Les Kings ont du talent, mais ils manquent d’identité

par Benjamin Moubeche

Dans la capitale administrative de la Californie, le temps défile lentement. Losers historiques, les rois déchus ne déçoivent plus personne, la défaite est désormais la norme. Comme une malédiction, l’échec leur colle à la peau année après année.

S’il y a bien une chose rare à Sacramento, c’est l’espoir. Pourtant, comptant en leurs rangs une poignée de jeunes prometteurs, les Kings osent rêver. Le chemin sera long et semé d’embûches, mais qui sait ? Peut-être un jour pourront-ils renouer avec la victoire. Pour cela, il n’existe pas de formule magique : il faudra du travail et, certainement, un grand changement.

2020-21 : La quinzième, sans surprise

Les saisons passent et se ressemblent à Sacramento. Cela fait désormais 15 ans que la capitale Californienne n’a pas vu les Playoffs — la plus longue série de l’histoire de la ligue à égalité avec les Clippers au siècle dernier.

Les Kings terminent la saison avec un bilan de 31 victoires pour 41 défaites, dans leurs standards. Avec une défense si friable, impossible d’espérer le moindre résultat. Ce n’est pas nécessairement que le talent manque, mais plutôt l’envie. Trop souvent Sacramento semble apathique, dépassé, et se laisse dominer de son propre côté du terrain.

Pour son retour en Californie, Hassan Whiteside se montre particulièrement décevant. Il ne dispute que 36 matchs pour des moyennes de 8,1 points et 6 rebonds. C’est sans doute lui qui incarne le mieux le manque d’envie de cette équipe.

De son côté, Marvin Bagley a toujours du mal à rester debout. Rongé par les blessures, l’intérieur manque de nombreux matchs à cause de nouveaux problèmes médicaux. Sur 226 possibles depuis sa Draft, il n’a disputé que 118 rencontres au total. Depuis sa saison rookie, il n’a pas montré de véritable signe de progression non plus. Bien loin des attentes qui ont été placées en lui lors de sa Draft en 2e position 3 ans plus tôt, le projet Bagley semble voué à l’échec.

Marvin Bagley sera-t-il un jour capable de disputer une saison complète ? Photo : Ashley Landis / Associated Press

Buddy Hield et Harrison Barnes, eux, réalisent une saison tout à fait honorable, mais rien qui ne sorte de leurs standards — ce dont Sacramento aurait pourtant bien besoin. À l’exception de sept heureux élus, aucun joueur de l’équipe ne dispute plus de 36 matchs. Au sein de cet effectif partagé entre médiocrité, stagnation et instabilité, impossible de trouver la moindre alchimie collective.

Cependant, même les Kings ont le droit au bonheur. Le positif est rare, mais il y en a ! Comme chaque année, s’il y a bien un joueur qui sort du lot, c’est De’Aaron Fox. Ses moyennes statistiques en témoignent : 25,2 points, 7,2 passes, 3,5 rebonds et 1,5 interception à 47,7 % au tir. Ailleurs, il aurait peut-être été All-Star. Mais à Sacramento, sa maturité et son sens du jeu sont gâchés par des résultats collectifs trop faibles. Pourtant, Fox semble faire tout ce qu’il faut pour apporter la victoire aux siens.

La surprise de la saison des Kings n’est autre que Tyrese Haliburton. Candidat au titre de Rookie of the Year tout au long de la saison, le meneur de 21 ans impressionne. Au-delà de ses 13 points de moyenne à 40,9% à trois points, il fait preuve d’une maturité extraordinaire pour un joueur de première année. À un stade, il se fait même une place parmi les titulaires pour une vingtaine de matchs. Porteur d’espoirs, le joyau Haliburton fait la fierté de son équipe.

Si De’Aaron Fox est un joueur brillant, il ne pourra pas sauver les Kings seul. Photo : Cary Edmondson / USA TODAY Sports

Un peu plus vieux, Richaun Holmes réalise lui aussi l’exercice le plus abouti de sa carrière. Ses 14,2 points et 8,3 rebonds par match, à 63,7 % au tir, égayent un secteur intérieur bien triste. Dans la raquette, Holmes est l’ancre des Kings des deux côtés du terrain. Fiable et régulier, il fait le plus grand bien au collectif décousu de Sacramento.

Intersaison : Un été léger, mais sans prise de risque

ArrivéesDéparts
Davion MitchellDelon Wright
Tristan ThompsonHassan Whiteside
Alex LenJustin James
Nemias Queta

Compte tenu de leur situation sportive et de l’attractivité de leur marché, les Kings ne peuvent pas s’imaginer que la Free Agency règlera tous leurs problèmes. La tête sur les épaules, le GM Monte McNair garde le sens des priorités.

