Sur le terrain, les joueurs. Mais en dehors, c’est une toute autre équipe qui assure la vie d’un club. Entretien avec Mathias Priez, directeur des opérations du Paris Basketball, club ambitieux et moderne qui espère porter l’histoire du basket parisien en JEEP ELITE.
Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter pour les lecteurs qui ne vous connaissent pas ?
Je m’appelle Mathias Priez, j’ai 31 ans et je suis directeur des opérations du Paris Basketball depuis septembre dernier. J’ai rejoint cette aventure en octobre 2018, dès la création du club. Je travaille d’une manière générale sur les aspects juridiques, administratifs et financiers et puis également sur d’autres domaines comme le marketing, la communication ou même la billetterie. J’ai aussi un rôle de relais entre les équipes en place et le président du club, David Kahn, qui est la majorité du temps aux États-Unis.
Pourquoi avez-vous décidé de rejoindre cette aventure ? Quels sont les aspects qui vous ont particulièrement attiré ?
Ce qui m’a particulièrement intéressé dans ce projet, c’est le potentiel qui est énorme parce qu’on parle de créer un club dans une ville prestigieuse et on part de zéro, c’est ça qui est vraiment séduisant. C’est toujours excitant d’embarquer dans une nouvelle aventure. J’ai aussi intégré ce projet, car il y a aussi le côté d’aventure entrepreneuriale qui m’a beaucoup attiré.
On a aussi le sentiment de peut-être contribuer à réussir là où beaucoup de personnes jusqu’à maintenant ont échoué. C’est-à-dire d’installer un club connu de basketball à Paris, qui marche et s’impose comme une institution. Il y a eu plusieurs clubs professionnels à Paris, mais aucun n’a réussi à s’imposer sur le long terme.
Vous possédez un storytelling très intéressant et très attractif pour un club de sport, mais vous vous appuyez aussi sur une culture basket parisienne très ancrée. Comment arrivez-vous à faire cohabiter tout ça ?
On a fait d’un défaut du club, le manque d’histoire, une force. Oui, notre club est jeune, il n’a que trois ans, mais nous sommes les héritiers d’une riche histoire du basket parisien. Cette histoire ne s’est pas écrite seulement sur les parquets, plutôt sur les différents playgrounds de la capitale. On a voulu dès le début incarner l’histoire du basketball parisien. Notre but est de s’adresser à tous ceux qui pratiquent tous les jours du basket sur les terrains ouverts, mais qui vont rarement voir des matchs de basket professionnels.
Ensuite, on essaie de développer un club qui n’est pas que du spectacle sportif. Nous voulons créer une marque à part entière qui possède une identité unique et reconnaissable. Pour bâtir cette marque, nous devons aller chercher le public nombreux qui est « street », « urbain », qui aime le basket, pas simplement en tant que sport, mais comme mode de vie. Nous avons pris ce virage dès la première saison en collaborant avec l’agence de communication Yard. Cette structure nous a beaucoup apporté, elle a l’habitude d’organiser des événements, concerts autour de cette culture urbaine.
Après, ce n’est pas facile de mobiliser ce public, car jusqu’à maintenant ce dernier n’est pas consommateur payant de spectacle sportif, donc ça ne peut pas être l’unique cible du club. Même s’il est vrai que notre communication, notamment sur nos réseaux sociaux, met vraiment en avant ce côté urbain et citoyen, qui est ancré dans son territoire. Aujourd’hui, nous sommes à Carpentier, mais demain on sera à Porte de la Chapelle, entre Paris et la Seine–Saint-Denis, donc c’est vraiment une identité urbaine qui nous correspond pleinement à notre avis.
Pouvez-vous nous présenter les missions d’un directeur des opérations d’un club de PRO B ?
Je dirais qu’il a beaucoup de missions assez générales qui touchent à mes domaines d’expertise qui sont la finance, l’administratif et le juridique. Je continue à faire ce que j’ai toujours fait au club, c’est-à-dire établir les contrats des joueurs et des partenariats et le suivi administratif et financier du club. À cela s’ajoutent des missions de supervision d’autres domaines tels que la billetterie, le marketing ou le développement RSE.
Il y a aussi de nombreuses missions hors poste, comme l’évènementiel et la logistique. C’est un poste qui demande énormément de flexibilité et d’investissement. Au club, nous travaillons vraiment en totale collaboration. Il n’y a pas d’espace cloisonné, tout le monde peut participer. J’essaie d’insuffler cette vision au quotidien, même si ce n’est pas facile pendant cette période complexe.
