Le 4 juin dernier, après une période d’arrêt totalement inédite dans l’histoire de la grande ligue américaine, les réseaux sociaux s’emballent et on comprend très vite qu’il se passe quelque chose. C’est peu dire… Après le tumulte causé par la pandémie, et alors que la NBA était l’une des premières ligues sportives à suspendre son activité, la saison va redémarrer après deux mois d’absence. La NBA communique rapidement le format qui sera mis en place pour la reprise de la compétition. 22 équipes, 13 à l’Ouest et 9 à l’Est. C’est l’excitation et l’impatience qui s’emparent des fans puis, soudain, on se rend compte que la franchise d’Atlanta ne fera pas partie des équipes qui iront chez Mickey le 30 juillet.
Pas de Trae Young, pas de DeAndre Hunter ou de Cam Reddish, mais surtout… Plus de Vince Carter. Hier seulement, l’ailier a rendu sa retraite officielle.
Vinsanity était le tout dernier joueur actif drafté dans les années 90. Il aura passé 22 ans sur les parquets NBA et deviendra, du haut de ses 43 ans, le 4e joueur le plus âgé de l’histoire. De 1998 à 2020, Vince aura joué dans huit équipes différentes, principalement les Toronto Raptors et les New Jersey Nets. Une carrière remarquable à 25 728 points, se plaçant ainsi parmi les 15 scoreurs les plus prolifiques de tous les temps. Mais Carter, c’est surtout un amour pour le jeu et un sens du spectacle inné. Un vrai « hooper », doté de qualités athlétiques absolument hors du commun. Vince Carter aura régalé les fans pendant une très grande partie de sa carrière, puis il deviendra « Uncle Vince » à l’approche de la quarantaine. Toujours capable de scorer, il sera surtout une pièce importante du vestiaire en apportant toute son expérience.
Après 1541 matchs, Vinsanity tire sa révérence sans avoir officiellement pu dire au revoir aux fans. Évidemment, il n’a pas été oublié et a un reçu un nombre incalculable de messages sur les réseaux pour lui dire au revoir et le remercier de ce qu’il a pu apporter au basketball. Et bien entendu, chez L’Analyste, nous n’avons pas non plus oublié de rendre un hommage à cette légende des parquets.
Fin 1990’s : The Carter Effect
Après un parcours universitaire d’une durée de trois ans dans la légendaire université de Caroline du Nord, Vincent Lamar Carter Jr se présente à la Draft 1998 avec un profil de voltigeur et scoreur. Chouchou du campus de Chapel Hill, Vince sait se faire apprécier avec son large sourire et son sens du spectacle. À 21 ans, après une saison à 15,6 points et des highlights dans tous les sens, l’arrière des Tar Heels est projeté très haut dans les Mock Drafts.
Le soir de la Draft, avec le 5e pick, ce sont les Golden State Warriors qui sélectionnent Vince. Il est aussitôt échangé contre son ancien coéquipier de UNC, Antawn Jamison, qui correspond mieux au projet des dubs. Carter est donc envoyé dans un autre pays, puisqu’il pose ses valises à Toronto, toute nouvelle franchise de la ligue fondée en 1995 et première équipe en dehors des États-Unis à intégrer la NBA. Le front office de la franchise salive déjà à l’idée de voir évoluer leur recrue et pense qu’il peut être celui qui pourra placer Toronto parmi les équipes à suivre dans les saisons à venir.
Cependant, la Draft 1998 se tient dans une ambiance particulière. En effet, alors que des négociations sont en cours entre le syndicat des joueurs NBA et les propriétaires des clubs pour discuter partage des revenus, des rumeurs de lockout pointent le bout de leur nez en coulisses. Ces rumeurs se confirment une semaine après la Draft puisque le 1er juillet 1998, la ligue annonce officiellement un lockout en raison des négociations brouillées entre les deux parties. Les fans devront prendre leur mal en patience avant de voir évoluer les jeunes recrues de la ligue dont Carter fait partie. Finalement, après de longs mois sans matchs, les deux parties trouvent un accord et ce n’est que le 5 février que Vince Carter foulera pour la première fois les parquets NBA.