Tout d’abord, Sacramento sécurise son agent libre le plus important, Richaun Holmes, sur un contrat de 4 ans pour 46 millions de dollars. Le surprenant Terence Davis s’accorde avec le Front Office sur un contrat de 2 ans pour 8 millions de dollars. Moe Harkless accepte une offre similaire.

Ces trois re-signatures marquent le succès des Kings cet été. Ils ne laissent ainsi partir que trois joueurs négligeables dans leur projet, et préservent les joueurs dont ils ont besoin pour des montants raisonnables.

La franchise a même le droit à quelques bonnes surprises. En échange de Delon Wright, qui se serait de toute manière retrouvé sur un poste très encombré cette année, Sacramento fait venir Tristan Thomspon. Alex Len retrouve également Sactown et vient lui aussi renforcer le secteur faible de l’équipe.

Le soir de la Draft, les Kings font, en revanche, un choix très critiqué : celui de Davion Mitchell. Champion NCAA avec Baylor cette année, Mitchell a certainement des choses à apporter à l’effectif. Toutefois, la sélection d’un meneur intrigue, dans la mesure où Sacramento compte déjà sur De’Aaron Fox et Tyrese Haliburton à ce poste. La Draft de Nemias Queta — si elle permet à l’équipe d’étendre drastiquement sa fanbase portugaise — est, elle, plus anecdotique.

Facteur X : Une question d’identité

Avec Fox, Haliburton, Hield, Barnes, Holmes, Thompson, Mitchell et peut-être même Bagley, l’effectif des Kings est plus talentueux que ce que son bilan collectif laisse entendre. Bien sûr, cet effectif ne ressemble en rien à celui d’un potentiel champion, mais après 15 ans sans Playoffs, Sacramento ne voit pas si loin. Ce dont la franchise a un besoin urgent, c’est de renouer avec la victoire.

Il se dresse bien sûr de nombreux obstacles sur le chemin, mais le plus important d’entre eux est sans doute le manque d’identité de l’équipe. Certains joueurs semblent véritablement ambitieux, essentiellement Fox, mais ces ambitions ne se sont pas transmises à l’ensemble de l’équipe.

Il faut avant tout pointer du doigt l’instabilité de cet effectif, qui a tendance à se renouveler trop souvent et qui se heurte à de nombreuses blessures. Trop rarement réunis, ils n’ont pas encore réussi à établir une quelconque forme de culture collective.

Trop instables, les Kings peinent à construire un projet qui tient la route. Photo : Cary Edmondson / USA TODAY Sports

L’année dernière, aucun joueur de l’équipe n’a disputé l’intégralité de la saison — à un match près pour Buddy Hield. Fox, Barnes et Haliburton ont chacun manqué une quinzaine de rencontres, 11 pour Holmes. En ce qui concerne Marvin Bagley et Cory Joseph, il s’agit d’une trentaine. Et comme précisé précédemment, aucun des 17 autres joueurs ayant enfilé la tunique des Kings cette saison n’a joué plus de 36 matchs.

Dans ce contexte, Sacramento ne peut pas devenir un véritable collectif. Il ne s’agit, malheureusement, que d’un ensemble d’individualités. Sur ce point, peut-être qu’une intersaison peu agitée permettra de créer un semblant de continuité, qui pourrait aboutir à terme à la définition d’une réelle identité.

Le problème n’est pas seulement collectif. Certains de leurs éléments ne semblent pas avoir une mentalité assez forte pour que le groupe puisse cultiver une sorte de culture de la victoire, mais il est souvent difficile de le leur reprocher.

Marvin Bagley fait sans doute partie du problème, mais ses nombreuses blessures sont une excuse plus que valable, de même que les bruits incessants concernant son potentiel trade. Il en va de même pour Buddy Hield et Harrison Barnes, au centre des rumeurs de transfert cette année. Qu’ils correspondent ou non à l’identité que Sacramento voudrait se forger n’est plus tant le problème. Avec tant d’histoires pour perturber le vestiaire, peut-être est-il temps de trancher une bonne fois pour toute.

Hield, Barnes et Bagley — respectivement les 2e, 3e et 4e plus gros salaires de la franchise derrière Fox — ont ils vraiment leur place dans ce projet à long terme ? Rien n’est moins sûr. Plus âgés que leurs principaux coéquipiers et constamment ciblés par les rumeurs, voire les négociations, ils ne voient certainement pas leur avenir en violet. Quelle que soit la réponse, il est en tout cas nécessaire d’en apporter une. Mieux vaut tard que jamais.

