Lukas Nicot, la nouvelle voix du basket français

par Arthur Godmet et Morgan Dossou

Figure intégrante du paysage médiatique basket en France, Lukas Nicot a accordé une interview-fleuve à l’Analyste. Une conversation passionnante sur le basket actuel dans l’Hexagone et ses axes de progression, entrecoupée de quelques anecdotes. Il nous a aussi fait part de sa vision sur l’ovni qu’est l’e-sport, qu’il commente avec tout autant d’entrain que la Jeep Elite.

Pouvez-vous vous présenter rapidement pour les personnes qui ne vous connaissent pas encore ?

Je m’appelle Lukas Nicot, je suis actuellement journaliste commentateur pour la chaîne Sport en France qui diffuse la Jeep Elite depuis cette année. Je travaille aussi pour la Fédération française de basket, où je commente de grands événements sur la saison comme la Coupe de France, des tournois 3×3 et des rencontres de e-sport durant les #FFBBHoopsLeague. Puis je travaille de temps en temps pour la Ligue nationale de basket pour des résumés de match et des commentaires d’actions. 

Quels sont les aspects positifs de la Jeep Élite d’après votre expérience et votre connaissance du basket européen et de la NBA ?

J’ai grandi comme beaucoup de jeunes en France avec la NBA, donc on est tout de suite confronté à l’attrait du sport américain avec cette dimension de sport-spectacle qui est très impliquée dans les mœurs des États-Unis. Beaucoup délaissent donc la Jeep Élite et c’est un peu regrettable dans la mesure où, en fait, c’est une forme d’ignorance au sujet du basket français. Quand on se penche un peu plus sur l’élite du basket français comme je l’ai fait, on se rend vite compte que le niveau de jeu proposé est fort intéressant, qu’il existe un véritable patrimoine, les joueurs et les équipes sont passionnants.

Il y a de vraies choses à raconter et à vivre dans ce sport en France. Donc pour moi c’est un véritable plaisir de le faire découvrir et de participer à l’expansion de cette discipline dans notre pays. Il y a tout à créer quasiment, notamment dans le domaine du digital, mais aussi dans le domaine du commentaire. Je suis fier de participer au rayonnement et à la médiatisation de la Jeep Élite et du basket français. 

Vous arrivez à commenter avec un côté street, très ambiance playground, d’où tirez-vous cette spécificité ? On ressent l’influence de Monclar.

Oui bien sûr, j’ai été inspiré par de grandes personnalités du basket français comme Jacques Monclar. Ce dernier est consultant et moi je me suis plus rapproché des exemples de journalistes et de commentateurs, car je voulais m’approcher de ces métiers plus jeunes. Donc mes inspirations étaient plutôt des journalistes commentateurs français comme David Cozette ou le célèbre commentateur de football, Grégoire Margotton. Ces exemples m’ont permis de devenir le commentateur que je suis aujourd’hui. Le côté « street » qu’on peut ressentir lorsque je commente provient de la NBA qui m’a inspiré, éduqué au sport et qui m’inspire toujours autant. J’ai vraiment été nourri par la NBA, plus jeune je regardais tous les jours avec envie le top 10. Cette ligue m’a aidé à façonner ma personnalité.

Un des commentateurs américains qui a eu un impact sur ma manière de commenter c’est Kyle Montgomery, l’ancien commentateur du Top 10 NBA et la nouvelle voix du 3×3 FIBA. Sa manière de s’exprimer, son usage des punchlines et sa bonne idée m’ont beaucoup inspiré. Ces personnalités m’ont inculqué beaucoup de valeurs et j’ai envie de les retranscrire dans le basket français. Le basket français a beaucoup de choses à dire et à montrer et j’ai envie d’apporter du show à tout cela, du spectacle, donner des surnoms aux joueurs. Cet aspect divertissement du sport manque en France car ce n’est pas dans nos codes, donc je veux l’instaurer grâce à mes commentaires. 

« Il y a de vraies choses à raconter et à vivre dans ce sport en France »

On a pu vous voir aux commentaires de la Hoops Rocket League. Que représente pour vous le e-sport et comment voyez-vous son expansion en France ? 