Tout jeune, plein de fougue et pas du tout impressionné, l’arrière des Raptors est directement propulsé dans le starting five. Dès son premier panier, les commentateurs vanteront sa « great leaping ability », une caractéristique qui fera sa légende. Il marque d’ailleurs un coup d’éclat dès son premier match avec un alley-oop sur une passe de Charles Oakley. Après cette première rencontre, le front office des Raptors se frotte les mains et décide de donner les clés de l’attaque à Vince. Très peu suivi par les Canadiens, dans un pays où le hockey est le sport roi, Vince Carter et les Raptors vont donner une nouvelle dimension encore inédite du basketball au Canada.
Arborant leur magnifique maillot violet, même si les résultats de l’équipe sont médiocres, les joueurs montrent les dents. Le dinosaure présent sur l’avant de l’uniforme passe rapidement de bobo le dino à un vélociraptor affamé, digne de Jurassic Park. Rapidement, les Canadiens ne quittent plus leur écran pour suivre l’équipe, qui représente non pas leur ville de Toronto, mais surtout leur pays, aux côtés des Grizzlies de Vancouver. Carter propulse ainsi son sport dans une sphère encore inconnue dans le pays du sirop d’érable. Le nombre de licenciés augmente en flèche, on voit de plus en plus d’enfants jouer dans la rue. Surtout, on voit le Air Canada Center se remplir et faire salle comble pour assister aux matchs de l’équipe locale. Bref, l’effet Carter est quasi immédiat. Si vous souhaitez d’ailleurs en savoir plus sur ce phénomène, nous vous conseillons le génial documentaire The Carter Effect — disponible sur Netflix — qui illustre parfaitement cet engouement autour des Raptors.
Après une première saison extrêmement prometteuse, il glane le trophée de Rookie of the Year avec des moyennes de 18,3 points, 5,7 rebonds et 3,0 passes par match. Il porte désormais le statut de future star de la ligue. Sous la pression médiatique et sous le feu des projecteurs, Vince ne fléchit pas, bien au contraire. Il donne une dimension à sa carrière que peu de scouts NBA auraient pu lui prédire. Adroit au shoot, dans le périmètre, en pénétration et surtout dans les airs, Carter est l’archétype de cette future génération de joueurs athlétiques et qui n’a pas froid aux yeux. Lui et son cousin, Tracy McGrady, forment ensemble un duo qui a de la dynamite dans les mollets et qui dynamise les foules. L’engouement autour des Raptors est de plus en plus fort et c’est en très grande partie grâce à ces deux joueurs, qui offrent aux fans des actions spectaculaires et même parfois violentes.
Pour sa deuxième saison, et à seulement 23 ans, Vince compte déjà parmi les meilleurs scoreurs de la ligue avec plus de 25 points par match. Les Raptors jouent bien et, à la moitié de la saison, ils affichent un bilan positif. De quoi rêver pour la première fois de playoffs. Bien entendu, Carter est élu All-Star, mais surtout, il est invité au Slam Dunk Contest aux côtés de son cousin — encore une fois.
Le Slam Dunk Contest, passage dans la stratosphère
Le hasard veut que sa première apparition au All-Star Weekend se déroule à Oakland. Le moins que l’on puisse dire, c’est que peut être Carter a fait regretter le board des dubs de l’avoir échangé. Mais une chose est sûre : Vince marquera à jamais de son empreinte ce weekend et en sortira auréolé d’un nouveau statut.