De la même manière, les Kings doivent cesser de douter de leur coaching staff. Les critiques à propos de Luke Walton sont nombreuses, et la plupart d’entre elles sont sans doute justifiées. Que Walton soit l’entraîneur dont cette équipe a besoin ou non, il est également temps de trancher.

Dans leur quête d’identité, les Kings seront confrontés à des questions difficiles. Photo : Rocky Widner / NBAE via Getty Images

Qui faut-il transférer ? Sur qui faut-il miser sur le long terme ? Sacramento doit profiter de la saison à venir pour répondre à ces questions — éventuellement trouver des solutions si besoin —  pour enfin trouver son identité.

La franchise semble avoir conscience de cette problématique et tente déjà d’y remédier. En plus des re-signatures de l’été, l’arrivée de Tristan Thompson, champion NBA en 2016, va dans ce sens. La Draft de Davion Mitchell, fort compétiteur et meneur d’hommes réputé, s’inscrit également dans cette volonté.

La plupart des problèmes des Kings pourraient bien être résolus par un changement d’identité drastique. Sacramento a fait un premier pas dans cette direction cet été, même si ces solutions semblent encore trop restreintes. La plaie est profonde et demandera sans doute plus d’une saison à guérir, mais le jeu en vaut la chandelle.

Faire de la défense une priorité

Dans ce changement d’identité, le plus important sera probablement de faire de la défense une priorité. Pour le moment, il serait déjà bon que les Kings s’en inquiètent un tant soit peu.

On dit que l’attaque fait gagner des matchs, tandis que la défense fait gagner des titres. Apparemment, cette formule a ses limites. En effet, Sacramento est une équipe relativement efficace sur le plan offensif. Leur Offensive Rating de 112,7 en fait la 12e meilleure attaque de la ligue. Là où les jeunes rois pêchent, c’est de leur propre côté du terrain.

Avec 117,2 points encaissés sur 100 possessions, Sacramento était tout simplement la pire défense de la ligue l’année dernière. La cause de l’échec des Kings est là, et ce problème doit être la première préoccupation du staff et des joueurs.

En premier lieu, il manque quelque chose dans la raquette, c’est évident. Avec 41,4 rebonds par match, dont 32 en défense, les Kings sont les pires rebondeurs de la ligue. Un tier des tirs dans la raquette ne sont pas défendus, ce qui offre de trop belles occasions à leurs adversaires.

Les arrivées de Tristan Thompson et d’Alex Len devraient faire le plus grand bien à l’équipe sur ce point. À plus de 10 rebonds par match sur ses bonnes saisons, Thompson pourra compenser à sa mesure les lacunes de Sacramento. Avec Richaun Holmes devant lui, le poste 5 semble assuré.

Davion Mitchell et Tristan Thompson pourront-ils changer la donne à Sacramento ? Photo : Rich Pedroncelli / AP Photo

Comme si cela ne suffisait pas, les Kings affichent également le plus faible pourcentage de tirs défendus en 2020-21. Ça, ainsi que leur faiblesse au rebond, traduit un manque d’envie flagrant. C’est ici que commencent leurs problèmes identitaires, ainsi que leurs axes d’amélioration.

Difficile d’imaginer un rookie transformer complètement la mentalité de ce collectif, mais l’arrivée de Davion Mitchell devrait déjà permettre de canaliser l’équipe en défense. Décrit comme un pitbull qui ne quitte jamais la balle des yeux, sa volonté pourrait s’avérer contagieuse.

Pour assurer leur succès sur le court comme sur le long terme, les Kings doivent avant tout travailler sur leur défense. Contrairement aux idées reçues, la défense fait bel et bien gagner des matchs. Sans cela, impossible de croire réellement en le moindre objectif.

Le 5 de départ potentiel

  • MJ : De’Aaron Fox
  • A : Terence Davis
  • AI : Buddy Hield
  • AF : Harrison Barnes
  • P : Richaun Holmes

Notre pronostic : 34-48 (11e)

Cette saison, le nouveau système de la NBA pourrait jouer en faveur de Sacramento. Soit, l’équipe se cherche encore et doit encore résoudre de nombreux problèmes, mais elle doit tout de même chercher la victoire.

Pour les Kings, l’objectif du play-in semble plutôt réaliste. Ils ne partent certainement pas favoris pour décrocher leur ticket pour les Playoffs, mais les surprises sont les bienvenues. Après tout, peut-être que l’impact de Davion Mitchell et de Tristan Thompson dépassera les attentes. Il suffirait que Sacramento se mette à défendre pour rendre le tournoi de fin de saison atteignable.

Il est de coutume de se montrer pessimiste avec les Kings, pour de bonnes raisons. Pour changer le regard des observateurs, à eux de briser la malédiction.

Photo : Rocky Widner / NBAE via Getty Images

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