Le e-sport commence à prendre de l’ampleur en France, notamment dans l’écosystème du basketball français. Mais je pense qu’on est au début. Le basket français doit adopter ce tournant en termes de médiatisation, parce qu’on l’a peu vu sur les débuts du digital contrairement à la NBA qui a su saisir cette opportunité directement. Le monde de e-sport est vraiment au début de quelque chose, c’est la création donc tout reste à faire. L’avantage du e-sport est que c’est très visuel, on peut donc véritablement créer autour de ça. Il y a des personnalités qui commencent à émerger et on assiste aux prémices du monde professionnel dans ce domaine.

Je pense qu’il faut encore plus mettre en avant les personnalités de ces jeunes joueurs, cela va permettre de mieux s’identifier à eux. Le basket français ainsi que la Jeep Elite doivent se pencher sur ce phénomène. Je pense aussi que le basket français doit adopter ce tournant pour pouvoir capter cette génération totalement fan accro au e-sport et qui est fortement présente sur Twitch. Ce n’est pas pour rien que la NBA a commencé à investir massivement dans le e-sport avec la création de franchise, de compétitions à gros budget et d’événements impressionnants. Ils sont en train de créer un véritable univers autour de ça et de créer le show autour, il faut faire de même en France. Le e-sport c’est le monde de demain et le basket français doit saisir cette tendance.

Lukas Nicot aux commentaires de la FFBB Hoops League, compétition de e-sport. Photo : Lukas Nicot sur Instagram

On vous voit souvent avec des personnalités de YouTube et de Twitch comme Brisco ou Eddie David, que pensez-vous de leurs rôles dans la médiatisation du basket en France ?

Ces personnalités font du bien au basket français. Ce n’est pas pour rien qu’aujourd’hui des youtubeurs comme Eddie David, Brisco ou Hoopsidia marchent très bien. Ils permettent aux jeunes de découvrir le basket et ils rendent cette discipline cool. Ces créateurs de contenu apportent de la fraîcheur dans l’univers du basket et de ses médias. Ils arrivent à rendre accessible le basket à tous et c’est formidable. Ce n’est pas pour rien qu’ils cartonnent aujourd’hui, ils parlent aux jeunes, il s’adresse à un public qui a besoin de vivre des émotions avec des gens qui les guident. Aujourd’hui ça n’est pas pour rien que la LNB fait souvent appel à eux pour de grandes opérations, car elle a compris que ces youtubeurs et leurs communautés sont essentiels au développement de leurs ligues. Ces personnalités sont importantes selon moi et tout cela est représentatif du monde dans lequel on vit aujourd’hui, c’est à savoir gérer une communauté, rendre accessible les choses qui nous entourent. Et tout cela doit continuer dans ce sens-là. 

Que manque selon vous à la Jeep Élite pour devenir un championnat très suivi en France, à l’instar de la ligue 1 et du top 14 qui occupent une place importante dans le paysage sportif français ?

Cela va être très compliqué de rattraper la popularité et les audiences du football. Mais c’est assez surprenant de voir l’écart qui existe entre la médiatisation du basket français et d’autres sports tels que le tennis. Cela est très frustrant, car le basketball est une discipline spectaculaire, passionnante et si séduisante visuellement pour un public. Les médias qui ont ce rôle et le pouvoir de le rendre accessible l’ont très peu fait, voire pas du tout. Je pense que c’est l’aspect digital qui doit primer et permettre de mettre sur le devant de la scène le basket français. Le basket français a déjà raté le coche au moment où le monde des réseaux sociaux a commencé à être animé entre 2010 et 2015. Les acteurs du basket français n’ont pas su prendre le courant et on a vu qu’en parallèle la NBA s’est développée énormément sur les réseaux sociaux. Les highlights ont été popularisés à ce moment-là et aujourd’hui c’est un contenu consommé par tous et qui est devenu incontournable pour les fans de basket. Le basket français a loupé le coche numérique, mais aussi les canaux traditionnels car Canal et RMC ont renoncé à diffuser le basket en clair. Tout ceci a créé un véritable trou noir médiatique pendant 5-10 ans. Il faut donc rétablir la lumière sur notre basket national.

Les grandes chaînes doivent diffuser un peu plus de basket français, car ce n’est pas normal de se retrouver par exemple dans une coupe du monde en 2019 avec une affiche France vs États-Unis en quart de finale impossible à visionner en clair. Il faut éduquer les gens au basket et non pas leur dire « voilà une demi-finale ou une finale » avec très peu d’indications. Si on diffuse un peu plus tôt, qu’on accompagne le spectateur en lui expliquant les règles et les enjeux, il va plus facilement accrocher et apprécier les rencontres. Les chaînes de télévision ne doivent pas être frileuses et ne pas s’arrêter au simple chiffre d’audience. 