Le tableau est dressé, passons maintenant aux choses sérieuses. Le concours débute et c’est Tracy qui s’élance pour ouvrir les hostilités avec un reverse pump très haut dans les airs sous les yeux de son cousin. Il faut bien le dire, Vince a l’habitude de voir ce genre de choses à l’entrainement. T-Mac fait forte impression, mais le public NBA est exigeant et veut bondir de son siège. S’élance alors Steve Francis, puis c’est autour de Vince Carter. Ce qui va suivre représente encore aujourd’hui parmi l’une des démonstrations les plus électrisantes de l’histoire de ce concours. Petite course sur le côté gauche sans trop d’élan, et là, c’est la stupeur. Reverse 360 windmill !
Le bruit dans la salle est assourdissant, les stars en courtside sont sous le choc. Un véritable séisme vient de faire trembler la ligue. Les mots de Kenny Smith raisonnent encore dans nos têtes « Let’s go Home ! » tant ce que vient de réaliser Vince est surréaliste. Le niveau met du temps à redescendre, mais le concours se poursuit. T-Mac n’est pas en reste avec Steve Francis et Jerry Stackhouse, mais on sent véritablement la domination de Carter. Il mettra tout le monde d’accord en nous gratifiant d’un Elbow Dunk très propre et, surtout, d’un Rider sur une passe rebond de McGrady. Sans oublier une classe légendaire, en disant à la caméra « It’s over ».
Vince Carter remporte le Slam Dunk Contest haut la main et devient l’attraction de la NBA. Il faut bien se dire que, si les réseaux sociaux avaient existé à l’époque, les serveurs de Twitter et Instagram auraient explosé tant sa performance était renversante. L’impact de ce concours bouleverse sa carrière, il devient Half Man, Half Amazing ou Vinsanity. Il passe du statut de All-Star à celui de superstar et ses dunks tournent en boucle sur les highlights de Sport Center.
2000 — 2004, l’ascension
À peine sortie du All-Star Weekend, la compétition reprend. Vince poursuit sa très bonne saison et rajoute un coup d’éclat de plus à celle-ci. En effet, il marque 51 points face aux Suns, ce qui constitue son record en carrière. Carter et les siens terminent la saison avec un bilan de 45 victoires pour 37 défaites et filent pour la première fois de leur histoire en playoffs. Terminant 6e de la saison régulière, les Raptors se retrouvent face aux Knicks de New York, finalistes de la saison précédente. Les New-Yorkais ne laissent aucune chance aux Raptors, ils les balaient 3-0. Mais cette saison des dinos est de bon augure pour l’avenir.
À l’été 2000, les dirigeants des Raptors ont le choix d’offrir un gros contrat à McGrady au vu des progrès qu’il a montrés lors des deux dernières saisons. Cependant, le front office laisse filer l’ailier à Orlando contre un futur tour de Draft — soit une bouchée de pain quand on connait l’impact de Tracy à Orlando. Avec cette décision, les Raptors décident aussi de mettre les clés de l’attaque et leur destin entre les mains de Vince Carter. Ils décident également d’entourer le numéro 15 d’un effectif solide en y ajoutant Antonio Davis, Dell Curry ou encore Mo Peterson. Des soldats prêts à partir au combat, un effectif un peu fougueux et en même temps expérimenté, le tout coaché par Lenny Wilkens, Hall of Fame et coach champion avec les Supersonics en 1979.
Sur cette saison, Vince envoie encore une fois du highlight dans tous les sens, du scoring, encore du scoring et surtout des victoires pour les siens. Vinsanity marque à 30 reprises au moins 30 points dans un match, il est évidemment nommé All-Star — pour la deuxième fois consécutive — et permet aux siens de se qualifier en playoffs. Comme un signe, au premier tour, les Raptors retrouvent les Knicks, mais cette fois le scénario sera tout autre. Malgré un premier match catastrophique (5-22 au tir et 5 pertes de balle), Vince est l’homme de ce premier tour. Toronto remporte le match 5 à l’arraché sur un score final de 93 – 89. C’est un événement, pour la première fois de l’histoire de la ligue, une franchise canadienne sera présente au 2e tour des playoffs.