Lorsque l’on observe vos différents canaux de communication numérique, on remarque qu’il y a un véritable travail. Comment procédez-vous et quels sont vos objectifs ?
Effectivement, le digital est très important pour notre club. Notre but n’est pas de créer des consommateurs qui viennent acheter seulement des billets, nous voulons qu’ils suivent aussi l’actualité du club. Puis, dans un second plan, le but est de fédérer des individus qui ne vont pas forcément venir au match, mais qui vont porter le merchandising, voire des produits digitaux du club. Des choses qui n’ont rien à voir avec des places de matchs, comme notre playlist gratuite sur les différents réseaux sociaux.
Nous voulons sortir du schéma traditionnel qui est : on envoie une newsletter à des gens qui in fine vont acheter un billet. Proposer une expérience hors basket est primordial pour nous, car les propriétaires veulent faire du club une véritable marque, autant sportive que vestimentaire. Aujourd’hui on peut déjà acheter du Paris Basketball dans des magasins Adidas à New York. Les Américains achètent parce que c’est Paris et que le design leur plaît, l’aspect sportif n’a aucun impact.
Le club a la volonté de continuer à grandir sur les réseaux et d’arriver à unifier une communauté solide. Actuellement, le club est très présent sur Instagram, nous essayons d’amplifier la dynamique sur les autres réseaux. Nous travaillons sur cet aspect avec l’agence Yard. En tout cas, les ambitions sont assez grandes parce que selon nous, demain, le nombre de followers, d’une manière générale la place sur les réseaux sociaux, va être un critère économique important au même titre qu’une infrastructure sportive ou une structure administrative.
C’est un élément incontournable pour un club solide, mais aussi pour un club qui se retrouve en difficulté. Pour prendre exemple, les clubs parisiens de basket n’ont pas réussi à créer une image forte à l’image des nombreux changements de noms. Pour éviter cela, l’usage des réseaux sociaux va nous permettre de bâtir une identité et une communauté fortes.
Cette saison, tous les matchs à domicile du Paris Basketball sont retransmis sur la plateforme Twitch. Quelle est l’importance de cette initiative ?
À la base, le live Twitch est une initiative de la LNB et du Paris Basketball. Ce projet est le fruit d’un constat, le contexte sanitaire, la crise économique et la situation complexe des diffuseurs ont eu un impact très fort sur les droits télés du basket français. La volonté était donc de mixer au maximum la diffusion et de chercher un nouveau public. C’est pour cela qu’on a de la JEEP ÉLITE sur l’Équipe, de la PRO B sur Sport en France et Twitch.
Cette idée vient aussi du fait que l’an dernier, nous avons organisé une Fan’s Night le 8 mai, jour où la saison officielle de PRO B aurait dû se terminer. L’élément phare de cet évènement était une confrontation entre le Paris Basketball et Poitiers sur NBA 2K. Des joueurs du Paris Basketball Gaming ont participé à ce live, ainsi que des influenceurs et des gamers issus de l’univers du basket. Cela a beaucoup plu à la LNB et l’a poussé à développer ce concept.
En allant sur cette plateforme, on cherche à capter un public qui ne s’attend pas spécialement à consommer du basket, du moins pas du basket français. Le match est commenté par Eddie David et un co-commentateur, l’objectif est de proposer un commentaire de match ouvert et différent. Lors de ce live, on peut aussi bien parler de mode, de la NBA, des matchs de JEEP ÉLITE ou de musique. C’est une émission un peu iconoclaste et qui s’adresse à un public pluriel. C’est un programme qui plaît, car on est à chaque fois sur la home page de Twitch et on a dépassé la barre des 50 000 visiteurs libres.
On a observé que votre club misait beaucoup sur les matchs à thèmes comme l’Africa Game, quel est le but pour vous d’organiser ce type d’événement ?
C’est une pratique qui se fait souvent en NBA, c’était donc une volonté de David Kahn d’importer cela en France. Le but de ses matchs à thèmes est de s’adresser à chaque fois à une communauté spécifique ou de mettre en valeur un thème spécifique. Il est important de notifier que ce n’est pas forcément consacré à une communauté au sens sociologique comme pour le Nouvel An chinois. Cela peut aussi être des thèmes communs comme l’environnement avec le Green Game qu’on a inauguré l’année dernière avant la pandémie.
