Les Nets sont l’une des équipes les plus impressionnantes de l’histoire de la NBA, sur le papier. Mais le basketball ne se joue pas sur le papier. Il se joue sur le terrain. Brooklyn recense de grands talents, mais devra faire face à de nombreux de challenges pour parvenir au succès. La route est pavée d’or, mais semée d’embûches.
2020-21 : Première phase d’expérimentation
La ligue était déjà bien excitée à l’idée de voir le duo Durant — Irving en action. Entourés par un cast profond et talentueux, ils se positionnent alors comme des contenders crédibles, du même acabit que les champions en titre à Los Angeles. Seulement, l’effectif des Nets n’est qu’en fait qu’une ébauche encore bien éloignée de sa forme finale.
Le 14 janvier, après une longue période de tension entre les Rockets et leur Franchise Player, James Harden pose ses valises à Brooklyn. Les Nets sacrifient leurs jeunes talents et leur avenir à la Draft pour ajouter une troisième superstar à leur groupe. Ce n’est que l’aboutissement de la stratégie du Front Office, qui avait la ferme intention de former un Big Three plutôt que de se satisfaire d’un Big Two.
L’évolution de l’effectif ne s’arrête pas là. Le 8 mars, c’est au tour de Blake Griffon de se joindre à l’aventure après son buyout avec les Pistons. 20 jours plus tard, vient alors LaMarcus Aldridge. Les deux vétérans, All-Stars dans un passé pas si lointain, se contentent du minimum dans le respect de la tradition du ring chasing.
Griffin s’est vite imposé dans la rotation, grâce à son physique et des qualités athlétiques partiellement retrouvées. Cependant, l’histoire est moins belle pour Aldridge, forcé de quitter l’équipe et même de prendre sa retraite après 5 matches à cause de problèmes de cœur.
Rapidement, l’équipe est criblée par les blessures et régulièrement bloquée par le protocole sanitaire. Ainsi, Kevin Durant, James Harden et Kyrie Irving peinent à trouver du temps pour développer une alchimie. Le Big Three ne joue que 8 matches ensemble. Sur le plan individuel, la saison des 3 joueurs est toutefois très réussie.
Kevin Durant reste le leader incontesté de cette équipe sur les 35 matches qu’il dispute. Il affiche des moyennes de 26,9 points, 7,1 rebonds et 5,6 passes à 53,7 % au tir, dont 45 % à trois points. Des statistiques très impressionnantes qui représentent bien la réalité du terrain. Alors qu’il revient tout juste de sa rupture du tendon d’Achille, tout semble facile pour Durant. Il domine match après match.
James Harden dispute, lui, 36 rencontres avec l’équipe. Très sollicité à partir de son arrivée, avec 36,6 minutes par match en moyenne, il étonne par son niveau à la mène. Au-delà de ses 24,6 points quotidiens, il attrape 8,5 rebonds et distribue 10,9 passes par match. Il s’impose rapidement comme le chef d’orchestre de ce collectif.
Kyrie Irving est le joueur le plus régulier. Globalement épargné par les blessures, il délivre 54 matches d’excellente facture. 26,9 points, 6 passes, 4,8 rebonds à 50,6 %, dont 40,2 % à trois points. Tout cela avec un taux de réussite de 92,2 % aux lancers francs, des chiffres simplement historiques.
Joe Harris reste une arme affûtée pour les Nets. Toujours à son spot quand la défense adverse se concentre sur les stars, il termine la saison sur une moyenne de 14,1 points à 47,5 % à trois points. Bruce Brown, lui, se démarque par sa défense. Tout fonctionne parfaitement pour Brooklyn, en dehors de l’infirmerie. Ils arrivent au terme de l’exercice avec un bilan de 48-24 et une deuxième place à l’Est.
En Playoffs, ils se montrent impitoyables avec les Celtics. Le Big Three est absolument monumental face à une équipe de Boston affaiblie par la perte de Jaylen Brown. 32,6 points et 7,4 rebonds à 54,6 % au tir et 50 % à trois points pour Durant. 27,8 points, 10,6 passes et 7,2 rebonds à 55,6 % au tir et 47,5 % à trois points en ce qui concerne Harden. Pour Irving, c’est 24,8 points et 6,4 rebonds à 48,4 % au tir et 38,8 % à trois points. Des chiffres absolument terrifiants lorsqu’ils sont mis côte à côte. Un Tatum à 50 points évite le sweep, mais les Nets n’ont besoin que de 5 matches pour passer en demi-finales de Conférence.
Face aux Bucks, ce n’est pas tout à fait la même histoire. James Harden se blesse aux ischiojambiers au début de la série, et revient alors qu’il n’est pas encore rétabli. Résultat : il plafonne à 10,8 points à 30,6 % au tir, dont 19,2 % à trois points, qu’il tente de compenser tant bien que mal avec son jeu de passe. La série de Kyrie Irving — qui, lui, affiche un bon niveau de jeu — s’arrête malheureusement au Game 4, la conséquence d’une chute qui lui coûte sa cheville. Pendant ce temps, Joe Harris déjoue complètement. Il score 9,6 points par match à 32,7 % à trois points. Autour de Kevin Durant, rien ne va.