Après s’être défaits des Knicks, les Raptors de Carter se retrouvent face aux Sixers de la superstar Allen Iverson. Les deux hommes vont véritablement se transcender durant cette série et se transformer en machine à tirer — sans être particulièrement adroits. Alors que la série est à égalité, devant le public du Air Canada Center, Vince offre une performance historique à ses fans avec 50 points. Injouable, Half Man, Half Amazing rentre neuf shots derrière l’arc, gardant à distance Philly pendant toute la rencontre et remporte le Game 3 avec 24 points d’avance. La série est disputée et va jusqu’au Game 7 que les 76ers remportent d’un maigre point, 88 – 87. Vaillante, l’équipe de Toronto est désormais considérée comme une écurie solide de l’Est sur laquelle il faudra compter dans les prochaines années. La franchise pourra surtout compter sur Carter puisque, très logiquement, ils prolongent leur Franchise Player pour 94 millions sur 6 ans.
En 2001-02, les Raptors connaissent des débuts difficiles. Leur premier match se solde par une défaite de 29 points. Mais Vince continue de pointer parmi les meilleurs scoreurs de la ligue et porte les Raptors sur ses épaules pour les maintenir dans la course aux playoffs. Néanmoins, les observateurs constatent que l’arrière star de la franchise des dinos est gêné par des pépins physiques. Il se blesse au quadriceps face à San Antonio, juste avant le All-Star Break. Blessure qui obligera Vince à déclarer forfait pour le match des étoiles. Après sept matchs (perdus) sans Vince, les Raptors réintègrent leur superstar dans le starting five le 24 février. Avec un bilan de 29 victoires pour 29 défaites, la franchise compte sur Vince Carter pour emmener le collectif en playoffs. Mais V.C. ne semble pas jouer à 100 % de ses capacités, et il se blesse moins d’un mois après son retour, cette fois au genou. Les Raptors se qualifieront tout de même en playoffs, mais devront tenter d’en découdre sans leur superstar. Sans surprise, ils tomberont en 5 matchs face aux Pistons.
Carter revient pour la saison 2002-03, cerné par les doutes. Des doutes concernant sa santé, l’état de son genou, mais aussi sa motivation et son engagement. En effet, Carter semble agacé, reprochant au Front Office de ne pas l’entourer de joueurs stars pour permettre aux Raptors de franchir un cap. Après seulement deux rencontres, Vince quitte les siens après cinq minutes de jeu face à Houston. Il sera absent pour dix matchs en ce début de saison régulière, et reviendra pour jouer sept matchs avant de manquer cette fois 22 rencontres. L’ambiance entre Carter et l’organisation des Raptors est de plus en plus pesante, leurs rapports sont de plus en plus tendus. Carter ne joue finalement que 42 rencontres et ne termine même pas la saison avec ses coéquipiers, puisqu’il est à nouveau annoncé inactif à partir du 8 mars 2003. Orphelins de leur star, les Raptors ne remportent que 24 confrontations et finissent 7e de la division centrale.
Pour la saison 2003-04, Vince décide de laisser ses rancœurs de côté et de se recentrer sur le basket. Mais les doutes de Carter quant au niveau réel de l’effectif se confirment à l’issue de cette saison. Les Raptors manquent les playoffs pour la deuxième année d’affilée, avec un bilan de 33 – 49. Le divorce entre Carter et Toronto est attendu. Après 20 matchs de saison régulière lors de l’exercice 2004-05, la rupture se confirme et Carter est transféré dans le New Jersey. Ce trade redonne une impulsion à la carrière de Vince qui ne trouvait plus sa place dans le projet des Raptors. Alors que le cœur n’y était plus sous les couleurs de Toronto, avec seulement 15,9 points par match, ce changement d’air redonne confiance à Carte. En 57 matchs sous le maillot des Nets, il tournera à 27,5 points par match.