Lorsqu’on organise ses rencontres, nous savons que le public viendra pour deux raisons. Il viendra pour voir le match en lui-même, mais aussi voir un spectacle qu’il ne reverra pas un autre moment de la saison. On pousse vraiment pour créer un environnement spectaculaire pour que finalement on se rappelle quasiment plus des animations et du thème du match que de l’affiche sportive. C’est aussi un moyen de se faire connaître, découvrir des communautés et leurs leaders d’opinion. Par exemple, la dernière rencontre du Nouvel An chinois nous a permis de signer un partenariat avec un acteur important de la communauté asiatique.
Est-ce que les stratégies de la multinationale NBA ont une influence dans le développement du Paris Basketball ?
La NBA regorge d’innovations marketing qui peuvent être bénéfiques à notre jeune club. Le propriétaire du club, qui est un ancien General Manager de franchise NBA, essaie de nous inculquer les meilleures pratiques de la ligue américaine. La notion de show et de spectacle total nous influence beaucoup et ça se ressent. De même, la notion de marque NBA est inspirante, car aujourd’hui cette ligue est mondialement connue et populaire.
Néanmoins, il y a quelque chose qui est différent et qui ne changera pas, c’est l’aspect ligue fermé de la NBA. Cela change beaucoup de paramètres, c’est pour ça qu’il faut importer des idées de la NBA tout en gardant les spécificités françaises. En France l’équité sportive est plus marquée et il existe de nombreux derbys historiques propres aux championnats français. Donc il faut évoluer et s’inspirer de la NBA, tout en gardant une authenticité française.
La crise sanitaire et son huis clos ont mis un coup sur les clubs de sports professionnels. Comment faites-vous face à cette situation exceptionnelle ?
Oui cette crise inédite pousse tous les clubs français de basket à se réinventer. Les fans nous manquent beaucoup, on ne va pas se leurrer, organiser les matchs à huis clos et les faire vivre sur Twitch ne remplace les matchs avec du public. Après il y a eu des solutions qui ont vu le jour qui sont très intéressantes comme le développement des productions autonomes et la diffusion de rencontres sur la plateforme Twitch. Je pense que cela va rester tel un héritage de cette période si singulière. Le basket français va faire un bond en avant dans la manière de produire ses matchs.
Le Paris Basketball a réussi à se réinventer dans la relation avec les fans. Pour cela, on a créé un programme mensuel sur zoom pour les abonnés, ces derniers peuvent parler à des joueurs et des membres du club sur des thématiques précises. Le club a aussi mis en place l’Inside pass, ce concept permet aux abonnées de vivre le match de l’intérieur. Grâce à des contenus premiums comme une immersion dans le vestiaire ou sur le banc et les temps morts, mais aussi la possibilité de poser des questions en conférences de presse. Ce service se déroule sur WhatsApp, c’est un écran supplémentaire de la télévision ou de l’ordinateur qui permet de vivre une expérience de supporter plus forte. Malgré tout, notre but est de refaire venir le public à la Halle Carpentier.
L’ascension en JEEP ÉLITE est-elle une étape rapidement obligatoire pour l’évolution de votre club ?
Non, nous avançons à notre rythme. Mais aujourd’hui, on a une grosse étape qui est l’installation du club à la nouvelle Arena. Il faut que dans cette sublime arène, on ne soit plus en seconde division. Maintenant, le Paris Basketball est un projet à long terme. Lors de la première saison, le but n’était pas de monter en JEEP ÉLITE.
Lors de la deuxième saison, la saison a été suspendue avant les playoffs. Pour cette campagne, vu les difficultés économiques et l’incertitude de calendrier, c’était compliqué de partir sur un recrutement très ambitieux. Donc pour l’instant, on n’a pas vraiment eu d’opportunités directes d’accéder à la JEEP ÉLITE, mais pas de panique. Notre but est de construire le club petit à petit. Les résultats sportifs sont essentiels, mais ils sont aussi essentiels que l’image du club, aussi essentiel que le développement économique.
Pour finir, la question que tout le monde se pose : Sheck Wes au Paris Basketball, un coup marketing ou un véritable transfert ?
Je vous donne rendez-vous en mai 2021.
Photo : Lilian Bordron / L’Analyste via Paris Basketball On Air