Pensez-vous que la NBA a un effet pervers sur le basket en France ? Il pousse des jeunes à s’inscrire au basket, mais d’un autre côté on a la sensation qu’il fait de l’ombre à la Jeep Élite.

C’est une question très intéressante. Il y a plus de 3 mois, j’étais convié à un événement de la FFBB qui s’appelle le Lab. Ce camp rassemble les meilleurs basketteurs, garçons et filles confondus, entre 16 et 18 ans. Il y avait des masterclass avec d’anciens et d’actuels joueurs internationaux français dont Lahaou Konaté, Florent Piétrus et Boris Diaw. Je me souviens que ce dernier a posé aux jeunes garçons du pôle France qui veulent aller en NBA et tous les jeunes joueurs ont levé la main. Il y a un effet pervers, oui et non, parce que je pense que rêver c’est quelque chose de normal quand on est sportif de haut niveau. Quand on est jeune un jeune homme ou une jeune femme, rêver c’est primordial.

C’est surtout pervers sur le public, qui se dit que personne ne s’intéresse à la Jeep Élite alors que c’est une ligue où les joueurs travaillent énormément pour atteindre le plus haut niveau qu’ils peuvent atteindre. La Jeep Élite gagnera en crédibilité en gardant les jeunes joueurs français plus longtemps et en attirant les talents du monde entier.

« Le basketball est une discipline spectaculaire, passionnante et si séduisante visuellement »

À l’instar de l’ASVEL, pensez-vous que les sections omnisports des clubs peuvent se multiplier à l’avenir pour maximiser leurs chances de performer au plus haut niveau européen ? 

Quand on aspire à devenir un grand d’Europe, c’est sûr qu’il faut savoir s’inspirer de ce qui a marché ailleurs et c’est vrai qu’en France on n’avait pas encore cette culture du club omnisport. Il y a eu de grandes équipes françaises qui ont gagné des titres européens, notamment Limoges en 1993, mais la France peine sur la scène européenne.  

L’ASVEL insuffle un vent nouveau en Jeep Élite en affirmant ses ambitions et son statut de puissance financière et sportive avec des recrues de très haut niveau. La fusion avec l’OL montre que l’ASVEL ambitionne un peu plus encore à devenir une véritable entreprise sportive qui va essayer de titiller les grands d’Europe qui sont déjà implantés depuis de nombreuses années.

Cela va être positif pour la Jeep Élite, car les autres clubs vont essayer de suivre le rythme même si cela n’est pas facile. On peut comparer cela au PSG qui a su rayonner avec une énorme puissance sur la Ligue 1, mais cela a été très dur pour les autres clubs de suivre la dynamique. Pour moi ça reste une bonne action, le projet de Tony Parker dynamise le basket français masculin et féminin, mais c’est encore le début à mon avis. 

Une question un peu plus personnelle, quel est votre meilleur souvenir basket en tant que commentateur ? 

Les premières expériences sont souvent les plus mémorables. La première fois qu’on m’a donné la chance de commenter du basket, c’était avec la FFBB sur le format Top 10 CourtCuts. Tous les mercredis, j’avais cette chance de commenter des actions de Nationale 1, 2 et 3 et j’ai pu créer un show selon mon style. C’était une expérience marquante et formatrice. Je pense aussi à ma première expérience en tant que commentateur à l’AccorHotels Arena pour une finale de Coupe de France U17 en 2017. Cette expérience opposait Chalon contre Cholet, c’était certes un match de jeunes, mais c’était une expérience si particulière. J’étais dans une arène immense, aux côtés d’un grand monsieur du basket, Frédéric Fauthoux, et c’était un match qui opposait de nombreuses pépites dont Killian Hayes.

Je retiens également ma première aux commentaires d’un tournoi 3×3 à Lyon, sur la Place Bellecour, en 2017. Je me souviens d’une belle ambiance et du sacre de l’équipe hors norme d’Amara Sy, figure du basket français, qui a ramené son frère Bandja Sy, Andrew Albicy et l’actuel Limougeaud Jerry Boutsiele. De plus c’était le moment où le 3×3 était éligible aux Jeux olympiques, c’est un super souvenir. Je pense aussi à mon premier match de Jeep Élite aux commentaires à Reims, avec Angelo Tsagarakis, en septembre.  À la fin de cette rencontre remportée par l’ASVEL, avec le MVP de la rencontre Norris Cole, on a fait un clin d’œil en direct à LeBron James qui disputait les Finales NBA. Tous ces souvenirs sont gravés à vie et j’ai hâte de vivre de nouvelles expériences. 