Vince Carter aura passé presque sept saisons sous le maillot des Raptors. Il aura donné une nouvelle dimension au basket au Canada et aura mis la ville de Toronto sur la carte des équipes NBA. Les 360 en plein match en contre-attaque ou les alley-oops de folie ont été pendant sept ans la marque de fabrique de V.C. Il aura tout donné pour sa franchise, jusqu’à ce qu’il se lasse de perdre et de ne pas avoir les moyens nécessaires pour aller plus loin. Vince restera à jamais une des légendes des Toronto Raptors, même s’il faudra du temps au public canadien pour se réconcilier avec l’athlète.
La période Nets, la maturité
Aux côtés du génial meneur de jeu Jason Kidd et du prometteur Richard Jefferson, Vinsanity semble épanoui et se sent écouté. Il évolue pour la première fois au sein d’un effectif à la mesure de ses ambitions et de son talent. Les Nets filent en playoffs avec un bilan de 42 – 40, mais seront sweepés par le Heat de Wade et Shaq. Malgré la défaite au premier tour, Carter peut tirer de cette saison un bilan positif. Il est nommé pour la sixième fois de sa carrière All-Star, et il s’est sorti de l’atmosphère morose qui régnait à Toronto.
Pour la saison 2005-06, les dirigeants des Nets sont confiants et décident de faire tourner l’attaque autour de leur big three composé de Richard Jefferson, Jason Kidd et Vince Carter. Vinsanity, qui rentre doucement dans la trentaine, fait évoluer son jeu. Désormais un peu moins athlétique, il shoote plus, profitant notamment de la vision de jeu de Jason Kidd pour prendre de bons tirs, tout en réceptionnant les passes alley-oop délivrées par le meneur Hall of Fame.
Malgré un Richard Jefferson à 19,5 points par rencontre et un Vince Carter à 24,2 points, ce n’est pas par l’attaque que les Nets s’illustrent, mais plutôt par une défense solide. Avec 92,4 points encaissés par match en moyenne, ils occupent la 6e place dans le classement de cette statistique. L’équipe occupe surtout la 4e place dans le classement du defensive rating avec 102,4. Lawrence Franck, à la tête des Nets depuis deux saisons, trouve le bon équilibre entre l’expérience et la jeunesse, l’implication en défense et la responsabilisation des stars. Au-delà des attentes, les Nets terminent 1ers de la division atlantique (49-33).
Carter participe à son 7e All-Star Game et réalise surtout la saison la plus complète depuis son année sophomore. Il semble comme un poisson dans l’eau dans le New Jersey. Vince reste surtout une machine à scorer et, surtout, à highlights. Il apporte une culture totalement nouvelle à ces Nets post Kidd-Martin du début des années 2000 et la recette fonctionne bien. Sur cette saison, Vince dépasse une fois la barre des 50 points, le 23 décembre, face à Miami, avec une victoire à la clé.
Les Nets vont logiquement en playoffs en consolidant leur première place de la division atlantique. Au premier tour, ils affrontent les Pacers dont ils se débarrassent en six matchs. Vince a énormément pesé sur cette série. Il dépasse la barre des 30 points à trois reprises, dont une pointe à 34 points avec une victoire décisive à la clé dans le Game 5. En demi-finales de conférence, les Nets tombent à nouveau face au Heat de Wade et Shaq. Encore une fois, l’histoire sera cruelle avec eux et ils tomberont en seulement cinq matchs face aux futurs champions — et ce malgré les 43 points de Vince lors du match 3. La saison des Nets s’achève donc, mais l’équipe a clairement séduit ses fans et dépassé les attentes du début de saison.
