apprendre à évoluer dans un nouveau rôle, lui qui a échoué dans ce costume lors des derniers Playoffs. Cette fois-ci, il devra être prêt mentalement, mais aussi physiquement où les doutes persistent quand on connaît ses antécédents. L’homme est un joyau brut promis aux plus belles perspectives individuelles. S’il veut s’y tenir, cela commence par réussir une belle saison de niveau All-Star dès l’an prochain.

Le calendrier du retour de Jamal Murray sur les parquets est, pour l’heure, inconnu. On aime dire que, pour ce type de joueur, il est préférable de le voir arriver à 100 % pour les Playoffs qu’un peu plus tôt dans la saison sans être remis totalement de sa blessure. Les Nuggets disposent en effet d’une marge de manœuvre en l’absence de Jamal Murray et pourraient se passer de lui durant une bonne partie de la régulière. Cela aurait des conséquences indéniables sur les résultats du collectif, mais il serait inenvisageable de les voir hors de la zone des Playoffs.

De plus, le fait que Denver n’ait pas changer le squelette de son effectif joue en sa faveur lorsque Jamal Murray fera son come-back sur les terrains. Il reviendra au sein d’une équipe où il a déjà ses marques. Oui, lui et ses coéquipiers devront retrouver le rythme et les automatismes qu’ils avaient créés ensemble. Mais cela est à nuancer par rapport à des organisations bien moins structurées, aux projets plus changeants que ce qui se fait à Denver.

« Nikola Jokic dépendance » en attaque, mais aussi en défense

Le MVP de l’an passé a été un monument offensif dans toute la ligue. Un OVNI, un magicien, un patron pour sa franchise. Aujourd’hui plus que jamais, il est la pierre angulaire de l’attaque des montagnards.

Capable de marquer de près comme de loin, avec un défenseur sur le nez ou en complet déséquilibre, le Joker joue de mauvais tours à ses adversaires. Roi de la passe, il voit tout et contrôle l’attaque placée de Denver. Dangereux en pick and roll et peut-être encore davantage en pick and pop, Jokic est une menace à bien des égards sur les parquets NBA, sa cour préférée. Justement, lorsqu’il y est présent, l’attaque l’offensive rating des Nuggets augmente de 6,6. Si on rapporte également sa présence sur le terrain en 100 possessions, il permettrait à son équipe d’inscrire 130 points. Le plus haut total de la franchise.

Pour autant, l’engouement justifié des statistiques offensives ne cache en rien les trous d’air défensif. Les Nuggets sous Jokic, c’est 46,6 % des shoots adverses qui sont contestés, soit le pire bilan de la ligue.

À défaut d’avoir un panel de joueurs spécialisés dans la défense, Denver devra s’appuyer sur la force de tout un collectif dans cette tâche. Jokic et MPJ, mais pas seulement, se sont permis quelques largesses dans ce secteur. Bien plus intéressés par mettre le ballon dans le panier plutôt que de protéger le leur, les joueurs ne peuvent plus délaisser la défense pour réaliser les objectifs qu’ils se fixent. Il ne faudrait pas tomber sur une année où les Nuggets font du Nuggets et finissent de nouveau dès les premiers tours de postseason. Cela ne leur suffit plus.

La défense, l’axe de progression principal des Nuggets. Photo : Ron Chenoy / USA TODAY Sports

Nous sommes un peu sévères. Les ailes des Nuggets sont composées de joueurs polyvalents, capables d’alterner sur plusieurs postes et de se prêter à des missions défensives importantes. Là où le titulaire indiscutable Michael Porter Jr ne remplie pas cette case dans son CV, son remplaçant plus ou moins attitré PJ Dozier est un potentiel fort défenseur.

De même, arrivé en cours de saison l’an passé, Aaron Gordon n’est pas simplement là pour dunker. Esseulé sur le front court, il devra assurer avec ses moyens l’intendance défensive. Athlétique et volontaire, Gordon se retrouva sans doute dépassé sur de nombreux affrontements, mais il devra faire de son mieux pour sauver ce qu’il y a à sauver.

Car le problème est bien là ! Nikola Jokic n’a jamais performé sur cette partie du terrain. Un fait auquel les Nuggets se sont malheureusement accoutumés. Le serbe ne possède pas de réelle doublure à l’intérieur. Déjà que cela posera problème en attaque, c’est encore pire en défense puisqu’aucun homme ne peut au moins relever le niveau défensif et se mettre à protéger le cercle.

Oui, il y a un certain Bol Bol qui traîne depuis deux dans le roster. Mais doit-on vraiment compter sur cette perche qui a pour le moment un peu plus de 50 matchs dans les pattes ? Pour le « fils de », c’est en tout cas le moment où jamais d’enfin faire décoller sa carrière NBA. Cela en va de même pour notre frenchie Cornelie. Si l’on espère le voir briguer quelques minutes sur le parquet, la réalité pourra être toute autre pour ce rookie en NBA.

Nikola Jokic prend donc toute la place dans la physionomie de l’effectif. En l’absence de Murray, l’attaque des Nuggets passera encore plus par lui la saison prochaine. Intérieur faiseur de jeu, un rôle ultra-rare dans notre sport, mais c’est bien pour cela que Jokic est unique en son genre. En défense aussi, Jokic, transforme complètement le jeu de son équipe. Sa présence est pénalisante et le fait qu’il n’ait pas de vrai back-up est une problématique à laquelle Denver n’a pas trouvé de réelle solution. C’est certainement là-dessus que le Front Office et le coaching staff doit se concentrer pour dépasser ses limites.

Le 5 de départ potentiel

  • MJ : Jamal Murray
  • A : Will Barton
  • AI : Michael Porter Jr
  • AF : Aaron Gordon
  • P : Nikola Jokic

Notre pronostic : 50-32 (6e)

La confiance est modérée pour cette équipe qui s’est installée parmi les plus abouties et régulières de la NBA. Denver compose le peloton de challengers au titre depuis sérieusement trois ans, mais n’arrive pas à franchir cette marche qui la sépare des grands favoris. Bis repetita cette saison ?

Ce statut de franchise de « petit marché » joue sûrement dans sa difficulté à relever le défi, surtout lorsque vient le moment des recrutements. Malgré cela, elle arrive néanmoins à construire un groupe très solide, formé autour d’un MVP surprise bien décidé à défendre son titre. Accompagné d’un collectif dévoué à sa cause, le Joker va de nouveau nous jouer de jolis tours, c’est une certitude. Mais son assistant principal manque à l’appel et cela se fera ressentir pour assurer le spectacle.

L’absence de Jamal Murray est véritablement la seule ombre au tableau des Nuggets. Mais sa portée paraît toutefois gigantesque. Dans la jungle de l’Ouest, nous plaçons donc l’effectif complet et de plus en plus expérimenté de Michael Malone à la sixième place, avec un bilan de 50 succès pour 32 chutes.

Photo : Garrett Ellwood / Getty Images

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