Lukas Nicot, à l’Urban PB de Poitiers. Photo : Lukas Nicot sur Instagram

On a pu vous voir notamment commenter des finales de Coupe de France U17, quel est votre avis sur la formation française de basket ? Et selon vous, quelles sont les jeunes pépites françaises ?

On a la chance en France d’avoir une ribambelle de jeunes profils très forts et prometteurs. On possède de très bons centres de formation, je pense à Cholet qui domine de manière impressionnante les débats dans les catégories de jeunes. Leur Académie Gautier est une véritable usine à talents. Du côté de Bourg-en-Bresse, je trouve très intéressant ce qui s’y fait autour de la formation des meneurs comme le jeune Hugo Benitez, qui a saisi sa chance en Jeep Élite après de nombreuses blessures. Il évolue en titulaire la mène alors qu’il a seulement 19 ans, c’est tout simplement incroyable. Une grosse pensée à Pierre Murtin, qui est décédé le 31 décembre dernier. Il était l’entraîneur des jeunes qui avait la Coupe de France U17 en 2018. C’est des personnalités comme ça qui créent de belles choses autour de ces structures pour les jeunes basketteurs.

Il y a bien sûr l’ASVEL, avec sa Tony Parker Adéquat Academy, qui produit de très bons joueurs tels que le talentueux Zacharie Risacher. Je pense évidemment à Victor Wembanyama du côté de Nanterre. On oublie souvent d’évoquer l’énorme travail de l’INSEP avec son Centre fédéral qui est en train de faire naître de grands joueurs et joueuses qui vont bientôt peupler notre Jeep Elite et peut être la NBA. Je pense qu’on est peut-être un des pays qui possèdent le plus grand nombre de pépites après les États-Unis.

Est-ce qu’il y a un joueur dont vous êtes particulièrement proche en Jeep Élite ? 

J’ai eu la chance effectivement d’avoir commenté à la Coupe de France U17, mais j’ai aussi fait le Top 10 CourtCuts. Du coup j’ai eu cette chance d’être en contact régulier avec certains joueurs comme Matthew Strazel, qui évolue à l’ASVEL, avec qui j’ai de bonnes connexions. Je suis en contact avec de nombreux joueurs de Cholet comme Karlton Dimanche ou Yoan Makoundou que je suis depuis son passage Marne-la-Vallée où on le surnommait « l’attraction », en référence à Disneyland Paris, car c’est un joueur avec un profil fou et ultra athlétique. Il y a aussi Yvan Février avec qui j’ai de très bons rapports.

Quelle est votre routine d’avant match ?

C’est très long avant de prendre l’antenne (rires). Chaque personne a sa façon de travailler. Moi je n’ai pas eu la chance d’avoir un mentor comme à cette époque du journalisme sportif dans les années 90-2000. En général, à cette époque, quand tu rentrais dans une chaîne tu étais dans la suite logique d’un Gilardi, tu travaillais un peu dans l’ombre de ces personnalités-là qui te faisaient apprendre le métier et qui te transmettaient alors leur manière de travailler. C’est vrai que j’ai dû apprendre solo car je n’ai pas été dans un média classique on va dire. Je me suis fait tout seul et j’ai créé ma propre routine de travail. 

J’utilise beaucoup de fiches sur toutes les équipes et les joueurs. Ça me prend énormément de temps de réaliser ces fiches, je ne compte pas mes heures. Je réfléchis aux actions importantes passées et à tous les angles possibles que je peux exploiter autour de l’équipe, s’il n’y a pas des blessés, des joueurs touchés par le Covid, des adversaires qui les embêtent depuis de nombreuses années, le nombre de victoires consécutives et d’autres paramètres. J’essaie de faire tenir tout cela sur une seule fiche. Car il ne faut pas énormément de fiches sinon on se perd vite lors du match. J’essaie aussi de dégoter des petites anecdotes marrantes et intéressantes pour proposer une expérience complète à l’auditeur. Mon but quand je commente un match, c’est d’être à la fois dans le spectacle, dans le show, mais aussi dans l’information et la découverte.

Photo : Lukas Nicot sur Instagram

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