Dans ces obscures conditions, l’ailier des Nets brille encore plus fort. 35,4 points, 10,6 rebonds, 5,4 passes par match, à 49,8 % au tir, dont 35,2 % à trois points. Seul, il tient tête aux Bucks. Derrière sa performance à 49 points dans le Game 5, il arrive à une victoire des Finales NBA. Toutefois, et ce malgré ses 48 points dans le Game 7, des Bucks en meilleure forme finissent par sortir les Nets du tableau. Une amère déception pour ce groupe rongé par les blessures.
Intersaison : Les gros marchés mènent la belle vie
Arrivées | Départs |
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Paul Millsap | Spencer Dinwiddie |
LaMarcus Aldridge | DeAndre Jordan |
Patty Mills | Jeff Green |
Cameron Thomas | Landry Shamet |
Day’Ron Sharpe | |
James Johnson | |
Jevon Carter |
À l’intersaison, les Nets connaissent le marché et savent qu’ils pourront facilement attirer d’excellents renforts à un prix risible. Ainsi, ils laissent partir un Spencer Dinwiddie trop gourmand, DeAndre Jordan, Jeff Green et Landry Shamet.
À la Draft, Brooklyn fait son petit marché. Sean Marks sélectionne l’un des meilleurs scoreurs de la Draft en la personne de Cameron Thomas. Un profil parfait pour le banc qui vient juste de perdre son sixième homme. Avec le 29e choix, les Nets récupèrent Day’Ron Sharpe, un intérieur physique de 2,11m — le genre de profil auquel on trouve toujours une utilité.
Surtout, c’est bien sûr le plus important, la franchise met la main sur quelques vétérans plutôt intéressants. Le septuple All-Star LaMarcus Aldridge, rétabli, revient finir ce qu’il avait commencé à Brooklyn. Paul Millsap et ses quatre étoiles se joignent également à l’effectif, pour apporter du shoot et de la défense au poste 4.
La cerise sur le gâteau : l’équipe recrute Patty Mills. Le meneur sort d’une saison à 10,8 points et 2,4 passes de moyenne, à 37,5 % derrière l’arc. Sixième homme d’expérience avec les Spurs, il est tout ce dont les Nets ont besoin pour compenser le départ de Dinwiddie. Les arrivées de James Johnson et Jevon Carter sont plus anecdotiques, mais approfondissent encore l’effectif.
Trois stars, mais un millier de complications
Sur le terrain, les clés de la réussite de Brooklyn sont déjà là. La franchise dispose peut-être de la plus grande concentration de talents de l’histoire. Kevin Durant, James Harden et Kyrie Irving font clairement partie de l’élite de la ligue. Leur supporting cast est tout aussi impressionnant. Mais la question qui se pose est celle de la disponibilité. Qui jouera ? Et pour combien de matchs ?
Impossible de parler des Nets sans parler de la situation de Kyrie Irving, en constante une des médias depuis quelques semaines. Alors que le meneur refuse de se faire vacciner, la ville de New York exige un passeport vaccinal pour disputer les matches. Opposés à l’idée d’avoir un joueur à mi-temps, les Nets interdisent à Irving les rencontres et les entraînements « tant qu’il ne sera pas éligible pour être disponible à tous les matches ».
Le joueur ne se définit pas comme anti-vaccin, mais il est déterminé à maintenir sa position. « J’ai choisi de ne pas me faire vacciner, c’était mon choix, et je vous demande juste à tous de respecter ce choix », a-t-il déclaré. Toutefois, ses coéquipiers semblent frustrés par sa décision. Kevin Durant et James Harden auraient été consultés au sujet de l’interdiction de jouer posée par les Nets. Une manœuvre qui donne l’impression d’un déchirement en interne.
Il se pourrait donc que Brooklyn ne retrouve pas Irving d’ici la fin de la saison. À moins que celui-ci change d’avis, ou que la politique locale soit revue. Compte tenu de la frustration de ses coéquipiers, on pourrait même se risquer à dire qu’Irving a potentiellement joué ses derniers matches avec les Nets. Même inactif, il pèse pour 35 millions de dollars dans le bilan comptable de l’équipe, le prix d’une superstar. La piste d’un transfert, notamment avec Ben Simmons, est régulièrement évoquée dans la presse, bien qu’il ne soit pour l’instant question que de rumeurs.
Avec une star en moins, l’effectif des Nets paraît bien moins menaçant, quoiqu’il reste compétitif. Mais il suffirait finalement que le problème se reporte sur un second cadre pour que la situation de la franchise passe d’inquiétante à alarmante.