La saison suivante sera, pour la première fois de sa carrière, une saison pleine pour Vince. Pour sa 8e sélection au All-Star Game, aux côtés de son coéquipier Jason Kidd, il figure parmi les meilleurs scoreurs de la ligue avec 25,2 points par match. Il compte également un grand nombre de game winners sur cette année, V. C. fait partie des joueurs les plus clutch de la saison 2006-2007. À 30 ans, Vince atteint la maturité, mais reste encore incroyablement explosif et le prouve au match des étoiles. Une façon de le rappeler à tout le monde qu’il est l’un des meilleurs dunkeurs de l’histoire. Sur le plan collectif, cette saison est plus délicate pour les Nets qui finissent avec un bilan à l’équilibre avec 41 victoires et 41 défaites. En playoffs, après s’être défait des Raptors — l’ancienne escouade de Carter —, la team de Lawrence Frank se retrouve face aux futurs finalistes, les Cavaliers d’un tout jeune, mais déjà très dominant LeBron James. Ils s’inclineront en 6 matchs après un Game 6 sans appel et un Vince Carter maintenu à seulement 11 points.
Face au défi de rester une équipe de haut de tableau malgré l’âge avancé de leurs cadres, les Nets plieront. Entre la saison 2007-08 et 2008-09, l’équipe connait un grand nombre de changements. Vince reste un joueur de calibre All-Star, mais il ne sera pourtant plus jamais sélectionné pour faire partie des 24 joueurs qui participent au match des étoiles. La dynamique trouvée il y a 3 saisons de cela semble désormais lointaine et l’alchimie entre les joueurs est également brouillée. Brouillée au point d’atteindre la rupture, lorsque Kidd fait ses valises pour le Texas et rejoint les Mavericks. Malgré une excellente saison de R.J. en 2007-08 avec 22.6 points par match, l’équipe ne parvient pas à se qualifier en playoffs — une première depuis l’arrivée de Carter dans la franchise. La saison 2008-09 sera une copie conforme de la précédente. Les Nets poursuivent leur projet de restructuration et se débarrassent de Jefferson, ils mettent ainsi un terme au duo qu’il formait avec Vinsanity. Le front office mise sur une nouvelle paire autour du prometteur Devin Harris et de Vince Carter. Mais cela ne suffira pas à faire gagner des matchs aux Nets, qui terminent avec le même résultat que la saison précédente : 34 victoires pour 48 défaites.
Cette saison marquera surtout les fondations du nouveau projet des Nets, projet qui n’inclut pas Vince Carter. Logiquement, lors de l’intersaison 2009, les Nets évincent le numéro 15 de leur effectif. Il est transféré en Floride avec Ryan Anderson et rejoint le Magic d’Orlando. Le Magic devient la 3e équipe de Carter après déjà 11 saisons dans la ligue.
Vince, le vagabond
Plutôt enthousiaste à l’idée de signer Carter, le Magic a atteint les Finales NBA l’année dernière et se dit ambitieux à l’aune de ce début de saison. C’est surtout un tout nouveau statut pour Carter, qui sort pour la première fois du star-système et de toute l’image qui a été construite autour de lui. Il faut dire qu’au bout de 11 saisons, Vinsanity aura marqué la NBA et les fans avec ses dunks époustouflants et son sens du spectacle. Il a fait partie d’une génération de joueur absolument fantastique qui a su électriser les foules de la fin des années 90 à la fin des années 2000. Ce nouveau statut n’empêche pas Carter d’être, sur certains matchs, la plaque tournante en attaque. Pour preuve, à 33 ans, il manque d’égaler son record en carrière de 3 points avec 48 points face aux Hornets.
Le Magic répond encore présent cette saison et se positionne comme l’une des meilleures équipes de la NBA, avec le 4e offensive rating et le 3e defensive rating. 2e de la Conférence Est, Orlando se présente en playoffs parmi les favoris pour le titre. Carter est précieux pour le Magic sur ces playoffs. Il marque 15,5 points par match au premier tour, puis 18,3 au second. Après avoir infligé un sweep aux Bobcats de Charlotte et aux Hawks d’Atlanta, le Magic se retrouve face aux Celtics, dernier obstacle avant de retrouver à nouveau les Finales. Le scénario ne tournera malheureusement pas à leur avantage et l’équipe de Van Gundy s’inclinera 4-2 face aux C’s.
Malgré un bon début de saison 2010-11, le Magic décide de se séparer de Vince Carter après 21 matchs. L’ailier fait ses valises et les pose dans l’Arizona. Il amène avec lui 13 saisons de service, une expérience précieuse pour l’escouade des Suns. Aux côtés de Grant Hill et Steve Nash, il fait désormais partie des vieux briscards de la ligue. Mais Carter est toujours capable de dunker en transition et d’enquiller les tirs à trois points. Les Suns terminent la saison avec 40 victoires pour 42 défaites et manquent les playoffs.
Été 2011, nouvelle saison et nouvelle destination pour Carter qui rejoint désormais les Mavs, tout juste titrés après leur victoire historique face aux Heatles. Vince rejoint ainsi son ancien coéquipier des Nets en la personne de Jason Kidd. Vince est à l’aise dans le Texas et reste à Dallas pendant trois saisons. Après un premier exercice à 61 matchs dont 40 en tant que titulaire, Rick Carlisle décide de le faire sortir du banc dès l’année suivante. Coaching gagnant, puisque Vince accepte ce nouveau rôle et donne surtout raison à son coach. En tant que remplaçant, Vinsanity joue le rôle d’électron libre. Moins virevoltant, mais plus efficace à trois points — il tire à 40,6 % en 2013 et 39,4 % en 2014 —, il n’a pas perdu son sang froid. Il le prouve face aux Spurs lors des playoffs de 2014.
À l’été 2014, Carter rejoint les Grizzlies à désormais 38 ans. Un nouveau sentiment gagne la NBA et son public lorsqu’il apprend cette nouvelle. Alors que, depuis des années, la ligue voit de très grands joueurs mettre un terme à leurs brillantes carrières, un sentiment de nostalgie vient parfois se mélanger à la remise en question du statut de ring chaser. Mais pour Carter, continuer à jouer c’est pour une tout autre raison : l’amour du jeu.
Oncle Vince
Ce surnom s’est fait de plus en plus entendre chez les insiders NBA. Une façon sympa, presque fraternelle, de considérer Vince comme un membre de sa famille tant le joueur aura marqué le basketball, la NBA et la culture du sport au travers de trois décennies sur les parquets. Le voilà donc dans le Tennessee, on se dit alors qu’il en a pour une à deux saisons, mais c’est mal connaitre Vinsanity.
De quelle façon Vince répond aux rumeurs autour de ses vieilles jambes et de sa perte d’explosivité ? Avec un petit 360 très propre à l’échauffement d’un match de saison régulière face aux Raptors — comme un symbole —, à 39 ans. Tranquillement.
Carter passe trois saisons à Memphis, entre 2014 et 2017. Le plus fou c’est que plus il vieillira et plus il améliorera ses moyennes de points et ses pourcentages. La saison 2014-15 sera surtout le théâtre d’un moment très touchant entre le public de Toronto et leur ancienne star. En effet, l’organisation des Raptors décide de rendre hommage à Vinsanity avec une vidéo montrant ses plus belles actions sous les couleurs de Toronto. S’en suit spontanément une standing ovation énorme qui fera couler les larmes de Vince, très toucher par le geste. Une façon de dire « c’est pardonné Vince, tu es une légende ici ». Même les joueurs des Raptors se mettent à applaudir, reconnaissants de ce que Vince Carter a pu faire pour le basket et pour leur franchise. En 2017, le voilà alors vieux de 40 ans et de plus de 1300 matchs dans les chaussettes. On se dit alors que ça y est, qu’il est temps de ranger les sneakers. Mais non, Vince en a encore sous le capot.