Nous l’avons dit, la saison dernière, les apparitions du Big Three ont été rares. Sur l’ensemble de l’année, James Harden n’a disputé que 44 matches, entre son boycott aux Rockets, des blessures aux ischiojambiers et les problèmes de protocole sanitaire qui ont touché la plupart des équipes. Kevin Durant, lui, a manqué plus de la moitié de la saison. Retenu un temps en quarantaine, il a également fait les frais d’une blessure aux ischio, et il ne faut pas oublier qu’il s’est tout juste remis d’une grave blessure.
Surtout, l’effectif des Nets est le deuxième plus âgé de la ligue, à égalité avec le Heat — mais loin derrière les Lakers, évidemment. Avec une moyenne de 28,9 ans pour leurs joueurs, le risque de blessure est grand et pourrait plomber les espoirs de la franchise.
LaMarcus Aldridge | 36 ans |
Paul Millsap | 36 ans |
James Johnson | 34 ans |
Kevin Durant | 33 ans |
Patty Mills | 33 ans |
James Harden | 32 ans |
Blake Griffin | 32 ans |
Joe Harris | 30 ans |
La grande majorité des cadres de l’équipe ont dépassé la barre des 30 ans. Seuls Bruce Brown (25 ans) et éventuellement Cameron Thomas (20 ans) échappent à la règle. Kyrie Irving est, lui, en fin de vingtaine, mais cela n’a pas une grande importance. De plus, les joueurs qui rajeunissent l’effectif — Day’Ron Sharpe, Kessler Edwards, David Duke, Brandon Rachal, Jordan Bowden — ne se verront probablement pas attribuer de véritables responsabilités.
La plupart des observateurs disent s’inquiéter pour les Lakers à cause du facteur de l’âge. Alors, peut-être que les Nets devraient également les inquiéter. L’effectif est assez talentueux pour que les vétérans puissent être ménagés en saison régulière, mais la moindre perte pourrait coûter très cher en Playoffs.
La réussite des Nets ne dépendra pas tant de ce que les joueurs font sur le terrain. Elle dépendra de SI les joueurs sont sur le terrain. La santé doit être la priorité de l’équipe. C’est elle qui déterminera les chances de Brooklyn le moment venu.
La plus grande menace offensive de la ligue
Soit, les Nets ne sont pas parfaits. Leur défense pourrait d’ailleurs poser question. Toutefois, la victoire au basket repose sur un unique principe simplissime : il faut marquer plus de points que son adversaire. Leurs adversaires devraient se régaler au scoring cette année encore, mais ce ne sera jamais un problème si leur attaque compense cette faiblesse.
En 2020-21, les Nets étaient la 7e équipe en nombre de trois points marqués par match avec 14,2. Plus impressionnant encore, ils étaient deuxièmes en termes de pourcentage de réussite du haut de leurs 39,2 %. Tout cela, rappelons-le, alors que le Big Three n’a disputé que 8 rencontres en saison régulière.
Inutile de revenir sur les chiffres de Kevin Durant, James Harden et éventuellement Kyrie Irving. Les Nets détiennent là trois des meilleurs attaquants de l’histoire de la ligue, entourés par des joueurs particulièrement doués sur le plan offensif. Joe Harris, LaMarcus Aldridge, Blake Griffin, Paul Millsap, Patty Mills, Cameron Thomas… les armes ne manquent pas, et cela pourrait bien faire de Brooklyn la plus grande menace offensive de la ligue.
Dans cette équipe reposant essentiellement sur le star-power, le jeu en isolation est particulièrement fréquent. Avec 9,9 % des possessions menées en iso, les hommes de Steve Nash se positionnent en deuxième position dans ce classement statistique. Cela a du sens compte tenu du profil de leurs attaquants, mais aussi du manque logique d’alchimie entre les membres de l’équipe.
Dans la deuxième année de leur projet, les Nets peuvent peut-être encore progresser. Avec une meilleure connexion entre les joueurs et une meilleure circulation du ballon, cette attaque pourrait encore s’améliorer. Ce sera au coaching staff de faire au mieux, en prenant en considération les facteurs de risque que nous avons évoqué précédemment. Et si Brooklyn n’avait pas encore atteint son plafond ?
Le 5 de départ potentiel
- MJ : James Harden
- A : Kyrie Irving — Bruce Brown
- AI : Joe Harris
- AF : Kevin Durant
- P : Blake Griffin
Notre pronostic : 59-23 (1ers)
Pour que les Nets gagnent, il faudra que les étoiles s’alignent. Les stars et les vétérans doivent rester sur le terrain, c’est le premier challenge. Ils doivent s’entendre, en voilà un second, peut-être superflu. Une fois ces problématiques résolues, il se pourrait que l’armada de Brooklyn soit tout simplement invincible.
En partant du principe que la chance sourira à cette équipe particulièrement fragile, ils devraient s’imposer en haut de leur conférence. Les blessures pourraient rapidement diminuer leur force, nous sommes des optimistes.
Photo : Brian Babineau / NBAE via Getty Images