Il décide de signer pour un an avec les Kings de Sacramento. Il fait office de vieux sage dans le vestiaire et offre encore aux fans quelques highlights avec des dunks en transition, au grand bonheur du public dans la salle. D’ailleurs, conscient de l’exploit que cela représente à l’âge de 41 ans, le public applaudit chaque dunk comme s’il s’agissait du Slam Dunk Contest de 2000. Chacun d’entre eux est suivi du move signature de Carter fait mine de démarrer une bécane, comme pour montrer qu’il a encore de l’huile dans le moteur. On met les métaphores automobiles entre parenthèses et on en revient à la formidable fin de carrière d’une légende, si vous le voulez bien.
2018, Vince fête ses 41 ans et il n’a plus rien à prouver à la NBA et même au basketball. Et pourtant, il décide de continuer. Souvenez-vous… Quelle était votre réaction quand vous avez lu ou vu que Carter a signé au Hawks ? Pour quoi faire ? Oui, les Hawks sont en reconstruction, le projet semble alléchant autour de leur meneur star Trae Young. Mais ce jeune groupe n’a aucune expérience de la ligue, ou presque. C’est en cela que Vince Carter joue un rôle si important dans une équipe comme celle-ci. Il faut bien se rendre compte que le coach, Lloyd Pierce, a seulement un an de plus que Vince. Et pourtant, le vétéran accepte son rôle. Tout ce qu’il souhaite, c’est jouer et enseigner aux jeunes. Sous les couleurs des Hawks, il passe la barre des 25 000 points en carrière le 21 novembre 2018.
Lors de cette saison 2019-20, de nombreux signes montrent du positif pour l’avenir des Hawks. Carter annonce que celle-ci sera sa dernière. Vince continue de rentrer en cours de match et tente d’impacter le jeu comme il le peut, à 43 ans révolus. Le 11 mars 2020, alors que les Knicks se déplacent sur le terrain des Hawks, un communiqué annonce la suspension de la saison NBA pour des raisons sanitaires face au coronavirus. Spontanément, alors que le match était plié, les fans des Hawks scandent « We want Vince ! ». Llyod Pierce ne se fait pas prier, il fait entrer le joueur sur le terrain. Il reste quelques secondes de jeu, Randle rentre son lancer et la remise en jeu est effectuée par Carter. Trae Young remonte la balle, accompagné par le vétéran. Il lui donne la balle, tête de raquette, l’arène entière retient son souffle et sur le terrain plus personne ne joue. Y compris du côté des Knicks. Vince s’arrête, il arme son tir. Ça rentre. L’arène explose et les fans sont aux anges, Vince également. Ça y est. C’était la dernière fois que l’on voyait Vince Carter sur un terrain de basket.
Sorti de North Carolina avec l’étiquette d’un super athlète, sans vraiment être sûr de quoi il serait capable en NBA, Vince Carter ne pouvait sans doute pas rêver d’une meilleure carrière. Il s’en va certes sans titre ou distinction individuelle — à l’exception du ROY —, mais avec un impact absolument colossal sur la culture basket et plus généralement sur la culture du sport. Des images qui ont fait le tour du monde à l’image de son dunk sur Frédéric Weiss lors des Jeux olympiques de Sydney ou son Slam Dunk Contest en 2000. Un joueur génial, scoreur, doté d’un large sourire, capable du meilleur, mais aussi du pire quand on pense à sa rupture avec les Raptors.
On retiendra surtout de Vince Carter les différentes parties de sa carrière. Une première durant laquelle il squattait jalousement les premières places du Top 10 avec ses dunks venus d’ailleurs. Puis une autre, un autre style, plus mature et tellement attachant. Vince Carter peut se dire qu’il n’a aucun regret à avoir, qu’il aura tout donné au basket et que son jeu, son sourire et ses actions auront marqué et marqueront à jamais le basketball. Au revoir légende.
Photo de couverture : Kevin C. Cox/Getty Images